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Instabilité chronique
«Le ‘business as usual’ nous mènera vers une croissance moyenne se rapprochant de 2 %». Détrompez-vous, cette prédiction n’est pas de Nostradamus mais du président de la Chambre de commerce et d’industrie dans une entrevue à Business Magazine, cette semaine.
Les propos d’Azim Currimjee, à la veille de la présentation du Budget par le Premier ministre, témoignent d’un certain état d’esprit. Non seulement mettent-ils en lumière les attentes grandissantes dans le milieu des affaires, mais ils reflètent également, dans une grande mesure, un sentiment d’impatience dans le pays. Ceci explique cela, il est tout à fait dans l’ordre des choses qu’il y ait plus que jamais une demande appuyée pour un «Budget de rupture».
La Chambre de commerce et d’industrie, à travers son président, a certes raison de mettre en garde contre un glissement vers des niveaux de croissance plus faibles, capables de miner le tissu social. Mais il est tout aussi nécessaire de souligner que les revendications entendues ces derniers jours dépassent largement le simple cadre du prochain exercice financier.
Ce serait donc faire preuve d’une grande crédulité que de chercher à attribuer au Budget 2016/2017 les pouvoirs d’une baguette magique ! Car le mal qui ronge le pays est beaucoup plus profond. Un petit voyage temporel dans un passé récent nous permet de mieux appréhender la situation.
Voilà ce qu’on y découvre : depuis les législatives de 2010, remportées haut la main par le Parti travailliste de Navin Ramgoolam et ses partenaires d’alors, le MSM de Pravind Jugnauth et le PMSD de Xavier-Luc Duval, Maurice est pris dans un cycle d’instabilité. Une instabilité surtout d’ordre politique mais qui, au fil des années, a fini par devenir chronique. Avec les conséquences que nous savons sur l’économie.
Tout commence avec la démission du cabinet de Pravind Jugnauth et de cinq autres ministres du MSM le 26 juillet 2011 dans le sillage de l’éclatement de l’affaire Medpoint. Un départ précipité qui fragilisera la position de Navin Ramgoolam comme Premier ministre. S’appuyant sur sa majorité et le soutien de son allié du PMSD, il s’agrippera malgré tout au pouvoir. Un pouvoir qu’il exercera sans grande conviction du point de vue économique, si ce n’est que pour essayer d’asseoir son autorité politique face à ses adversaires.
Et comme il fallait s’y attendre, 2012, l’année suivant la cassure, a été éminemment politique. La preuve en est la démission en fanfare de sir Anerood Jugnauth de la présidence de la République «pour sauver le pays». La tenue des élections villageoises et municipales durant cette même année n’a pas non plus permis au pays de retrouver la sérénité nécessaire à son développement. Il n’y a qu’à voir les principaux indicateurs économiques pour s’en rendre compte.
Après avoir vécu une telle période, aussi marquée par la fermeture de l’Assemblée nationale pendant des mois suite aux mamours politiques entre le Parti travailliste et le MMM, il était tout à fait normal d’aspirer à mieux. D’autant plus que Ramgoolam a été mis hors d’état de nuire par la population. Mais c’était mal connaître nos politiques. Pour ne pas arranger les choses, le verdict de la cour contre Pravind Jugnauth dans l’affaire Medpoint est venu chambouler tous les plans du MSM et, de surcroît, a permis à des grenouilles de se prendre pour des bœufs. D’où les signaux contradictoires que même les membres de la majorité peinent à décrypter.
Imaginons maintenant la confusion dans laquelle se trouve le commun des mortels en voyant que l’artisan proclamé du second miracle économique est démis de ses fonctions à peine a-t-il présenté le premier Budget…
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