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Créole contre Kreol – Morisien

13 juillet 2016, 09:30

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SI les autorités ont déjà imposé leur décision sur la place du Kreol dans la société mauricienne, dans les coulisses de la vie sociale un vrai débat a cours malgré le mépris des autorités. Personnellement, suivant une rencontre avec une dame d’un certain âge (77 ans) lors d’une exposition de tableaux très parlants  au Centre de jeunesse de la Résidence Barkly, il y a quelques semaines, sur le thème de la place de l’enseignement du Kreol à l’école, je me suis senti très concerné par son combat.

Florise Hack mène en effet un combat en faveur des pauvres de la communauté créole afin qu’ils ne soient pas enfermés davantage dans un ghetto qui leur ferait croire que leur avenir et leur réussite sociale ne peut que passer par le Kreol uniquement. Quand elle les questionne sur le besoin d’apprendre le Kreol, il lui est répondu qu’il faut faire comme les autres communautés : défendre la culture de leurs ancêtres. Soit être créoles que par réaction.

Faut savoir que Florise Hack est issue de cette même communauté, qu’elle vient d’une famille très pauvre, mais que dès sa plus tendre enfance elle voulait aller à l’école pour s’instruire comme les filles fortunées de son époque. Un collège confessionnel qu’elle voulait intégrer lui conseilla d’aller apprendre la couture comme les filles de son rang. Mais elle persista dans son désir de s’instruire et finit par arriver à ses fins grâce à la générosité de Monsieur Alex Bhujoharry. Études terminées, elle devint enseignante et plus tard ses fils, Penny et Roy, devinrent respectivement avocat et ingénieur. Véritable success story familiale.

LANGUE ET CONSTITUTION

Tout cela pour dire que le créole, qu’on qualifie de langue maternelle, n’est pas le médium obligatoire pour que les enfants créoles pauvres puissent réussir comme les enfants des autres communautés. Madame Hack  mène sa lutte pour faire comprendre aux parents de ces pauvres enfants que ceux-ci ont les mêmes droits que les autres d’apprendre les langues qui leur ouvriront les  portes du monde entier : l’anglais et le français, sans perdre leur temps avec le Kreol qui les condamnera au ghetto Kreol.

Après la récente déclaration de sir Anerood Jugnauth à l’effet que tant qu’il sera le Premier ministre du pays, le Kreol ou morisien, comme l’appellent d’autres, n’entrera pas au Parlement, les réactions n’ont pas tardé. Un syndicaliste a même réclamé que dans le projet de Nine-Year Schooling, le Kreol devrait être étendu jusqu’au grade 9, soit l’équivalent de Form 3 actuelle. Et la ministre de l’Éducation aurait agréé à la demande. Gérard Ahnee parle avec raison, dans La Vie catholique du 29 avril-6 mai, du droit constitutionnel de parler «Morisien» en s’appuyant sur le fait que bientôt les débats parlementaires seront retransmis en direct. Selon lui les parlementaires devront avoir le droit de s’adresser aux téléspectateurs dans la même langue qu’ils le font hors de l’Assemblée. Encore faut-il que la langue en question existe dans la Constitution. Comment pourrons-nous réclamer une langue constitutionnelle quand la source ayant abouti à cette langue, la communauté créole, n’existe même pas dans  la Constitution ?

La langue créole ou appelons la Kreol ou Morisien, trouve son origine auprès de nos ancêtres les esclaves. Elle est aujourd’hui l’héritage qu’ont laissé ces esclaves à leurs descendants. On peut bien prétendre qu’elle est la langue nationale, donc commune à tous les Mauriciens. Vrai dans la logique puisque parlée et non écrite par plus de 90 % des Mauriciens. Elle est une langue phonétique obtenue par la sueur et le sang  de nos ancêtres, les esclaves. Vouloir aujourd’hui la structurer pour en faire une langue nationale serait une trahison et un reniement de la lutte de ces esclaves et aussi fausser l’Histoire. Qui a inventé  la fête annuelle  du 1er Février ? Ne serait-ce pas de l’hypocrisie ? Ne faut-il pas aujourd’hui conserver le sens devenu inné de reconnaissance de la lutte de ces ancêtres ?  Si on veut créer une langue nationale, soit. Appelons la «Le Morisien». Mais laissons le sens original du phonétique au créole et cessons de faire croire aux plus pauvres  de la communauté créole que leur salut se trouve dans le Kreol ou morisien. Pour arriver à une langue «Morisien», il faudrait choisir entre l’inclusion de la communauté créole dans la Constitution ou éliminer totalement la division communale constitutionnelle. Les statisticiens déclarent chaque année que le niveau de l’anglais et du français en terminal du secondaire (SC – HSC) périclite continuellement. Ne serait-ce pas dû au fait d’avoir «mauricianisé» l’étude de ces langues ? Comment expliquer que les jeunes enfants dont la famille émigre dans un pays dont la langue courante leur est étrangère puissent, dès leur arrivée dans leur pays d’adoption, immédiatement intégrer leur nouvelle école et avec grand succès ? Alors créole ou Kreol ?