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Cahier d’un non-retour au pays natal

6 février 2016, 08:29

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C’est leur moment de gloire. Les lauréats, juchés sur les épaules de leurs amis, mitraillés par l’ensemble de la presse, incarnent les élites d’un système éducatif tant décrié. C’est aussi un moment opportun pour nous interroger sur nous-mêmes. Sur le plan national, par exemple, que gagne-t-on en envoyant nos lauréats dans les meilleures universités mondiales ? Tout le monde sait que le fameux «bond» censé attacher le lauréat au pays n’existe que sur papier, que c’est une règle violée allègrement, avec la complicité d’une certaine bourgeoisie d’État, par plus d’un.

Posons la question : combien de lauréats reviennent après leurs études pour travailler ? Et combien d’entre eux, une fois leur diplôme en poche, s’en fichent de l’accord qu’ils ont signé avec l’État mauricien en acceptant leur bourse d’études ?

Sur le plan moral, toutefois, un pays comme Maurice est-il en droit de blâmer ses enfants qui ne reviennent pas en sachant que les règles régissant le marché du travail – que ce soit dans le public ou le privé – sont faussées à la base ? Et ce, grandement à cause de l’ingérence politicienne et de certains réflexes claniques qui n’ont, hélas, pas évolué avec le temps.

On le sait, mais on ne fait pas grand-chose pour inverser la tendance : la fuite des cerveaux provoque des effets négatifs – insoupçonnés et incalculés – sur notre croissance et notre développement économique. L’émigration mauricienne tend à s’accélérer aujourd’hui en raison de cette mondialisation qui paupérise les pays vulnérables comme le nôtre, en forçant nos meilleurs diplômés ou travailleurs à l’exil. En 2016, contrairement aux années précédant l’indépendance du pays, le réel débat aurait dû être d’ordre économique : c’est-à-dire mesurer l’impact des vagues migratoires sur notre économie. C’est important que nous le fassions car les compétences acquises par ceux qui s’en vont vivre sous d’autres cieux (souvent aux frais des budgets publics d’enseignement supérieur) ne sont pas utilisées chez nous.

Plusieurs études démontrent que tant que les facteurs conduisant à l’émigration (crises économiques, taux de chômage élevé, manque de services sociaux adaptés comme la santé et l’éducation, communalisme, népotisme et absence d’égalité des chances et de justice sociale, etc.) persisteront, il sera quasi impossible de faire revenir les expatriés, dont ces lauréats que nous idolâtrons aujourd’hui, qui sont déjà bien casés dans un environnement moderne. En effet, ce n’est pas facile de rentrer au pays et retrouver certaines mentalités étriquées (proportionnelles à la superficie du bassin mauricien) et des passe-droits dignes d’une république bananière.

En ces temps d’ouverture, on ne devrait pas non plus célébrer l’insularisme : en allant travailler à l’étranger, les expatriés peuvent nous enrichir de multiples façons. La migration pourrait être bien plus bénéfique pour nous à condition de traiter le sujet avec pragmatisme. Avec une stratégie bien ficelée, elle pourrait évoluer progressivement – et positivement en notre faveur. Avatar de la colonisation, la migration pourrait potentiellement se muer en la diaspora de l’intelligence, grâce à Internet qui nous rapproche de ceux qui ont pris leurs distances.

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Pour changer la donne, Vishnu Lutchmeenaraidoo a un plan : recenser et renforcer les liens avec la diaspora mauricienne. S’il arrive à convaincre les Mauriciens de l’étranger de revenir au pays, comme lui-même a souhaité revenir au MSM, il a peut-être des chances ! Cette semaine, ce libre-penseur a, en effet, ravalé ses propos en redemandant son admission au sein du MSM. Pourtant, à son retour aux Finances, Lutchmeenaraidoo avait séduit plus d’un en affirmant que la politique politicienne ne l’intéressait pas. Il bombait le torse : «Avec SAJ, je suis le seul à ne pas appartenir à un parti politique, à ne pas avoir les mains attachées.» Le signal qu’il envoie désormais, c’est que sans le MSM, il ne peut pas fonctionner. Ce seul geste vient le discréditer aux yeux de tous ceux qui veulent dépolitiser les grands défis nationaux. Et l’on se demande : pourquoi Lutchmeenaraidoo a-t-il voulu s’attacher à nouveau les mains avec le MSM qu’il avait déjà abandonné dans le passé ?

 

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Alors que le Muvman Liberater (ML) d’Anil Gayan a entamé une campagne rétrograde et antidémocratique contre la presse, traitée, entre autres, de raciste et de parti-pris, il est intéressant de revenir sur les écrits du même Gayan dans l’express, entre 2012 et 2014. Animant une chronique surnommée fatalement «Only in Mauritius», l’ancien lauréat du collège Royal de Port-Louis a largement bénéficié de l’hospitalité de nos colonnes et de notre politique favorisant le libre échange des opinions (même si on ne les partage pas forcément). Gayan lui-même le reconnaît dans le livre regroupant ses écrits : «I am very grateful to La Sentinelle and its daily l’express to have provided me every Monday the same spot in the paper for over two years to write on any topic of my choice. At no time has there been even a hint from l’express about what to write or what to avoid.»

D’ailleurs, en une occasion au moins, Gayan a abusé de notre confiance et nous a singulièrement embarrassés vis-à-vis de nos lecteurs. En mars 2013, le chroniqueur Gayan décide de s’en prendre au menu du banquet d’État à l’occasion du 45e anniversaire de l’Indépendance, dont l’invité d’honneur était le président indien Pranab Mukherjee. Le titre de l’article au vitriol était «What a narrow escape». Sauf que Gayan avait tout faux, surtout en écrivant : «The lamb – which I am told was far from tender and juicy…» Ce qui nous avait valu une mise au point du traiteur, Jacqueline Dalais : «Le soir du diner, l’invité d’honneur a eu comme plat principal un curry de poisson, et pas d’agneau, comme M. Gayan le laisse entendre. Il est quand même difficile de confondre les deux. Il se peut que certaines personnes aient du mal à faire cette différence, mais à chacun son palais.»

Aujourd’hui, quand on entend le ML du tandem Collendavelloo-Gayan – et leur aboyeur Rutnah – s’en prendre ainsi à la presse libre et plurielle, l’on a presque envie de rire. Sauf qu’ils sont pathétiques et ne comprennent toujours pas l’importance de la presse dans une démocratie.

Avec des ministres comme Gayan, on peut comprendre pourquoi la plupart de nos lauréats – qui n’ont pas la chance de bénéficier du «backing» des politiciens de la trempe du ministre de la Santé – ne veulent pas retourner au pays natal… et pourquoi lui est revenu !