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Un pays à aimer, un pays à diriger

13 mars 2016, 07:49

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Un pays à aimer, un pays à diriger

Nous ne sommes certainement pas les seuls : à l’express, nous aimons ce pays !

C’est sans doute parce que nous l’aimons à ce point que nous n’accepterons jamais de le voir être dépecé, pollué, dévoyé, affaibli par quiconque, fut-elle une autorité mandatée un jour d’élection.

Que nous nous battrons, avec vigueur, pour que sa démocratie ait un sens, que ses institutions fonctionnent librement, que ses contre-pouvoirs s’assument et s’activent, que son peuple soit uni dans un mauricianisme qui ne tolère aucun sectarisme, fut-il d’ordre religieux, culturel ou ethnique.

Que nous nous mettrons en quatre pour assurer un avenir à la méritocratie, car les préférences, tribales ou partisanes, sont autant d’occasions de décourager l’effort, de faire fuir nos jeunes à l’étranger, de favoriser les foireux, les faux-culs et les parasites et de créer, mathématiquement, plus d’insatisfaits que de satisfaits. Résultat : un pays amer ! Continuellement.

Que nous allons continuer à nous investir dans la réalité de l’effort plutôt que dans l’illusion du «miracle», dans l’incontournable évidence de la productivité, dans l’ouverture accélérée du pays sur le monde qui nous entoure, afin d’éviter le nombrilisme et la batardisation de l’esprit.

Que nous soutiendrons tous les efforts de scolarisation et de formation de qualité, car ce sont les seuls moteurs valables d’amélioration de la condition humaine et que nous célébrerons tous les succès, sans les verres déformants de l’analyse gauche-droite ou du nou bann-zot bann.

Que nous nous assurerons qu’avant quelques mois, les autorités de ce pays se seront enfin réveillées à l’absolue nécessité de manger sans pesticides et sans poison, que ce soit pour la nourriture importée ou celle produite localement.

Que nous encouragerons toujours l’esprit civique, le combat contre la misère et la corruption, une plus grande dose de respect pour la nature, la sauvegarde de l’État de droit et la promotion de l’égalité des chances. Voilà nos voeux dûment renouvelés pour tes 48 ans !

Un étranger me demandait vendredi d’expliquer ce qui se passe dans le pays actuellement. Ce n’est pas un récit simple, mais on peut quand même résumer la situation à deux niveaux.

D’abord, le schéma classique du pouvoir est lézardé. Un des problèmes c’est que pendant les premiers mois de ce gouvernement, l’opposition éclatée était à la fois démoralisée et faible. Pas de quoi retenir l’attention du gouvernement suffisamment pour qu’il reste tout à fait sur les rails. Cela a engendré des dérives, du genre «tout nous est donc permis».

Le PM, dont la force de caractère a été plus d’une fois démontrée dans le passé et sur la base de quoi l’électorat lui a donné, contre toute attente d’ailleurs, un nouveau mandat en décembre 2014, semble aujourd’hui, à travers son fils, encourager un certain bicéphalisme à la tête de l’État et trouver plutôt difficile à gérer (à cause de cela ?) les velléités et les ambitions de ses grognards les plus remuants. Contre nature, nous avons même été publiquement mis au parfum de deux épisodes de ce bicéphalisme.

Le premier fut quand le PM affirma, dans son message télévisé, du 1er janvier 2016, qu’il avait pourtant bien demandé Pravind de ne pas faire de politique…

Le deuxième surgissait sur le projet de vice-présidence ou père et fils avaient des opinions publiques divergentes, opposées même sur l’option de l’ «attendant» Menon Murday. On peut estimer que ces deux épisodes ne sont que le sommet d’un iceberg. Ceux qui sont au pouvoir ne s’y trompent pas et s’y engouffrent : il y a des occasions pour faire son propre nid, pour poser ses jalons, pour semer quelques peaux de bananes…

Ensuite, l’autre phénomène majeur relève de la «crisis of expectations» qui, avec le temps, est bien obligée d’aller en grandissant. Cette crise d’attentes trouve évidemment ses racines dans la promesse d’un «2e miracle» économique et dans celle d’une gouvernance radicalement meilleure. Pour le «miracle», on est déjà en retard à l’horloge. Idem pour les smart cities, le port et l’économie bleue, mais pire encore, comme démontré par la gestion immodérément légère des permis de travail de la CMT (qui va surement résulter en une accélération de l’exportation des emplois textiles) ou la mollesse avec laquelle on s’attaque au suremploi aux casinos, à la cacophonie financière à la MBC ou à la défense de «vested interests» à la CHC, ce gouvernement ne sait pas ou ne veut pas faire ce qu’ il faut, à l’exception peut-être du tourisme, qui a pris un bon cap.

Quant à la gouvernance améliorée, l’aune de mesure était bien sûr le favoritisme, l’indiscipline, la corruption sous Ramgoolam et cela donne de la marge. Or, ce gouvernement a rapidement choisi ses mignons et ses mignonnes, répète le «unsollicited bid» de CT Power ou de Neo Town avec Heritage City ou Stree Consulting et n’est pas très transparent sur DP World. De plus, à quelques exceptions près, (Megh Pillay, Ramesh Basant Roi, Arnaud Martin, Sen Ramsamy…), ce n’est pas nécessairement l’avènement de la méritocratie, les institutions supposément indépendantes ne sont pas rendues plus libres qu’avant (FSC, ICAC, Police…), la Freedom of Information et la Declaration of Assets poireautent et le commandement numéro 12 du manifeste du gouvernement Lepep qui garantit la «liberté d’opinion et de mouvement» fait rire jaune quand on pense aux épisodes Ish Sookun, Hassenjee Ruhomally, l’avoué Tandrayen ou du DPP, ce dernier étant catalogué pour la seule raison que son frère est politicien. Ce commandement poursuit d’ailleurs : «Tout citoyen sera libre de démontrer publiquement son appartenance politique sans crainte de sanction, de discrimination ou de harcèlement de la part du gouvernement.» A ce chapitre, vous êtes bien assez grands pour chercher vos propres exemples, n’est-ce pas ?

Le prédécesseur de ce gouvernement avait aussi promis un miracle, soit celui de changer la vie des gens en 100 jours. Il lui fallut, en 2010, la puissante potion d’une alliance avec le MSM (et la tête de Sithanen) pour contrer les rêves qu’il avait lui-même déçus. Les rêves déçus… de ceux qui ont voté ce gouvernement s’accumulent quelque part dans un tempo et la pression monte et monte… et on en entend déjà les sifflements.