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Liberté d’opinion II

22 juin 2016, 07:10

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Il s’appelle Lam Wing-kee, il est éditeur de livres politiques. Il a pris, le week-end dernier, la tête d’un impressionnant mouvement citoyen pour défendre la liberté d’expression à Hong Kong. Lam Wing-kee et quatre autres éditeurs avaient été «arrêtés» pour avoir vendu des écrits critiques envers Pékin. Les journalistes, que je rencontre sur place à Hong Kong, prédisent que les retombées politiques du mouvement initié par Lam Wing-kee seront massives, de portée internationale. Et du coup, l’indépendance de Hong Kong revient au-devant de la scène mondiale : l’auto-gouvernance selon le principe «un pays, deux systèmes», instaurée depuis la rétrocession de Hong-Kong à la Chine en 1997, pour une période de 50 ans, fait actuellement l’objet de vifs débats et d’affrontements entre les partisans de la démocratie et ceux du régime de Pékin qui traîne une réputation d’être notoirement liberticide. C’est un véritable clash de cultures, voire de civilisations.

La liberté de pouvoir militer pour son opinion s’est aussi ancrée au cœur d’intenses échanges en Grande-Bretagne dans le sillage de l’assassinat de la députée Jo Cox, à la veille du référendum pour le maintien ou la sortie de la GrandeBretagne de l’Union européenne. Son assassin serait un partisan pour la sortie de l’Europe, alors que Cox militait, entre autres engagements citoyens, pour les réfugiés et pour le maintien. Cet assassinat politique a été condamné unanimement à travers le monde. Le mari de Jo Cox a déclaré qu’elle «croyait en un monde meilleur pour lequel elle se battait tous les jours avec une énergie et un amour de la vie qui en épuiserait plus d’un».

La violence politique, sur la base de divergences de perspectives, prend ces temps derniers des allures barbares aux States – pays pourtant connu comme «the land of the free». Le caractère homophobe de la tuerie d’Orlando démontre que l’intolérance prend le pas sur la tolérance, la haine sur l’amour. C’est le cas en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient, un peu partout. On n’aime pas la façon de prier ou d’aimer des autres, on les tue. On n’aime pas leur musique ou leur façon de danser. Alors on les mitraille. Tout simplement. Avec des armes automatiques de plus en plus sophistiquées comme à Paris, lors d’un concert de musique, ou dans des discothèques à Kuta... La liste est longue.

Ces tentatives d’étouffer les opinions des autres par la mort ne sont guère nouvelles. La condamnation à mort de Socrate par l’assemblée athénienne en 399 avant notre ère demeure, dans notre conscience commune, le péché originel de la démocratie. L’on est toujours à se demander comment une élite d’Athéniens a pu décider de l’exécution de celui qui fut, selon le plus célèbre de ses disciples, «le meilleur et aussi le plus sensé et le plus juste» des hommes de son temps ? Socrate est depuis devenu la figure emblématique de l’intellectuel libre victime de l’obscurantisme. Et réduit au silence !

Retour chez nous, où la Speaker refuse l’entrée du Parlement parce qu’on a osé critiquer sa façon partiale de présider les débats. À une décision absurde, il nous fallait trouver une réponse tout aussi absurde. Dans le journal d’aujourd’hui, vous trouverez, à cet effet, des textes publiés à l’envers. Ce n’est pas une première. L’express l’avait déjà fait en 1972 pour dénoncer la censure de la presse sous l’état d’urgence décrété par la grande coalition Ramgoolam-Duval.  C’est notre façon, encore une fois, de démontrer que le système, des fois, car il est conduit par des esprits étroits, peut se retrouver sens dessous dessus...

Parmi les multiples tentatives d’assujettissement de la société civile par les hommes et les femmes qui croient défendre une élite au pouvoir, la plus insidieuse, à nos yeux, demeure celle qui touche à la liberté d’expression. Combattre l’obscurantisme, c’est dans l’ADN de l’express. Dans le premier éditorial, publié le 27 avril 1963, on écrivait : «Une saine orientation de l’opinion publique est plus qu’une nécessité, c’est un véritable devoir.» Ce combat, initié par le Dr Philippe Forget, est plus que jamais d’actualité. Et on le soutiendra de toutes nos forces, comme on l’a toujours fait, indépendamment de la ligne éditoriale du journal ou du positionnement politique des journalistes censurés. Une voix qu’on tente d’étouffer est, pour nous, une attaque contre notre «raison d’être».