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Lutte à quatre : vive la révolution !

20 février 2016, 07:10

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De passage, cette semaine, dans les locaux de l’express, Paul Bérenger a lancé l’idée : pourquoi pas une lutte à quatre aux prochaines législatives ?

…pourquoi pas ? Mais il importe aussi que l’on s’interroge : pourquoi, 47 ans après notre indépendance, persister avec les mêmes, surtout quand l’on sait pertinemment bien que les chances que notre système soit réformé sont quasi nulles ? Sommes-nous, à ce point, en manque de démocrates ?

Jusqu’ici, l’électorat local s’est surtout habitué à des joutes entre deux principaux blocs d’assemblages hétéroclites – le reste faisant office de figurants sur le bulletin de vote. En 2010, pour ne pas perdre le pouvoir, le PTr avait réchauffé le bleu-blanc-rouge de 1983 pour venir à bout du MMM (avec le même argumentaire – sur l’épiderme de Bérenger – qui n’avait pas évolué).

Échaudés par cette alliance inattendue, les mauves se sont unis, en 2014, avec les rouges (pour barrer la route à une nouvelle alliance PTr-MSM). Mais les deux plus grands partis sur papier (qui prétendaient rassembler 80 % des votes aux dernières élections) seront platement battus par des partis représentant chacun moins de 5 % sur l’échiquier. Et depuis, Paul Bérenger blâme Navin Ramgoolam, mais épargne soigneusement le PTr dont il dit être fan. Le leader du MMM a bien assimilé les sensibilités du corps électoral.

Aujourd’hui, alors qu’il n’y a pas vraiment d’enjeu électoral immédiat (à moins que les astres ne décident autrement), le MMM ambitionne de cheminer seul, sans paravent, sans accord à l’israélienne. C’est maintenant ou jamais, pense Bérenger.

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Le spectacle est désolant. Le pays semble être dépourvu d’un capitaine pour maintenir le cap énoncé dans la Vision 2030. Les chiffres de la croissance économique sont constamment revus à la baisse, malgré des promesses d’embellie. La Banque mondiale tire cette fois-ci la sonnette d’alarme sur le fait que les inégalités de revenus se creusent alors que la classe moyenne rétrécit, comme une peau de chagrin, et le chômage chez les jeunes grimpe, comme la colère dans les régions inondées.

Après un an au pouvoir, la magie Lepep n’opère plus. Le leader du MSM et ses ministres ont réalisé, cette semaine, à Fond-du-Sac, que leur capital de sympathie avait déjà fondu et que le grand public, lui, ne sait plus qui de Dayal ou de Soodhun est devenu le plus risible. Au fil des faux pas, il devient évident que le gouvernement du jour n’était pas préparé à prendre le pouvoir. L’âge avancé de SAJ et le sort incertain de Pravind sont deux facteurs qui pèsent de plus en plus lourd. Faute d’un leadership solide, le parti fonctionne au petit bonheur : on a l’impression qu’ils avancent en rangs dispersés, chacun tirant dans une direction.

Prenez le ML comme exemple. Ivan Collendavelloo, juriste respecté, est un piètre ministre : il n’est manifestement ni à l’aise au CEB (le risque de black-out ne cesse de croître) ni à l’aise à la CWA (lisez l’interview de Yousouf Ismael à la page 8 pour vous en rendre compte) ; Gayan, lui, s’emmêle les pinceaux à la Santé et braque l’opinion contre lui pour plusieurs raisons.

Le PMSD mise sur la communication, mais ce n’est pas suffisant – c’est le fond qui importe pas le brand, comme on le pensait avec le slogan de triste mémoire, «Mauritius, c’est un plaisir». Xavier-Luc Duval, devenu allergique aux critiques des journalistes, semble vouloir faire cavalier seul en surfant sur la vague touristique (en essayant de nous faire croire que nous sommes le meilleur élève toutes catégories de la région océan Indien – ce n’est pas le cas !) ; ce qui provoque l’ire du Sun Trust qui, désormais, surveille les bleus de près, surtout lorsque Duval assure l’intérim… Jean-Max Baya, qui voulait rejoindre la basse-cour bleue, vient du reste d’en faire les frais. L’idée d’installer Jean-François Chaumière au PMO est justement d’empêcher le PMSD d’essayer de se muer en un parti national – et de se replier sur son électorat traditionnel qui est désormais ouvertement courtisé par l’ancien président des rouges.

Et le PTr, qui fête ses 80 ans, traverse, depuis la première arrestation de Ramgoolam et la saisie de ses coffres forts, la plus sérieuse crise de son existence. C’est une double crise : une crise (de leadership) interne et une crise (d’image) externe. En raison de ses démêlés avec la police, Navin Ramgoolam ne va nullement lâcher les rênes du parti. Ce faisant, il endosse le costume de martyre politique. C’est pour cela qu’il a vite refroidi les ardeurs d’Arvin Boolell en rameutant ses gros bras lors d’un BP. Boolell en est ressorti la queue entre les jambes et est vite rentré dans les rangs. Sans son bouclier de leader, Ramgoolam se sait vulnérable. Alors le bouclier devient son arme. Et en fin stratège, il court-circuite toute tentative de le déloger, qu’elle provienne des Boolell ou des Mohamed. Pour cela, il peut compter, entre autres, sur Rama Valayden et Dev Virahsawmy, deux recrues opportunes.

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L’histoire récente de notre itinéraire post-indépendance est simple. Nous avions eu pour succéder aux Britanniques sir Seewoosagur Ramgoolam, premier Premier ministre. Celui-ci devait passer les clés d’une île indépendante, avec la bénédiction de Paul Bérenger, à sir Anerood Jugnauth. Qui s’est imposé après SSR comme le deuxième père du pays, celui du développement économique.

Puis, poussé tantôt par sir Gaëtan Duval, tantôt par Paul Bérenger, a émergé le fils de SSR : Navin Ramgoolam. Son frère était alors Paul Bérenger… Mais des mois après (tout comme Jugnauth en mars 1983), il se débarrassera d’un Bérenger trop encombrant…

Alors l’insatiable Bérenger court chercher, dans le désert, le vieux chameau politique, sir Anerood, encore pas remis de ses 60-0. En 2000. Sir Anerood arrache le flambeau à Navin. Cinq ans plus tard, alors que SAJ est au Réduit, Navin Ramgoolam l’arrache de Paul Bérenger.

Et depuis, inlassablement, on remanie ceux d’en bas, on change de secrétaire général, ou de président à la tête de l’aile jeune des partis, mais à la tête du système politique, c’est toujours les mêmes patronymes qui tournent et qui tirent les ficelles.

C’est évident qu’outre l’héritage politique, les fils des propriétaires des partis politiques (aur) ont à gérer de gros sous, des caisses occultes. Ces sous dont on ne voit qu’une partie de l’iceberg dans quelques rares rapports financiers, mais qui restent quand même largement cachés, en l’absence d’une loi sur le financement des partis politiques. Et dire qu’on a donné à Duval le soin de venir avec une loi sur le financement des partis politiques !

Étant fils de fonctionnaire, Bérenger peut potentiellement changer la donne, car, jusqu’à preuve du contraire, il serait le seul, parmi les quatre leaders politiques, à être à l’abri des accusations de corruption ou de népotisme. Pour que cela dure, il devrait demander, à contrecœur peut-être, à ses enfants, malgré toutes leurs compétences, de ne pas être des Navin, des Pravind ou des Xavier/Adrien. Il ne s’agit pas ici de méritocratie. Il s’agit d’en finir avec un système qui n’a que trop duré et qui ternit notre image… Vive la révolution !