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Terrorisme «low tech» et réseaux d’États

16 juillet 2016, 07:10

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On peut ranger les Kalachnikov et les armes sophistiquées. Il suffit d’un camion, objet banal qui fait partie de notre quotidien, pour improviser une arme de destruction massive. Depuis le massacre du 14 juillet sur la promenade des Anglais – où plus de 80 personnes ont trouvé la mort alors qu’elles étaient simplement venues admirer les feux d’artifice – les Français semblent résignés par rapport au sort qui s’acharne sur eux depuis l’an dernier. Ils réalisent, plus que jamais, que le terrorisme fait, désormais, partie de leur vie. Il faut (apprendre à) vivre (et mourir) avec.

L’utilisation de véhicules à des fins terroristes n’est pas un fait nouveau en soi. En 1995, l’Américain Timothy McVeigh avait fait exploser un camion piégé devant un bâtiment fédéral à Oklahoma City, provoquant la mort de 168 personnes. Et seulement quelques semaines de cela, un camion bourré d’explosifs a provoqué la mort de plus de 200 personnes à Bagdad.

«Voitures, camions, motos, vélos et même des calèches tirées par des chevaux ont déjà été employés pour mener des opérations terroristes contre des gouvernements et des civils dans des pays aussi différents que le Sri Lanka ou le Royaume-Uni», relève le site The Conversation.

Ce qui pousse à l’interrogation : devons-nous craindre un nouveau terrorisme «low tech» ? D’autant que des camions, il y en a partout, à chaque coin de rue… Aussi, il nous faut attendre la fin de l’enquête pour savoir si le massacre de Nice s’avère le fait d’une personne auto-radicalisée, avec cette possibilité de pouvoir frapper n’importe quand, malgré la présence des multiples caméras de surveillance installées dans le sillage de l’Euro 2016. Ou serait-ce le fruit d’un travail conçu à l’extérieur du pays et planifié pour le 14 juillet, après l’Euro ?

Quoi qu’il en soit, la France, une nouvelle fois frappée dans sa chair, le jour de sa fête nationale, penche aujourd’hui sur un projet de loi permettant la prorogation de l’état d’urgence, pour une durée de trois mois supplémentaires. Une cellule interministérielle de crise a été activée et le niveau d’alerte attentat pour le plan Vigipirate est au maximum. Mais beaucoup d’analystes restent sceptiques. Ils estiment aujourd’hui que la France, malgré le fait d’avoir institué l’état d’urgence, n’a pas su prendre la mesure de la gravité des attaques dont elle fait l’objet. L’état d’urgence seul ne règle rien. Psychologiquement, cela peut rassurer, mais c’est tout.

La solution serait-elle d’ériger un État policier ? À cette question pragmatique s’ajoute une question plus existentielle : assistons-nous, impuissants, à une radicalisation tous azimuts et un règlement de comptes à travers le globe, avec un focus sur la France ? Sommes-nous désormais en situation de «guerre» permanente ? Comment gagner la «guerre» asymétrique contre le terrorisme en général et contre Daech en particulier ? Nos pays ont-ils l’expertise, la patience et la persévérance pour assurer notre sécurité humaine ?

Après les questions restées sans réponse par rapport aux attentats de Paris (de novembre 2015), il importe d’apporter des éléments de réponse à celles qui nous taraudent aujourd’hui, ne serait-ce que pour échapper à l’émotion et à la peur que génère le terrorisme.

D’abord il ne faut surtout pas se replier sur soi et éviter l’amalgame facile quand l’on désigne l’ennemi. Il faut qu’on tombe d’accord sur le fait que le terme «terrorisme» revêt diverses significations et plusieurs visages selon la région concernée. L’histoire nous enseigne que les terroristes des uns sont aussi les libérateurs des autres. Aujourd’hui, le raccourci est tentant entre les attentats de Paris, ceux de Bamako (novembre 2015 aussi) et ceux de Nice ou de Bagdad, mais il serait fallacieux, ou trop facile.

Même s’ils sont peut-être liés, d’une certaine manière, à Al-Qaïda et/ou à Daech, ou bien qu’il existe des convergences d’intérêts (tactiques et stratégiques) entre des groupes terroristes (il y en a des centaines et des centaines), ceux-ci répondent à des logiques différentes en fonction de leurs revendications sociétales et territoriales et du contexte politique dans lequel ils opèrent.

Puisque Maurice n’y échappe pas, il importe de comprendre pourquoi certains de nos compatriotes veulent se rendre en Syrie pour y donner leur vie. Et aussi n’est-il pas temps de savoir qui sont ceux qui sont derrière l’attaque contre l’ambassade de France à la rue St-Georges, en mai dernier ?

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Conscient des enjeux sécuritaires et de leur impact sur le développement, le nouveau secrétaire général de la Commission de l’océan Indien, S.E. Hamada Madi Bolero, met l’accent sur la sécurité «sous toutes ses formes». Il ambitionne de promouvoir un cadre permettant aux forces de l’ordre de la sous-région d’échanger des données entre eux : «Avec le développement de la technologie, les services de sécurité de nos pays pourraient disposer simultanément, en quelques secondes, de la même information.» Il a raison car indépendamment du degré de compétence, ou de mobilisation des forces de sécurité, dans une sous-région qui compte quelque 25 millions d’habitants, le contrôle absolu est impossible.

Au fil des ans et des attaques terroristes (surtout celles contre les cibles touristiques), le discours sur la sécurité a évolué. Les États savent qu’ils ne sont pas à l’abri du terrorisme international et ils s’intéressent donc de plus en plus à la sécurité humaine collective.

Celle-ci offre une nouvelle approche de la sécurité et du développement, fondée non sur la technologie mais sur la prise en compte des nouveaux rapports de violence. Elle concerne la sécurité des individus et des communautés plus que celle des États, et elle conjugue les droits humains et le développement humain. Elle suppose l’usage de forces militaires ou paramilitaires dans des formes nouvelles. Enfin, les nouvelles formes de violence brouillant la distinction entre les dimensions économiques et politiques, une politique de sécurité adaptée se doit de combiner les éléments sécuritaires et économiques. Comme les terroristes s’organisent en réseaux, nos États voisins doivent en faire de même. Afin de  ne pas être pris de court…