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Notre mentalité «nénénne»

7 février 2016, 07:39

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C’est ainsi que l’on jette ses chaussettes n’importe où dans la chambre, que l’on laisse choir son linge en dehors de la douche sans un deuxième regard, que l’on quitte son assiette sale à table, après avoir dîné, qu’on ne fait pas son lit soi-même et que l’on ne brosse pas ses chaussures quand elles sont sales. La «nénénne» est là pour cela !

Vous avez été dans un supermarché à la fin du mois dernier ? Qu’est ce qu’il y a dans la tête du Mauricien moyen qui fait que, quand il a vidé son panier sur le tapis menant à la caisse, il laisse ce panier, là où il tombe, dans le désordre, ne prenant même pas une minute, voire quelques malheureuses secondes, pour, par exemple, le ranger, en ordre; le sien dans celui des autres ?

Je vous explique : il s’agit d’un mal particulier, qui est bien incrusté dans notre culture, du moins au stade actuel, et que l’on peut appeler l’esprit «nénénne», par lequel on ne se sent pas responsable de son action jusqu’au bout, estimant que quelqu’un d’autre sera toujours là pour passer après soi et assumer ce que l’on n’a pas su compléter soi-même. C’est une mentalité dont nous n’avons pas l’exclusivité bien sûr, mais puisque solidement immature, va nous handicaper sérieusement si l’on veut progresser vers le nirvana du «high income»…

C’est un état d’esprit qui commence d’ailleurs tôt, à la maison. C’est ainsi que l’on jette ses chaussettes n’importe où dans la chambre, que l’on laisse choir son linge en dehors de la douche sans un deuxième regard, que l’on quitte son assiette  sale à table, après avoir dîné, qu’on ne fait pas son lit soi-même et que l’on ne brosse pas ses chaussures quand elles sont sales. La nénénne est là pour cela ! On la décrit comme la bonne «à tout faire» d’ailleurs ! Elle passe derrière pour tout remettre à l’endroit (c’est souvent la mère poule, trop complaisante, qui le fait…) et celui qui n’assume pas, mari compris, se conduit pareil la prochaine fois, car il ne subit jamais la conséquence de ses actes.

Exactement comme ces enfants gâtés de riches qui ont goûté au caviar trop tôt, sans jamais avoir transpiré pour le mériter. À cet effet, la mère ou le père d’une famille, bourgeoise ou pas, qui insiste pour que son enfant s’assume, au moins de temps en temps, lui faisant donc faire son lit, laver la vaisselle, ranger au moins sa chambre ou nettoyer les toilettes qu’il aide à salir, lui rend un service inestimable ! A contrario, les enfants (ils sont nombreux !) qui grandissent sans jamais assumer les conséquences de leurs actes développeront cette mentalité nénénne.

Pensez ainsi au bureau du Travail qui, s’il est dans son rôle quand il protège l’employé face à un employeur abusif ou de mauvaise foi, fini par être un père fouettard du patronat (et la nénénne-en-chef de l’employé…), en sollicitant des arrangements à l’amiable, même quand l’employé est fautif ! Pensez au «contracteur» qui fait le gros de son travail, mais qui ne finit pas les derniers 5 %, taches de peinture sur le carrelage et débris de construction laissés sur place compris.

Pensez à ceux qui choisissent de construire dans des bas-fonds, peut-être parce que c’est meilleur marché, et qui demandent ensuite aux autorités de construire des drains coûteux (dans lesquels seront d’ailleurs déversées les immondices encombrantes de chez soi) quand leur maison est envahie par l’eau. Pensez au journaliste qui ne relit pas son texte et qui glisse donc des milliards dans la place qui revient à des millions…

Pensez à tous ceux qui constatent la bonté du gouvernement pour les souscripteurs de SCBG de la BAI et qui investiront à nouveau dans le prochain Whitedot en pensant qu’au pire, le précèdent étant maintenant établi, le contribuable essuiera les plâtres. Vous en connaissez combien qui préfèrent téléphoner à Finlay de Radio One en… premier recours ? J’espère que vous avez la chance de vivre dans un quartier ou l’on se prend en main, ou l’on nettoie, ou l’on construit les drains nécessaires, ou l’on asphalte même, sans attendre les autorités, spécialistes de bougies rouges.

Vous vous inquiétez de la posture «poupette» qui mène à des institutions caniches plutôt que bouledogues ? Ou à des responsables qui rasent les murs et qui, comme Mme Chuong de la MBC, font, sans discussion, tout ce qu’on leur dit ? Ça découle aussi de ce que trop de nos enfants ne s’assument pas et que, quand un supérieur fait parler la poudre, le rotin ou son pouvoir, ils se couchent. Parce qu’ils n’ont jamais été formés dans la douleur et donc contraints à reconnaître le mal du bien et, en conséquence, à se battre ouvertement et objectivement pour ce dernier. Tout ce qui compte pour eux, c’est ce qui marche… pour eux-mêmes. Peu les principes.

C’est ainsi aussi que le Mauricien moyen vit dans une île relativement propre, non pas parce qu’il ne salit pas, mais parce qu’autant qu’il salit, on passe derrière lui pour nettoyer ! Imaginez seulement si les plages publiques n’étaient plus nettoyées du tout pour un mois et que le Mauricien pollueur devait s’asseoir, pour son repas, sur les immondices odorantes de ces prédécesseurs… du dimanche précédent ! Les chances sont qu’en l’état actuel des choses, le public protesterait vigoureusement contre «les autorités qui ne font pas leur travail» et que celles-ci se confondront en excuses et feront nettoyer; points politiques obligent. Par contre, elles ne rendraient sûrement pas un bon service !

Elles seraient mieux inspirées et auraient même plutôt le devoir d’organiser un tel mois de plages non nettoyées et d’en profiter pour faire un exercice de pédagogie, qui démontre la conséquence de ses actes, qui responsabilise, qui fasse assumer, qui fasse grandir. Qui affranchisse de notre état d’assisté. Qui nous libère enfin de nos mentalités nénénnes…