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La semaine vue par Gilbert Ahnee

3 janvier 2016, 10:58

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Lundi 28 décembre 2015

Dimanche. Atterrissage de l’A340 MK 289, de Tana. 300 passagers. 20 minutes d’attente avant l’ouverture des portes. Un préposé en retard…

Double cut ethics…
Conditions dégradantes. Voici un peu plus d’un an, le photographe iranien Farhad Berahman fit paraître dans The Daily Mail un reportage sur les conditions de vie de la maind’oeuvre étrangère à Dubayy. Ce n’était pas la première fois que l’émirat cher à notre excellent Shawkutally Soodhun était mis en accusation pour cela, des émissions de télévision également avaient attiré l’attention sur le vif contraste entre le luxe proposé aux résidents et la misère de ceux qui construisent cette image d’opulence. Mais Dubayy la riche, la clinquante semble n’avoir cure des questions liées aux droits de l’homme, de dignité, etc. La République de Maurice peut-elle se permettre pareille indifférence ? Pouvons-nous accepter un modèle économique exploitant éhontément des pauvres d’Asie du Sud pour prolonger la rentabilité d’une économie non innovante ?

Un partenariat entre Statistics Mauritius, la Chambre de Commerce, la Mauritius Bankers Association, la Mauritius Employers Federation, la Confédération des travailleurs du secteur privé est-il envisageable ? Cette mise en commun de compétences pourrait-elle permettre d’établir le nombre de travailleurs étrangers dont notre économie a réellement besoin, pour soutenir le taux de croissance faisant consensus ? Peut-on établir des liens avec le réseau associatif, des ONG en Inde, au Bangladesh ? Plutôt qu’avec des recruteurs exploiteurs, qui valent aux candidats à l’emploi de se dépouiller dans l’espoir d’obtenir des revenus qu’ils n’obtiennent jamais ?

Ah oui ! Différence entre nous et Dubayy : les Emiratis, eux, n’ont pas eu d’ancêtres engagés. Chez eux, le 2 novembre n’est pas férié.

Mardi 29

16,96 m au triple saut, HSC+5, ingénieur dans le spatial. Le beau modèle que nous offre Jonathan Drack, sportif de l’année 2015 de l’express

if… then… else…
Capacity building. Scénario optimiste : l’emploi – requis par le gouvernement – d’un apprenant mauricien pour toute compétence étrangère embauchée produit effectivement le transfert de savoir-faire espéré. Nos jeunes se montrent curieux, créatifs, innovants et, comme l’espère Roshi Bhadain, on finit par sentir la Mauritian Touch, le Mauritian Feel, dès qu’on découvre une page ou une application mauricienne. Scénario pessimiste : l’obligation de recruter – et de rémunérer – des stagiaires pas encore formés – et par conséquent improductifs – a des effets négatifs sur les coûts d’opération et la compétitivité des entreprises. 

Leurs services deviennent trop coûteux, elles perdent leurs marchés. Les compétences étrangères retournent dans leurs pays, les jeunes Mauriciens – pas vraiment plus formés – se retrouvent au chômage. À moins que ce ne soit allé encore plus vite, que les entreprises n’aient pas attendu l’effondrement des commandes pour délocaliser l’activité dans une juridiction moins contraignante. 

Mais foin de pessimisme ! Allez, Monsieur le ministre, démontrez-nous votre génie, sortez-nous une copie un brin retouchée, améliorée. Cela pourrait proposer des stages non rémunérés pendant les vacances scolaires, pour orienter des jeunes vers ce type d’acquisition de connaissances. Ce pourrait être une réflexion entre enseignants et professionnels des technologies de pointe, pour envisager comment agir sur la culture de l’école, quels outils lui fournir pour le développement de solutions, pour l’apprentissage. S’il fallait une mission, disons, en Corée du Sud, pour découvrir les best practices du pays de Samsung, allez-y. Plutôt que rendre hors de prix l’embauche de talents.

Mercredi 30

Est-ce vrai que le directeur de l’ICAC était jugé «trop» indépendant ? En quelle unité mesure-t-on désormais les degrés d’indépendance ?

Le cran d’arrêt…
Empêcher les balles perdues. Eviter aussi les arrestations arbitraires, la prolongation de contraintes a priori superflues. Dans une tribune que publie l’express ce mercredi, le Director of Public Prosecutions (DPP), Satyajit Boolell, observe qu’il existe un sentiment, au sein du barreau, que les «provisional charges are being used as a cover for arbitrary arrests and detentions». Pour illustrer son propos, le DPP rappelle les arrestations, en 94, de deux anciens journalistes, alors à l’hebdomadaire Le Mag, ainsi que du président de ce titre, Philippe A. Forget. Et il nous rappelle utilement que, lorsque l’affaire arriva en Cour suprême, en appel, les juges trouvèrent l’information provisoire nulle et sans effet, le délit de publication d’informations secrètes étant inconnu en droit.

Peu importe que ce soit effectivement l’arrestation arbitraire de l’équipe du Mag ou davantage celle, plus récente, de Shakeel Mohamed qui engage le DPP à porter ce débat sur la place publique. Il nous invite tous – de Hurrydeo Bholah à Pravind Jugnauth – à rester extrêmement vigilants face à tout risque d’atteinte à nos libertés et à notre liberté. C’est un débat important, incontournable ; on veut espérer qu’il ne fera pas uniquement rebondir, disons, Raymond d’Unienville, Antoine Domingue et Dev Hurnam. On voudrait qu’il s’étende à tous ceux en mesure de faire évoluer les choses positivement. Que ce débat fasse sortir l’Hon Maneesh Gobin de son silence, qu’il démontre que l’Hon Rutnah est capable d’argumenter sans polémiquer, que l’Attorney General se préoccupe aussi des droits des prévenus. Une vraie conversation citoyenne…

Jeudi 31

Parents de… Mauriciens de l’année. À tous les âges, la réussite révèle un encadrement. Ô combien plus ici ! Merci pour tant de clairvoyance…

Double illégalité
Si ce n’est triple… Les marchands dits ambulants n’ont pas le droit d’opérer à certains emplacements, d’autres ne sont même pas autorisés à se livrer au commerce sur la voie publique. À ces opérations illégales s’ajoute la vente de CD piratés. Double illégalité et de quoi provoquer, désormais, une querelle, les intérêts des uns étant clairement en conflit avec ceux des autres. Souhaitons que nous soyons épargnés d’actes de violence et, encore plus inquiétant, d’alignements irréfléchis en faveur des uns ou des autres.

Lorsque les instances habilitées à empêcher les débordements et à faire respecter le droit ne sont plus en mesure de le faire, ou ne souhaitent pas le faire, lorsqu’il n’y a plus de régulation dans un secteur quelconque, il est livré à la loi du plus fort. Soit aussi à des risques de violence, lorsque les normes imposées ne satisfont plus certains. Le conflit musclé entre vendeurs de rue et musiciens détenteurs de droits d’auteur en est l’exemple le plus récent.

Une nouvelle année commence. Les tensions vont s’atténuer. Mais elle conduira aussi vers un autre mois de décembre et de nouveaux maires nous tiendront les mêmes discours impuissants. Serait-il possible, dès le début de l’année 2016, de réunir les parties prenantes, non pas pour punir quiconque mais pour rechercher une solution consensuelle, servant le mieux possible les intérêts de tous ?

Les vendeurs de rue nous confrontent à un problème environnemental, social, économique, politique. Il requiert des partenariats innovants, de la ténacité, une passion de la gouvernance…

Vendredi 01

Confronter les astrologues à leurs erreurs, leurs prédictions mensongères. Dégonfler ces baudruches, quelle belle initiative éditoriale…

Bonne année…
La santé hein, la santé. Mais encore… quoi d’autre ? Sûrement, la résilience, ce beau caractère dont notre société a d’ailleurs fait preuve en 2015. Cette dernière assez généreuse en catastrophes annoncées.

La bonne année 2016, ce pourrait être ne pas découvrir, dès la troisième semaine de janvier, qu’une route construite au coût de Rs 4,2 milliards est fissurée, qu’elle va nécessiter encore Rs 300 millions. 7,14 % de surcoût pour le trésor public. Et si cela se passait à nouveau, le souhait de bonne année serait que l’on puisse cette fois déterminer si ce n’est que le coût de l’incompétence ou celui, aggravé, de la corruption.

La bonne année 2016, on la voudra aussi sans effondrement dans le secteur bancaire, sans crise dans celui des assurances, sans faillite dans celui de l’automobile, sans gestion au jour le jour dans la santé high-tech, sans valse d’administrateurs, sans réclamations de Rs 35 milliards à l’État.

Quoi d’autre ? Oh, la bonne année 2016, ce pourrait être aussi un ministre de la Santé plus averti des droits humains dans son secteur d’intervention. Davantage convaincu que l’administration de la thérapie à l’individu contaminé relève aussi, pour l’État, de ses obligations en matière de prévention et de santé publique. Dans une bonne année, nous aurions fait comprendre à cet homme qu’il n’y a pas de prix a posteriori à payer pour un comportement à risques. Une bonne année ce serait aussi la disparition des affichettes d’offres d’emploi. Parce que, dit-on, Morisien napli le travay.

Samedi 02

La présidente juge qu’il y a déjà bien assez de religion partout, qu’une dose de laïcité serait la bienvenue. Merci madame, on respire…

Demande-t-on un miracle ?
Différentes écoles de pensée. Dont celle qui considère que le premier miracle économique fut déclenché par le budget 1983/84 de Lutchmeenaraidoo, couronné par le plein-emploi – au fait un chômage frictionnel de 3 % – à la fin des années 80. Préservant quelques dividendes politiques aux rouges, une autre analyse maintiendra que la croissance était déjà de presque 6 % en 1981, sous Ringadoo, que le premier miracle économique vint des acquis de Lomé et du Protocole sucre. Par ailleurs, en 2002/03 déjà, SAJ et Bérenger nous annonçaient, pour la cybercité d’Ébène naissante, un nouveau miracle. Deuxième ou troisième ? Quoi qu’il en soit, le saut fut convaincant. Donc, plutôt qu’un éternel second, c’est un troisième, si ce n’est un quatrième miracle que Lepep tente désormais de nous vendre. Mais avons-nous réellement besoin de miracles ?

En 2001, les économistesde la Banque mondiale Arvin Subramanian et Devesh Roy notaient que la réussite mauricienne pour la période1982-90 fut portée par la haussedes intrants, capital et maind’oeuvre,ces derniers contribuantà 80 % de la croissance moyennedu PIB. En revanche, de 1991 à 1999, elle fut surtout tributaire de gains de productivité.

Est-il possible, aujourd’hui, de reproduire le modèle 82-90 ? Sans les délocalisations de Hong Kong et la bouffée d’oxygène fiscale des taux d’imposition passant de 70 à 30 % ? Nos décideurs le savent : il n’y aura pas de miracle. Les dieux, désormais, réclament trop de commissions. Mettons-nous plutôt au travail. Sérieusement, entre mortels.