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Plaidoyer pour une «intelligente unité»
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Plaidoyer pour une «intelligente unité»
«Si nous aimons la liberté de la presse; si tous nos soins tendent et tendront à user de ses droits aux dépens de notre fortune, de notre avenir, de notre vie même, que l’on se rassure : nos principes sont fondés sur le devoir de l’homme et du citoyen (...)»
<p>Rémy Ollier 1816-1845</p>
Xixe siècle. Dans un journal de l’époque, où l’on trouvait des annonces du genre : «À louer : deux négresses nourrices bien saines», l’on s’étonne que la censure mauricienne ait autorisé la représentation de l’oeuvre d’un «nègre». Le «nègre» en question s’appelle Alexandre Dumas (père), un écrivain français, tourné vers le théâtre. Alors qu’en France, il est acclamé pour son talent et son verbe, ici, à l’ancienne Isle de France, un enseignant du prestigieux collège Royal condamne la représentation de son oeuvre à Port-Louis, sur une base purement raciste, rétrograde.
Dans un livre publié le siècle suivant, Marcel Cabon racontera plus tard que deux hommes de couleur ont essayé de rétablir les droits d’Alexandre Dumas à Maurice. Il s’agit d’Evenor Hitié et de Rémy Ollier, né le 6 octobre 1816. Les écrits de Hitié et d’Ollier sont alors refusés par les deux seuls journaux de l’époque. Ce refus devait changer le destin de Maurice ! Révolté, Rémy Ollier décide de lancer La Sentinelle de Maurice. Dans son prospectus qui paraît le 21 mars 1843, Ollier décrit la raison d’être de son journal : «Signaler les abus et les signaler avec courage et modération ; redresser les torts, encourager le mérite dans quelque classe et sous quelque épiderme qu’il se rencontre ; appeler tous les Mauriciens à une intelligente unité – unité nécessaire, indispensable au bonheur de l’homme et du citoyen, unité sans laquelle l’ordre disparaît pour faire place au bouleversement : ce sera le but constant de La Sentinelle de Maurice». Alors que certains veulent – en 2016 – perpétuer une politique dynastique, fondée sur l’ethnicité, ce discours d’Ollier est plus que jamais d’actualité.
Hier, à l’occasion de son 200e anniversaire, une mince délégation de journalistes de La Sentinelle – (le nom de notre groupe de presse est inspiré de la lutte citoyenne de Rémy Ollier) – s’est rendue sur la tombe du tribun oublié, au cimetière de l’Ouest, aux Salines. Entre des pierres tombales éventrées, exposées à la poussière et incendiées par le soleil impitoyable, il n’y avait qu’une fleur sèche, posée sur sa tombe, qui devait dater de trois ou quatre semaines. Les quelques couronnes de fleurs «officielles» étaient, pour la galerie et pour la presse, déposées, elles, sur son buste, au jardin de la Compagnie, par les autorités, qui n’avaient pas l’air d’être convaincues par l’histoire du journaliste. Et dans l’air marin autour de sa tombe, on humait le sel dans une atmosphère baignée d’indifférence et de silence...
«Pourquoi nous demander ce qu’il aurait fait s’il n’était pas mort à 28 ans? Est-il mort d’avoir trop brûlé ? Ou sa vie n’a-t-elle été une flamme parce qu’il n’avait pas le temps ? Sa vie, en sa courte saison, est un destin exemplaire. Je ne vois pas que notre pays ait donné un homme plus grand...», écrit Marcel Cabon dans l’avant-propos du livre éponyme consacré à Rémy Ollier.
Ollier, dont nos jeunes ne connaissent que vaguement le nom, en raison, peut-être, d’une longue rue qui sépare Rose-Hill et Quatre-Bornes, ou d’une école publique qu’on entend lorsque l’on donne en temps cyclonique la liste des «shelters», Ollier croyait fermement à la liberté d’expression et était un fanatique de la liberté tout court. Il a vécu dans la pauvreté, est mort avant ses 30 ans, mais a su marquer toute une génération d’hommes et de femmes qui ont cru et qui croient en l’égalité des chances, pas dans le hasard des naissances. Si Rémy Ollier, qui a jeté les bases d’une société mauricienne plus juste, avait été là, il aurait, sûrement, questionné : «Pourquoi seulement les Ramgoolam et Jugnauth ? Pourquoi Pravind Jugnauth aujourd’hui, et pas quelqu’un d’autre... ???» Des questions somme toute d’actualité...
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