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Le miracle économique sans Lutchmeenaraidoo ?

23 mars 2016, 10:44

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Le miracle économique sans Lutchmeenaraidoo ?

Dans  la guerre des nerfs opposant Vishnu Lutchmeenaraidoo à ses détracteurs du gouvernement et de son parti depuis un mois, l’ex-Grand argentier joue visiblement son va-tout. Et se place dans une position de non-retour qui risque de lui coûter cher politiquement. Sir Anerood Jugnauth consulte et observe mais ne tardera pas à siffler la fin du match. D’un calme olympien – et en bon adepte du soufisme –, Vishnu Lutchmeenaraidoo sait mieux que quiconque qu’il est entré depuis quelques jours dans une logique de rupture. Quand on est ministre de la République et de surcroît ministre des Finances, on ne multiplie pas les attestations médicales pour justifier une absence prolongée de son bureau et accessoirement du Conseil des ministres pendant… trois semaines. Alors même que toute la population rit sous cape de la comédie qu’il joue à la manière d’Argan dans «Le Malade imaginaire» de Molière.

Appelé à la rescousse en octobre 2014 par sir Anerood Jugnauth pour constituer le tandem de choc susceptible de réaliser le second miracle économique à la faveur d’une nouvelle équipe gouvernementale, Vishnu Lutchmeenaraidoo n’aura pas été la carte maîtresse de ce nouveau dispositif économique pour aider le pays à bondir vers de nouveaux sommets. Il laissera une image d’un ministre déconnecté des grandes réalités économiques, gérant beaucoup plus par intuition personnelle que par l’intelligence collective de son bureau.

Du reste, l’idée de réunir la même équipe d’administrateurs qui a fait le premier miracle économique de 1983 à 1990 (dont Dev Manraj, Madurkarlall Baguant, Shakuntala Jugmohun et Ayub Nakhuda) aura été une mauvaise stratégie, ces hauts commis de l’État étant en déphasage avec les impératifs économiques du jour ! Du coup, on se souviendra malheureusement du second passage de Vishnu Lutchmeenaraidoo aux Finances comme une parenthèse vite refermée et loin de cet héritage économique qu’il nous avait promis durant la campagne électorale…

Pire encore, au moment même où le compte à rebours s’est enclenché pour le nouveau chef de la diplomatie mauricienne, le FMI est venu tirer la sonnette d’alarme sur l’augmentation de la dette publique de 2 % du produit intérieur brut (PIB) (Rs 259 milliards en décembre 2015, contre Rs 236 milliards en décembre 2014). L’institution internationale rappelle dans la foulée l’urgence d’une bonne maîtrise des dépenses publiques : «… they recommended containing current spending while better targeting priority social expenditure, broadening the tax base, improving the efficiency proceeds for debt reduction».

Aujourd’hui, plus encore qu’hier, les opérateurs s’interrogent sur le leadership économique de ce gouvernement. Ils se demandent si sa gestion se résume à celle de la crise de l’ex-empire de Dawood Rawat dont les conséquences sociales se font toujours sentir après plus d’une année.

 L’affaire BAI n’était certes pas une des priorités de l’alliance Lepep. Aujourd’hui, d’autres priorités doivent mobiliser toute l’énergie des dirigeants du pays pour ramener le «feel-good factor» nécessaire à nos entrepreneurs pour les encourager à innover et à investir. À ce sujet d’ailleurs, Maurice attend toujours une politique énergétique digne de ce nom !

À quelques semaines de la présentation du Budget, on peut s’interroger sur le bilan du premier exercice de Vishnu Lutchmeenaraidoo. Certains diront qu’à part l’effet d’annonce de certains méga-projets liés aux «smart cities» à coups de milliards de roupies (encore que pas un seul projet ne soit sorti des terres), il n’y a pas eu de mesures concrètes pour marquer l’esprit de la population.

Entre-temps, le pays s’accommode d’une croissance en berne – moins de 3,5 % pendant plus de cinq ans – et parvient difficilement à passer le cap des 4 % malgré les prévisions généreuses de l’ex-ministre des Finances (5,3 % en juin 2016) et celle du Premier ministre (5 % en 2017) dans le sillage de la présentation de sa Vision économique 2030.

Par ailleurs, Maurice n’arrive toujours pas à sortir du statut de pays à revenus moyens et assiste à un écart grandissant entre la classe aisée et la classe laborieuse, alors que la classe moyenne s’appauvrit de plus en plus, à tel point qu’elle risque de descendre d’un palier pour atterrir au bas de l’échelle ! Une récente étude de la Banque mondiale l’a bien mis en perspective. Ce sont des signes qui ne trompent pas. L’alliance Lepep a du pain sur la planche. Sinon, dans moins de quatre ans, le couperet risque de tomber.

Il écherra à Dev Manraj et à ses techniciens, sous l’arbitrage de sir Anerood Jugnauth, de rectifier le tir afin que le rêve du second miracle économique soit encore vendable. Avec ou sans Lutchmeenaraidoo…