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Nouvelle approche
En attendant le grand oral de sir Anerood Jugnauth (SAJ) le 6 juin prochain, les opérateurs économiques ont quitté Ébène Tower mercredi dernier avec le sentiment d’avoir réussi leur exercice de communication. Sans doute, SAJ les a-t-il écoutés comme Vishnu Lutchmeenaraidoo l’avait fait l’année dernière. En revanche, la différence se situe dans la méthode et l’approche.
L’actuel Grand argentier est généralement connu pour son franc-parler. Lors de la rencontre prébudgétaire avec les capitaines d’industrie, il leur a demandé d’être moins frileux dans leurs projets d’investissements ou encore d’être moins «risk averse». Certes, ce n’est pas nouveau. C’est son langage habituel.
Or, aujourd’hui comme hier, le fait brutal demeure que les industriels et les responsables des institutions du secteur privé tiennent d’une année à l’autre le même langage, appréhendent le même danger économique à l’horizon avec le même schéma d’analyse et proposent les mêmes solutions. La facilitation des affaires ou encore l’élimination des lourdeurs administratives qui freinent l’exécution des projets de développement reviennent à chaque échéance budgétaire et seront proposées pour la énième fois fort probablement par Raj Makoond, s’il est toujours à la tête de Business Mauritius, l’année prochaine. Cela ne veut nullement dire que ces propositions ne sont pas valables mais il faut à un moment que l’ex-Joint Economic Council – qui se veut le «think tank» du secteur privé – change de logiciel et se montre plus créatif et imaginatif dans ses revendications.
Les compétences ne manquent pas dans les institutions du secteur privé. D’ailleurs, la Chambre de commerce et d’industrie produit régulièrement des analyses économiques susceptibles d’intéresser les dirigeants d’entreprises et de nourrir dans le même temps les débats économiques.
On souhaiterait du coup qu’il y ait une coordination accrue entre les différentes associations du privé pour dégager une analyse en profondeur répondant aux grands enjeux économiques et sociétaux du moment. Une démarche qui aura le mérite de dépasser les impératifs sectoriels des uns et des autres.
Aujourd’hui, d’importants défis se dressent sur le chemin de Maurice. À commencer par toute la problématique liée à la croissance qui arrive difficilement à dépasser la barre des 4 % ces cinq dernières années. Tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il faut oublier une croissance de 5 % à plus brève échéance, à moins qu’on ne parvienne à attirer un taux d’investissement de 25 % du produit intérieur brut (PIB). Ce qui est loin d’être le cas avec une moyenne de 17 % à 18 % du PIB atteinte durant la dernière décennie.
Or, les hypothèses de croissance de l’ex-ministre des Finances et du nouveau titulaire relèvent dans les deux cas d’irréalisme. Il ne suffit pas d’annoncer que le PIB va croître à 5 % ou plus en 2016 et 2017 pour rassurer la communauté des affaires alors même que les réalités économiques objectives, tant à l’échelle locale et internationale, sont loin d’être à même d’aider le pays à atteindre les objectifs fixés.
Vishnu Lutchmeenaraidoo avait cru, en lançant l’année dernière l’idée de huit «smart cities» et de cinq technopoles, qu’il allait faire revenir mécaniquement la croissance, voire un début de croissance. Or, c’est une tout autre réalité qui saute aux yeux aujourd’hui. Pas une seule smart city à l’horizon, alors même que le nouveau Grand argentier s’interroge sur les investissements productifs de ces méga projets immobiliers. Y compris les fameuses smart cities.
Sans doute Jugnauth a-t-il raison. Il ne suffit pas de courir après une croissance forte si celle-ci est tirée par des secteurs non productifs. La Chine l’a appris à ses dépens, avec une croissance à deux chiffres gonflée par la bulle immobilière, vite dégonflée l’année dernière ! La croissance chinoise est retombée comme un soufflé à moins de 6 %.
Plus qu’hier, il faudra identifier des secteurs porteurs de croissance durable qui soit en même temps génératrice d’emplois. Dans les années 80, il y avait la zone franche d’exportation qui avait pu ouvrir un boulevard aux jeunes gens en quête d’emploi. Aujourd’hui, il faudra réinventer un secteur qui aura une ambition de la même envergure. La construction, les services financiers, le tourisme ou encore les Technologies de l’information et de la communication ? Le 6 juin, nous y verrons sans doute un peu plus clair…
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