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Manière de voir: Pravind Jugnauth et Teresa May

1 octobre 2016, 16:13

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Pravind Jugnauth s’est appuyé sur l’accession de Theresa May (à dr.) aux fonctions de PM pour justifier sa succession à SAJ.

Le leader du MSM ne devrait pas trop se fier au précédent Theresa May ni dresser de parallèle avec le cas Paul Bérenger, qui a succédé à SAJ après trois ans en tant que PM en 2003, et ce jusqu’en 2005, pour justifier son héritage premier ministériel.

Au retour du Premier ministre de l’étranger, la controverse Pravind Jugnauth comme successeur premier ministériel prendra une nouvelle tournure. Si sir Anerood Jugnauth confirme qu’il y aura un remaniement ministériel very soon et que son fils se prépare à lui succéder, les Mauriciens devraient se préparer à assister à du beau spectacle politique.

Par contre, si Anerood Jugnauth décide de mettre fin à des spéculations qu’il a lui-même lancées sur un remaniement ministériel et sur l’accession de son fils au poste de Premier ministre, la marmite politique se refroidirait en attendant qu’un nouveau scandale ne vienne encore ébranler l’alliance gouvernementale. Roshi Bhadain n’a pas dit son dernier mot et Raj Dayal, formé en Irlande du Nord par l’armée britannique, n’est apparemment pas trop pressé à montrer de quel bois il se chauffe…

En l’absence de son père et dès son retour de l’Inde, Pravind Jugnauth s’est mis à préparer l’opinion publique à la réalisation du «destin» familial. Ses déclarations publiques et surtout les images projetées quotidiennement sur la MBC témoignent de la mise en branle d’une stratégie de marketing. «La MBC sera réorganisée pour qu’elle joue réellement son rôle de radiotélévision publique», nous dit pourtant le manifeste Lepep de décembre 2014. Les premières réactions de Pravind Jugnauth après que son père a évoqué la possibilité d’une transition de fils à papa à la tête du gouvernement visaient surtout à répondre à ceux qui n’ont cessé d’affirmer qu’un tel changement devrait forcément passer par des élections générales.

Comme argument clé, Pravind Jugnauth s’est appuyé sur l’accession de Theresa May aux fonctions de Premier ministre en Grande-Bretagne. Effectivement, la ministre britannique a été désignée Premier ministre sans passer par des élections générales. Un tel changement est permis d’après les traditions de Westminster selon lesquelles la personne qui jouit du soutien de la majorité des parlementaires est nommée Premier ministre par la reine. Theresa May a ainsi, en juin 2016, succédé à David Cameron qui avait pourtant conduit les Conservateurs à la victoire aux élections de mai 2015.

Cameron a démissionné un an et un mois après les élections, ayant été désapprouvé par le peuple britannique sur la question du Brexit. Theresa May ayant éliminé tous ses adversaires dans la course au leadership des Tories, la reine lui a demandé de former un nouveau gouvernement. Et depuis, Cameron a lui-même démissionné du Parlement. SAJ en ferait-il de même ?

Si Maurice faisait partie de la ligue des dominions britanniques, tels le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, un parallèle entre le cas Theresa May et l’arrangement fils-à-papa à la mauricienne aurait été approprié. On s’accorde volontiers à reconnaître que la culture politique mauricienne a été bel et bien marquée par certains aspects de Westminster, du moins jusqu’à l’accession du pays à l’indépendance. Depuis, on a assisté à une érosion graduelle et persistante des belles traditions anglo-saxonnes de bonne gouvernance, de fair-play, d’accountability et de la séparation des pouvoirs.

Maurice a graduellement adopté les caractéristiques d’une république bananière classique. La tendance des puissants à se livrer à l’arbitraire s’affiche plus clairement, la police étant de plus en plus utilisée comme instrument politique. Il y a surtout ce penchant à peine déguisé de se servir généreusement des fonds de l’État. Dans le cas de Rakesh Gooljaury, c’est une combinaison de magouilles, d’autoritarisme, de détournement des biens publics et d’atteinte à la notion de séparation de pouvoirs. Ce qui explique l’avatar de blue-eyed-boy d’un régime à un autre pour Gooljaury.

Reste à savoir quel sera l’impact final des Rs 565 millions earmarked to be written off mais financées par les contribuables sur le statut futur de ce témoin vedette dans l’affaire Roches-Noires. Peut-on imaginer pareil scénario en Grande-Bretagne où Theresa May laisserait utiliser des fonds publics pour réussir une vendetta politique ?

«Le chaos s’installera quand les ministres (…) réaliseront qu’ils ont affaire à un canard boiteux.»

Comment encore évoquer le cas de Theresa May qui n’a pourtant pas hérité de ses présentes fonctions de son père ? Elle s’est qualifiée sur la base de ses propres compétences politiques et de ses talents de leadership. Comme ministre de l’Intérieur, Theresa May s’était mise à la rude tâche de stopper la dérive de la société britannique dans le chaos du law and order. Lors d’un débat parlementaire sur le possible déploiement de missiles nucléaires par Londres, elle avait répondu par l’affirmative quand on l’a invitée à se prononcer sur la mort de centaines de milliers de personnes que l’usage de telles armes entraînerait. Pourquoi disposer d’armes de dissuasion nucléaires pour ensuite affirmer qu’on ne les utiliserait pas ? C’est un mauvais signal qu’on donne aux ennemis, avait-elle expliqué. Cet épisode démontre la trempe de Theresa May.

Compte tenu des différences marquantes entre la succession de David Cameron à Londres et la transition annoncée entre Jugnauth et Jugnauth, l’actuel leader du MSM aurait tort de vouloir trop s’agripper à la jupe de Theresa May. Il exposerait alors au regard public toutes les pathologies politiques qui ont terni la dynastie Jugnauth au cours de ces trois dernières décennies. La liste est longue : «moralité pa ranpli vant», Sun Trust, démons, insanités, location de Rs 40 millions de Sun Trust, vente de la clinique MedPoint dont la valeur double en l’espace d’une nuit, affaire en cour, arrestation, népotisme, passe-droits…

On cite le cas Theresa May mais aussi, plus près de nous, celui de Paul Bérenger. Les partisans de Pravind Jugnauth n’auraient pas moins tort d’insister à dresser un parallèle avec le cas de Paul Bérenger. Si ce dernier était devenu Premier ministre en 2003 sans se faire plébisciter directement par la population, pourquoi priver Pravind Jugnauth du même traitement, s’interroge-t-on au MSM. Au fait, les circonstances entourant la nomination de Bérenger en 2003 étaient radicalement différentes des tentatives d’intronisation actuelle du fils Pravind. L’alliance MSM-MMM qui remporta les élections de 2000 avait annoncé une formule de partage à l’israélienne, trois ans de prime ministership pour Anerood Jugnauth et deux ans pour Bérenger.

Pas d’escroquerie politique, les dirigeants avaient joué cartes sur table. La population donna une écrasante majorité à cette alliance. Et la transition s’opéra sans heurts à la tête du pays. Dans le cas de Pravind Jugnauth, à aucun moment son nom ne fut cité comme éventuel Premier ministre. Et mêmes les leaders des deux alliés, Xavier-Luc Duval et Ivan Collendavelloo, qui tentent désespérément de ménager la chèvre et le chou, ont affirmé que la succession à la tête du gouvernement n’avait pas été discutée avant les élections. La campagne électorale menée sous tapis par le PMSD et le ML de Collendavelloo aurait certainement rencontré une vive résistance si ces deux leaders s’étaient moindrement comportés comme de vulgaires agents de Pravind Jugnauth. Ce dernier n’était pas au sommet de sa gloire politique en 2014, traînant le lourd boulet de MedPoint.

Réalisant sans doute les réactions perverses suscitées par sa comparaison avec le cas Theresa May, Pravind Jugnauth joue ces derniers jours une autre carte, celle de revendiquer sa propre légitimité politique. Il dit avoir obtenu un mandat de l’électorat. Il a été élu en 2014 comme fils de son papa et allié de Duval et de Collendavelloo. En 2010, il bénéficia du soutien des Travaillistes. Lors de l’élection partielle de 2009, il battit son oncle Ashock, lui aussi pas moins Kumar que lui, de 3 000 voix. Mais cet exploit, il fallait le mettre sur le compte de Navin Ramgoolam qui ne présenta pas de candidat et qui mit toutes ses armes à la disposition du fiston. À sa première tentative de briguer le suffrage à des élections générales en 1995, Pravind Jugnauth ne récolta que 29 % des voix dans le n°11. Ces performances permettent de mieux situer la puissance de feu personnelle de l’héritier de la dynastie Jugnauth.

Puissance de feu, c’est ce qui va manquer au père lui-même s’il persiste à annoncer la nomination éventuelle de son fils mais sans passer à l’acte. En effet, SAJ risque de se transformer en lame duck plus tarde le sacre de son fils. Déjà le gouvernement souffre d’un manque d’efficacité dans l’application de ses décisions. Le chaos s’installera quand ministres et parlementaires réaliseront qu’ils ont affaire à un canard boiteux. Déjà le gouvernement arrive difficilement à contenir les actes de rébellion tant à l’intérieur du MSM que dans l’alliance Lepep même. Le ciel mauricien pourrait briller de feux d’artifice bien avant la Noël de décembre 2016.

 

 

Paul Bérenger se livre

<p>Si Pravind Jugnauth devient Premier ministre, le pays sera ingouvernable et il ne faut pas jeter tout le blâme sur Roshi Bhadain que <em>&laquo;soutire&raquo;</em> le Premier ministre, dit Paul Bérenger au sujet de tiraillements au sein du gouvernement. D&rsquo;autre part, il réitère que s&rsquo;il n&rsquo;y avait pas eu une alliance de dernière heure entre le PTr et le MSM en 2010, il aurait été Premier ministre du pays entre 2010 et 2015. Il se présentera comme candidat au poste suprême aux prochaines élections générales.&nbsp;</p>

<p>Dans une interview exclusive à paraître dans <em>l&rsquo;express dimanche</em>, le leader de l&rsquo;opposition évoque les actualités des derniers jours, notamment les scandales Petredec et MauBank, un MMM plus fort surtout après son congrès, ses défaites, en particulier celle de décembre 2014.&nbsp;</p>

<p>Par ailleurs, disant ne pas être<em> &laquo;amarré&raquo; </em>au poste de leader de l&rsquo;opposition, Paul Bérenger suppute que Navin Ramgoolam ne voulait pas d&rsquo;une majorité de trois quarts pour rester comme Premier ministre.</p>