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Politiquement vôtre...
La marmite politique peut bouillir davantage ou connaître une baisse de température. Celui dont les propos seront déterminants pour cela est nul autre que le Premier ministre. Dans quel mood sera-t-il à son retour au pays, lui dont la conférence de presse, avant son départ pour l’ONU, a mis le feu aux poudres en annonçant qu’il compte passer le témoin – quand ? On ne sait toujours pas –, d’où les agitations et spéculations de toutes sortes qui nous parviennent, au compte-gouttes, chaque jour qui passe.
Y aura-t-il un remaniement par SAJ ou après-SAJ ? Si oui, quel sera le sort de Roshi Bhadain, qui est en prise directe dans une guerre tactique autour de Pravind Jugnauth, avec Gérard Sanspeur comme bull’s eye ? Que deviendront Dev Manraj, Prakash Maunthrooa, Bissoon Mungroo, entre autres ? Et quels seront les autres pions qui sont appelés à être déplacés sur l’échiquier gouvernemental ?
Sur un plan moins politique «politicien» mais plus national, rationnel : aura-t-on le temps ou la volonté politique pour réformer le système électoral et son corollaire communaliste et rétrograde qu’est le Best Loser System (BLS) ? Ce système est un poison pour la démocratie mauricienne. On a suffisamment subi ses effets pervers et durables sur notre société prise en otage par le piège du multiculturalisme, figé dans le temps en 1972 (après un amendement au recensement communal en 1982). Nous avons un commencé et un devenir interculturel, pas multiculturel puisque les quatre catégories constitutionnelles sont basées sur la religion (x2), le way of life/country of ancestry et le mépris identitaire général dûment regroupé dans le fourretout de la Population Générale).
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Plus d’une fois l’express aura rappelé le contexte historique important pour comprendre pourquoi on en est là aujourd’hui. C’est dans le sillage de la conférence constitutionnelle de 1965 qu’Anthony Greenwood, alors secrétaire d’État aux Colonies, envoie une commission électorale à Maurice, menée par Banwell. M. Greenwood, lui-même, était en visite chez nous en avril 1965 pour discuter avec les dirigeants du pays de notre avenir constitutionnel. Il découvre alors une nation qui tente de se construire dans un contexte économique difficile. La surpopulation et le sous-développement ont créé une âpre compétition entre différents groupes aux intérêts divergents. L’urgence économique est manifeste. Mais certaines personnes ont d’autres visées que le vivre-ensemble mauricien. Ce sont ceux-là qui vont avoir la peau de Greenwood; ce dernier voulait pourtant décourager «la multiplication de partis minoritaires ». Afin de favoriser des partis nationaux susceptibles de faire du ‘nation building ’.
S’inscrivant dans la même logique que Greenwood, Banwell proposera alors un «correctif variable» à tout parti obtenant plus de 25 % des suffrages. Sauf que 25 % des sièges donneraient un droit de veto à une majorité voulant amender la Constitution en sa faveur. C’est, entre autres, ce qui hérisse Ramgoolam-père – qui avait suivi avec inquiétude le sort de Cheddi Jagan en Guyane.
Pour calmer les choses, Londres envoie alors le diplomate John Stonehouse, qui a pour mission d’arrondir les angles, mais surtout de ‘corriger’ le rapport Banwell afin de perpétuer l’infrastructure communale du courant majoritaire, tout en rassurant les voix minoritaires. La trouvaille de Stonehouse : le BLS – qui oblige chaque candidat/e à la législature de déclarer à quelle communauté il/elle appartient afin de rationaliser l’application du correctif constant d’ordre communal. Et pour soutenir ce système électoral qui a effacé d’un trait de plume la proposition progressiste de Banwell, il a fallu, avant notre indépendance, ce recensement d’ordre communal. Et, depuis, c’estle règne du tant décrié système First Past The Post qui a produit, cinq fois sur neuf, des résultats électoraux disproportionnés, et outranciers : 1982, 1991, 1995, 2000 et 2014.
Si Stonehouse n’était pas venu, à la suite des protestations de SSR, la proportionnelle préconisée par Banwell au départ aurait assuré à l’alliance ramgoolamienne un quart de sièges au Parlement en 1982 et aurait ainsi empêché le premier 60-0 et maintenu une opposition parlementaire. L’expert Banwell avait prévu ce cas de figure, mais les travaillistes se croyaient éternels, un peu comme les Jugnauth aujourd’hui.
Or, ouvrons les yeux. Le contenu communal des Best Losers «est une branche morte du temps jadis». Il exaspère les jeunes de notre pays, qui ne se retrouvent aucunement dans les quatre cases – que d’aucuns envisagent de réactualiser le recensement de 1972. C’est dangereux et périlleux pour notre pays de faire cet exercice. Cela va diviser et provoquer des tensions qui pourraient être ingérables... Attention !
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Ces photos, capturées sur le vif par notre photographe Krishna Pather, constituent un fait suffisamment rare pour que je les reproduise exceptionnellement. Jeudi, au grand cocktail de l’ambassade de Chine, l’auteur de ces lignes a eu l’occasion de discuter, longuement et profondément, avec le leader du MSM et celui du PMSD, contre lesquels il émet, souvent, des critiques par rapport à leurs orientations politiques. Cela est toujours resté un débat d’idées pas une guéguerre entre personnes.
Mes discussions étaient à bâtons rompus et impromptues avec le Premier ministre par intérim (qui préside le comité sur la réforme électorale alors même qu’il est contre l’abolition du BLS) et le PM «in waiting» (dont l’accession annoncée, mais apparemment pas encore programmée dans les détails, constitue ni plus ni moins une rupture de contrat moral vis-à-vis de l’électorat).
Oui, certes, Pravind Jugnauth a été élu, oui, mais il est élu au n°8 pour être député, voire ministre, mais aucunement pour être Premier ministre de l’ensemble du pays. C’est notre point. Mais si on ne peut pas tomber d’accord avec Jugnauth Jr et Duval Jr-Sr, au moins on peut discuter de manière posée, civilisée et même... sympathique. Le débat contradictoire responsable entre adultes est donc possible. Vous voyez ? Nous sommes en démocratie !
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