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Manière de voir : le gardien du Sun Trust

8 octobre 2016, 10:39

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Le positionnement politique du leader des bleus est à suivre avec attention, surtout dans le contexte de la passation de pouvoir entre SAJ et son fils Pravind. Un positionnement qui s’éloigne de celui, historique, de son père Gaëtan…

ON assistera à une forte mobilisation des nostalgiques de sir Gaëtan Duval dans un contexte politique où bien d’interrogations sont permises sur le rôle que jouera le présent leader des bleus dans l’exercice de passation de pouvoir au sein de la famille Jugnauth. En même temps, les partisans et les observateurs en général ne manqueront pas de faire la comparaison entre le style Gaëtan et la méthode  Xavier-Luc.

Avant d’atteindre le point où il avait découvert que sa synergie avec Navin Ramgoolam s’avérerait payante lors d’une consultation populaire, Xavier-Luc Duval connut un cheminement assez problématique, allant jusqu’à affirmer qu’il avait honte de son patronyme Duval. Élu pour la première fois en 1987, c’est surtout grâce à son père que le néophyte réalisa l’exploit de «casser le pisso» au 12-0 du MMM à Port Louis. En 1991, il changea de circonscription pour tenter de se faire élire dans le no6.  Après des années de vagabondage politique, il fit son entrée au gouvernement au début de 1995, allant prêter mainforte à Anerood Jugnauth. Mais face à ce qui s’annonçait comme un raz de marée de la nouvelle alliance PTr-MMM, il abandonna bien vite le navire.

«Il est clair que le PMSD de XLD adore les privilèges princiers.»

En septembre 1999, la synergie PTr-PMSD fut foudroyante. Xavier-Luc Duval se faisant élire face à la candidate de la fédération MSM-MMM dans le bastion mauve du no20. Ce fut un feu de paille pour le tandem Ramgoolam-Duval car en 2000, la fédération, qui se mua en vraie alliance, balaya tout sur son passage, avec quelques rares rescapés comme Navin Ramgoolam, Arvin Boolell et Vasant Bunwaree.

En 2005, la synergie Labour-PMSD devait arracher le pouvoir au MSM-MMM.  Nommé Senior Minister, Xavier-Luc Duval resta au gouvernement jusqu’en 2014, soit neuf bonnes années, aux côtés de Navin Ramgoolam. Une tentative de le prendre on board de la nouvelle alliance PTr-MMM n’aboutit pas et Duval se retrouva heureusement hors du navire, qui coula. Au nom du principe «il nous manque cinq sous pour faire la roupie», le rat politique, bien au sec, fut cette fois taken onboard par le Sun Trust et on connaît le résultat.

Avec sa présence soutenue au gouvernement depuis 2005, marquée que par une courte interruption de quelques petits mois en 2014, il est clair que le PMSD de Xavier-Luc Duval adore les privilèges princiers et les avantages illimités associés au pouvoir. Il est politiquement correct d’assumer aussi les responsabilités découlant du pouvoir, ce qui amène le PMSD à clamer haut et fort qu’il ne fournit que «résultats lors résultats». Mais le passage au gouvernement comme petit allié présente aussi son lot de couleuvres, sinon de vrais serpents à avaler. Mais que représentent quelques couleuvres s i a u bout du compte, l’accès aux privilèges et le droit aux excès sont  illimités ? Ce n’est pas le PPS Thierry Henry qui dira le contraire le lendemain d’un accident mortel ni non plus Richard Duval qui avait dû consommer des gallons de sirop anti-toux avant de faire le rodéo avec son bolide sur l’autoroute.

Le père Duval avait lui aussi vécu ses moments de gloire en partageant le pouvoir successivement avec sir Seewoosagur Ramgoolam et Anerood Jugnauth et affronté son lot de couleuvres. Seulement, la différence entre le père Gaëtan et le fils Xavier-Luc est énorme.  En pas moins de quatre occasions, de 1963 à 1988, Gaëtan Duval n’avait pas hésité à dire non au pouvoir, préférant rejoindre l’opposition. Xavier-Luc Duval par contre s’est montré ambivalent sur des questions fondamentales. Dans le cas de la succession d’Anerood Jugnauth, il a manqué de fermeté. Déclarant tout d’abord que l’accession de Pravind Jugnauth au poste de Premier ministre avait été discutée avant les élections de 2014 pour venir dire que la question ne fut pas évoquée. Un tel manque de prise de position catégorique trahit un état d’esprit davantage porté sur le souci de manger la banane par les deux bouts que de s’attacher de façon inébranlable à des valeurs politiques.

Xavier-Luc Duval (au centre), entouré de Pravind et de sir Anerood Jugnauth, lors d’une conférence de presse de l’alliance Lepep, au Sun Trust, en décembre 2014.

En le jugeant sur son parcours, Gaëtan Duval auraitil agi différemment ? Comment avait-il géré ses relations avec le chef du gouvernement ? Un bref historique. Suivant les élections générales de 1963, que remporta le Parti travailliste, l’administration coloniale britannique favorisa un gouvernement de coalition, avec Jules Kœnig et Raymond Devienne comme ministres et Gaëtan Duval lui-même comme Deputy Speaker. Des travaillistes tentèrent de bloquer la nomination de Duval, tout en acceptant Kœnig et Devienne comme ministres. Au lieu de se montrer conciliant envers ses détracteurs travaillistes, Duval préféra descendre dans la rue. Ce premier gouvernement de coalition PTr-Parti mauricien était mort-né.

Quelques mois après, le Parti mauricien, qui deviendra plus tard le PMSD, entra au gouvernement avec un ministère de plus. Duval lui-même fut nommé  ministre du Logement et des terres et fit bâtir les premières «cités» du pays. Ce gouvernement de coalition ne tint pas longtemps car la bande à Duval s’opposa à Ramgoolam sur la question de l’excision par les Britanniques de l’archipel des Chagos. Et au lieu de s’agripper à son fauteuil ministériel, Duval préféra démissionner. C’était  en 1965.

«Les récents évènements indiquent que le jeu stratégique du PMSD est arrivé à terme.»

Suivant les élections de 1967 et l’accession du pays à l’indépendance en 1968, Duval fit son entrée, en 1969, dans le gouvernement Ramgoolam. Mais quatre ans après, il préféra se faire révoquer comme ministre plutôt que de soutenir la décision du gouvernement de reconduire la surtaxe de 10 % sur les exportations sucrières. Le PMSD agissait à l’époque en tant qu’arme politique de l’oligarchie sucrière. Puisque Duval s’opposa publiquement au gouvernement, Ramgoolam le révoqua comme ministre le 17 décembre 1973.

Duval retrouvera le pouvoir en 1988, dans la nouvelle alliance qui regroupait aussi le PTr et le nouveau-né MSM. Devenu ministre hyperpuissant et jouissant du pouvoir au maximum (se rendant à Mahébourg par hélico de la police et retournant à l’hôtel du gouvernement en taxi), Duval devait s’opposer à Jugnauth encore une fois sur une question de principe. Si en 1973 Duval se comportait en agent de l’oligarchie économique, en 1988, il était devenu défenseur des employés de la zone franche. Ainsi, comme Premier ministre suppléant, il témoigna de sa solidarité envers des grévistes d’une usine alors que Jugnauth était de la trempe à faire menotter un syndicaliste, même sur son lit d’hôpital. Duval fut révoqué.

En comparant le parcours du père et du fils chez les Duval, on voit difficilement l’héritier claquant la porte au pouvoir ou s’exposer à la révocation. Par contre, le flair de voir le navire se drosser sur les récifs est plus prononcé chez le fils. Il lui a été facile ainsi d’abandonner Jugnauth en 1995 pour se retrouver avec Ramgoolam en 1999, et fuir Ramgoolam pour quelques mois en 2014, avant d’être cueilli dans une épuisette du Sun Trust.

Jusqu’ici, Xavier-Luc Duval a excellé dans l’art de jouir du pouvoir tout en construisant une «fallback position» avec une opposition qui menace ce même pouvoir. Or, les récents événements indiquent que le jeu stratégique du PMSD est arrivé à terme. Navin Ramgoolam laisse comprendre qu’il n’est plus intéressé à se prêter au jeu de son ex-allié. Ce qui ne laisse d’autre choix au leader bleu que d’avaler le serpent Pravind et de prier pour qu’un tremblement de terre n’ébranle pas l’édifice de l’empire des Jugnauth. Le Sun Trust accueille un nouveau gardien…