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Hon. Raj Dayal, one too many

26 mars 2016, 08:06

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La question de corruption, ou d’accusations de corruption, parmi nos ministres n’est pas  nouvelle en soi. Elle est organique. Dans notre histoire moderne, cette question remonte au moins à 1979, au temps où sévissait le duo Badry-Daby. En fait, chaque régime traîne ses casseroles ; certaines sont audibles, d’autres passent inaperçues. Mais, cette semaine, ce qui choque avec le cas Raj Dayal, c’est l’effet d’accumulation qu’il provoque. Cela commence à faire beaucoup pour l’alliance Lepep : un troisième ministre se retrouve sur la sellette de l’ICAC !

D’ailleurs ne dit-on pas qu’il ne faut pas cracher en l’air, car cela finira par retomber sur vous ? Cela s’est avéré. Le ministre de la Bonne gouvernance, visant de haut un autre de ses collègues, ne pensait pas que son Facebook Post allait tomber à pic… non pas sur Lutchmeenaraidoo mais sur le ministre MSM de l’Environnement : «Nettoyer c’est bien, ne pas salir c’est mieux.» Cela aurait bien pu être le slogan de Dayal, si Soobhany n’était pas passé par là.

Durant la campagne électorale, l’alliance Lepep avait érigé la nécessaire division entre sphère politique et sphère marchande en principe, et elle nous avait promis de faire reculer le patrimonialisme, le clientélisme, le népotisme, l’opacité autour des appels d’offres et des appels à candidatures pour des postes comme celui de DG de l’ICAC… Elle nous avait promis non seulement de tourner la page, mais de jeter le bouquin, afin de commencer un nouveau tome pour Maurice.

Et on en avait bien besoin de respirer du propre, après neuf ans de règne ramgoolamien. Pour simple rappel, sous l’ancien régime, uniquement entre septembre 2013 et décembre 2014, la liste des affaires qui éclataient au grand jour était impressionnante : le scandale Airway Coffee avec Soornack et Gooljaury ; la location d’un bâtiment de la Sécurité sociale à l’époux de la ministre Sheila Bappoo pour abriter le QG de DY Patil ; les Pas géométriques alloués au pandit Sungkur et à Jayraz Woochit ; les zones d’ombre autour de la carte d’identité biométrique; les universités EIILM impliquant Rajesh Jeetah et ses proches ; la convocation du ministre Sik Yuen devant l’Equal Opportunities Commission ; la fermeture du Parlement pendant neuf mois, etc.

Surfant sur ces affaires, Lepep avait promis de NETTOYER. C’est peut-être pour cela que chaque mise au jour de comportements corrompus de ministres de la présente équipe devient un scandale de trop. Peut-être aussi qu’on aura mal saisi le sens du verbe. Il y a «nettoyer» selon Le Petit Robert. Et puis, il y a «nettoyer», version Lepep que l’on découvre chaque jour qui passe. L’électorat pensait que «nettoyer» signifiait «rendre net, propre». Or, 15 mois après, il réalise que «nettoyer», selon ce gouvernement, semble surtout vouloir dire «vider de son contenu», soit vider le portefeuille d’un demandeur de permis EIA, ou emprunter des millions d’une banque étatique pour s’acheter de l’or, ou tout bonnement faire fondre la réserve des per diem pour voyages tous azimuts aux frais des contribuables !

En 15 mois, Lepep a fait fort, peut-être plus fort même que l’équipe de Ramgoolam qui était, elle, en fin de régime. Jugez-en par vous-mêmes : nomination du fils de Raj Dayal à la tête du Conciliation Service au ministère de la Fonction publique ; nomination de Vijaya Sumputh, proche d’Anil Gayan, à la tête du Trust Fund for Specialised Medical Care ; présence en force des proches du pouvoir sur la liste des 60 médecins recrutés temporairement par la Santé (dont 18 seront par la suite retenus sur une base permanente) ; SAJ poursuivi par un client de la Bramer Bank pour y avoir retiré son argent juste avant que le permis de cette banque ne soit révoqué ; recrutement de la fille de Maya Hanoomanjee comme CEO à la SLDC ; démission de Pravind Jugnauth après avoir été reconnu coupable dans l’affaire MedPoint ; confusion des rôles des ministres dans l’enquête sur Dufry-Frydu ; factures impayées de Showkutally Soodhun + arrestation de Ruhomally ; usurpation de titre ministériel par Soodhun en Arabie saoudite ; implication du ministre Gungah dans l’affaire NTA ; bras de fer entre le DPP et le gouvernement ; comparution de Prakash Maunthrooa, Senior Adviser au PMO, et enquête de l’ICAC sur le projet de Yihai au Domaine des Pailles.

Même si dans le cas de Dayal, le Premier ministre a été prompt à le révoquer comme ministre, ce qui est une bonne chose en soi, le public demeure sceptique, et quelque peu blasé. Car il réalise de plus en plus que condamner la corruption, telle qu’elle se pratique, n’est guère aisé compte tenu de l’attitude plus ou moins laxiste des élites et de la classe politique (le silence d’une grosse partie du secteur privé et des parlementaires après la révélation du cas Dayal est assourdissant). Et puis, si Dayal, avec son triste palmarès comme commissaire de police déchu après une commission d’enquête, a pu obtenir un ticket du MSM (c’est-à-dire du même PM qui l’avait nommé et destitué), qu’il a pu avoir les faveurs de l’électorat du n°9 pour faire tomber Anil Bachoo, c’est un peu la faute à nous tous !

L’élection de Raj Dayal au Parlement, suivie de son éjection du cabinet ministériel, nous éclate aujourd’hui à la figure. Elle illustre les faiblesses inhérentes de notre système politique et jette un éclairage sur l’hypocrisie généralisée dans laquelle nous baignons : de l’électorat avide de cadeaux et de faveurs qui fabrique des Raj Dayal et des Ashock Jugnauth aux dirigeants politiques qui les recrutent et qui les nomment ministres.

Conclusion : les trois dernières années, indépendamment du Premier ministre en selle et de son équipe gouvernementale, sont révélatrices d’un fait indiscutable : cela sent mauvais à la tête du pays. On le sait tous. Mais comment faire pour casser ce cercle vicieux ?

On y reviendra. Ça c’est sûr.