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Maya l’abeille

25 juin 2016, 07:25

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Maya l’abeille

 

Reproduction de la caricature parue dans l’édition du 15 juin de l’express.

Pour progresser, l’Afrique n’a pas besoin de personnes fortes ou puissantes, l’Afrique a surtout besoin d’institutions fortes et puissantes. C’est, en substance, ce qu’avait déclaré Barack Obama au Parlement ghanéen, lors de son premier passage (en tant que président) sur le continent auquel nous appartenons. C’était en 2009, à Accra. Cette phrase, devenue depuis célèbre, car tellement (mal) propre à notre contexte, a été analysée et décortiquée par tant de politologues et d’éditorialistes de divers horizons. 

Et il y a, dans les analyses des experts qui se penchent sur l’Afrique, une convergence : 1) on ne devrait pas généraliser, bien sûr, mais c’est un fait que les institutions africaines ne sont pas reconnues comme fortes. 2) Les institutions africaines peuvent effectivement devenir plus fortes à condition d’avoir de vrais leaders à leur tête. 3) Sans un véritable leadership (terme qui a une définition à géométrie variable), les institutions de notre continent vont de plus en plus péricliter. En tout cas, c’est ce qui se passe chez nous, chaque mardi, sous nos yeux impuissants, avec une speaker nommée Maya Hanoomanjee.

Pour cerner ce personnage, il nous faut analyser son discours, progressivement, dans le temps, selon qu’elle est dans l’opposition ou au gouvernement ou nommée speaker après un revers électoral retentissant en 2014.

Au-delà de la suspension de notre collègue Touria Prayag par la speaker, il y a, qu’on le veuille ou non, les motivations personnelles de Maya Hanoomanjee. Un incident et deux interviews de presse jettent, selon nous, un éclairage – en trois actes – intéressant sur ce personnage de plus en plus contesté et controversé. Attention : ce qui suit n’est pas son portrait (on ne parle pas de ses voyages sur lesquels elle ne rend aucun compte, ni de ses factures de clinique qu’elle a oublié de payer, etc.). C’est une analyse basée donc sur trois actes publics.

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Acte 1. En avril 2013, dans une interview accordée à notre journaliste Fabrice Acquilina, et généreusement présentée sur deux pleines pages de l’express-dimanche, Hanoomanjee ne cache pas ses intentions et assène : «Un jour sonnera l’heure de la revanche». Le DPP venait alors de statuer que les preuves réunies contre Hanoomanjee n’étaient pas suffisantes pour justifier des poursuites pour corruption.

Heureuse et soulagée, Hanoomanjee n’hésite pas à confier qu’elle est «rancunière» et qu’elle n’arrive pas à pardonner à l’ICAC – dirigée alors par Anil Kumar Ujoodha – de l’avoir placée dans l’histoire comme étant la première ministre mauricienne arrêtée dans l’exercice de ses fonctions (elle aurait même pu passer la nuit en cellule si elle ne s’était pas réfugiée dans la chambre 602 à Apollo Bramwell).

Hanoomanjee nous l’avait confié du reste : «L’ICAC m’a fait vivre un calvaire. Pas seulement à moi, à mon mari et à mes enfants aussi. Ma fille aînée a ressenti un tel dégoût qu’elle a préféré quitter le pays (NdlR, aujourd’hui rentrée au pays pour devenir CEO de la SPDC). J’ai passé trente-trois ans dans la fonction publique sans la moindre tache et du jour au lendemain, je suis traitée comme une vulgaire criminelle. Mon honnêteté et mon intégrité sont mises en cause. On m’arrête. On me confisque mon passeport. Je ne peux plus voyager sans venir raconter ma vie dans le box des accusés. On m’humilie. J’ai revu le film de mon arrestation sur YouTube, j’en ai eu les larmes aux yeux.» Elle a, elle aussi, été victime du système inique de Provisional Charge – qui a fait l’objet d’un livre de dénonciations écrit par… Touria Prayag !

Et sur l’affaire MedPoint, elle partage ceci avec les lecteurs de l’express : «J’ai tellement de secrets sur l’affaire MedPoint ... Un jour, j’écrirai peut-être un livre. Mais tant que l’affaire est subjudice je préfère me taire.»

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Acte II. Nous sommes le lundi 10 novembre. En pleine campagne des législatives 2014. Hanoomanjee, comme les autres candidats de Lepep, sont victimes de censure de la part de la MBC alors aux mains de Dan Callikan. Elle pique une crise en voyant les caméras de la MBC dans le congrès qu’elle anime ce jour-là à Quatre-Bornes, en la présence de sir Anerood Jugnauth : «MBC inn vinn Bérenger Broadcasting Corporation! Avan so moustass mem zot pa ti pé pasé !» s’exclame la candidate orange. Face à tant de haine devant les employés de la MBC, et devant l’excitation manifeste des partisans de Lepep, chauffés par une Hanoomanjee déchaînée – cette vidéo est également visible sur Youtube : https://m.youtube.com/watch?v=2e2dCI2Wqug) – les reporters quittent les lieux sans demander leur reste, la queue entre les jambes. Ils viennent d’être mis en danger alors qu’ils ne faisaient que leur travail…

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Acte III. Le gouvernement Lepep a été élu, entre autres promesses, sur la base de l’avènement d’une «Freedom of Information Act» et de la possibilité d’une fin de monopole de la MBC afin d’encourager les chaînes privées «à organiser des débats sur des questions d’intérêt public». Promesses non tenues.

Mais en mars 2016, dans une interview à l’express, généreusement présentée sur une pleine page, «broadsheet» cette fois-ci svp !, sous la plume de Raj Meetarbhan,  Hanoomanjee se répand sur les «qualités requises pour être un bon speaker» ! Précisément, elle dit ceci : «L’impartialité et l’autorité. Ce sont là les qualités essentielles requises du speaker. Celui-ci a pour mission d’être un médiateur entre le législatif et l’exécutif. En cette capacité, il doit être neutre dans ses prises de décision.» Cette citation, vous en conviendrez, se passe de commentaires !

Sur le projet de retransmission en direct des travaux parlementaires, Hanoomanjee répond ceci : «Ce projet marquera l’histoire de notre démocratie parlementaire d’une pierre blanche. Je m’investis personnellement pour veiller à ce qu’il soit mené à bon port. Vous croyez que c’est possible de traîner les pieds alors que c’est la volonté unanime de la chambre ? (...) C’est complexe mais nous avançons. Je vous révèle que la semaine dernière, nous avons réalisé des tests avec l’aide technique de MCML. Ces tests étaient concluants.»

Hanoomanjee s’avance même à dire que les premières images en direct seront diffusées en août 2016. «Je vais travailler d’arrache-pied pour respecter ce délai. Tous les dix jours, je préside une réunion de suivi et, au moindre obstacle, j’interviens pour débloquer la situation.» À moins de deux mois de cette date-butoir, tout le monde sait que le délai ne sera pas respecté, que le public aura, une nouvelle fois, été couillonné, et que ce n’est plus une priorité puisque la MBC est désormais accueillie à bras ouverts… alors que nous, nous sommes bannis !

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Épilogue. Le symbolisme de l’abeille est pertinent à notre propos du jour sur Maya la Speaker. Napoléon Bonaparte avait choisi l’insecte butineur comme l’un des emblèmes de l’Empire, l’autre étant l’aigle. L’aigle le rattachait à Charlemagne et à l’empire carolingien ; les abeilles aux Mérovingiens, la plus ancienne dynastie de France. Le jour de son sacre, le semis d’abeilles supplanta le semis de fleurs de lys des armoiries des rois. De royale, l’abeille est ainsi devenue impériale. Dans l’Égypte ancienne, on disait que l’abeille symbolisait l’âme. Ailleurs, comme elle semblait mourir en hiver pour renaître au printemps, on en a fait un symbole de mort et de résurrection. Notre Maya à nous est devenue un puissant symbole de revanche post-MedPoint et de censure de la presse, cette presse hétérogène qu’elle pense pouvoir utiliser à sa guise pour faire son miel !

P.S. : pour avoir été moins critique que ces lignes d’en haut, Touria Prayag a été suspendue pour quatre semaines !  À la suite de plusieurs requêtes de nos lecteurs, nous reproduirons, du reste, son édito «Catch Me If You Can» demain dans l’express-dimanche et dans 5-Plus. À vous de juger si la sanction que lui a infligée la Speaker n’est pas disproportionnée et absurde !!