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Tout se joue encore sur la planète USA

2 novembre 2016, 07:30

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À noter que ce sont les 538 «grands électeurs» dans les États qui conduiront à l’élection du nouveau president. Les sondages par État donnent déjà à Clinton 263 votes sur les 270 requis contre 164 certains pour Trump et 111 en «ballotage». SOURCE : BBC

 

À moins d’une semaine de l’élection présidentielle du 8 novembre, à quoi peut-on s’attendre ?

À tout.

Oui, tout peut (encore) se passer dans cette campagne où l’on aura tout vu – sauf les mystérieuses fiches d’impôt du multimilliardaire Donald Trump ou les milliers de courriels confidentiels «effacés» du compte privé de Hillary Clinton, par ailleurs coresponsable de la Clinton Foundation. Nous ne sommes pas dans la fiction.

Et on s’y fait, à cette réalité, à ce nouveau monde. Il n’y a pas d’osmose cette fois-ci, pour cette élection. L’histoire s’écrit en petites lettres. Dans l’air plane une ambiance lourde, d’appréhension, de déchirement, d’incompréhension.

De manière critique et égale, le peuple se plaint des tactiques déployées par les camps démocrate et républicain, de leur manque de transparence. C’est déroutant dans un pays qui s’enorgueillit de sa Freedom of Information Act, et dont les journaux libres en sont souvent le dynamique reflet démocratique.

Pour la première fois depuis longtemps, on a la certitude amère que l’on nous ment, qu’on est manipulé. Mais on n’a pas vraiment le choix et on se laisse faire. 2016, à cet égard, nous rappelle un peu Maurice en 2014... Entre la peste Clinton, une politicienne ultra préparée jusqu’à la racine de sa blonde chevelure, et le choléra Trump, dont l’orange de sa chevelure rappelle singulièrement la fête Halloween.

Tout Washington, DC, ses monuments et ses habitants, ses nombreux visiteurs internationaux, assistent, comme tétanisés... et suspendus, abasourdis, aux dernières manoeuvres, à ces «dirty tricks» provenant cyniquement de Hillary Clinton, 68 ans, et de Donald Trump, 70 ans. Les deux sont engagés à fond dans une folle course contre la montre, dans une ultime tentative de s’approprier les clefs ultra convoitées de la Maison-Blanche.

Ici, alors que la frondaison change de couleurs à la faveur de l’automne, et que le Potomac impassible poursuit son cours tranquillement avant de se jeter dans le froid gris de l’Atlantique, je n’ai ressenti, jusqu’ici, aucune passion ostentatoire : ni en faveur de Clinton, pourtant première femme à se lancer dans une telle aventure (on est loin, par exemple, de l’engouement de 2008, précédant l’élection historique du premier président non-blanc), et encore moins en faveur de Trump, un personnage jugé outrancier, vulgaire et risible, qui incarne l’anti-establishment du système washingtonien dans sa version la plus trash qui soit.

Les deux candidats sont craints, mais pas respectés.

Les intérêts et les lobbies des uns sont mêlés à ceux des autres. C’est le cirque de la démocratie. Difficile pour des yeux profanes de séparer les bons grains citoyens de la masse d’ivraie rassemblée aux alentours stratégiques du Capitole et du Pentagone – et du FMI et la Banque mondiale un peu plus loin.

Amis auparavant quand le milliardaire finançait Bill, Clinton et Trump sont deux caractères qui se détestent et qui sont diamétralement opposés dans leur conception du monde et dans leur façon d’être et de faire. On semble regretter Sanders ou Romney, comme on commence déjà à regretter un Obama plus jeune et plus fin, un président devenu depuis pas mal de temps un «lame duck».

Avec Trump et Clinton, la présidentielle US s’est transformée en une bataille de sexes – à tous les niveaux, pas forcément à celui auquel on s’attendait. Les trois débats télévisés et les scripts derrière eux, les deux candidats sont lancés à fond dans un débat cinglant et sanglant d’une violence inouïe et dont le niveau descend, en quasi-permanence, sous la ceinture ces derniers jours.

Entre les fréquents rappels du langage ordurier de Trump (devenu une spécialité communicationnelle du camp Clinton) ou les récits pervers associés à Bill Clinton ou, depuis ce weekend, à l’autre homme à scandales, Anthony Weiner, l’ex-compagnon de Huma Abedin (la plus proche collaboratrice de Hillary Clinton), on ne parle pas assez de l’économie, des énergies renouvelables et des emplois durables, et de moins en moins de Foreign Policy. Ce n’est pas ce qui va faire la différence à ce stade infect du jeu., où l’émotion prend le dessus sur la raison.

Au pays du Far West, de Citizen Kane et du scandale Watergate, est-ce surprenant qu’une enquête du FBI sur Weiner vienne intriguer le peuple à une semaine du scrutin décisif ? L’agence d’investigation a relancé l’affaire des emails si embarrassante à Clinton qui, comme State Secretary, avait un devoir de protéger les États-Unis et ses intérêts géostratégiques. Des fichiers sensibles retrouvés sur l’ordinateur de Weiner (également utilisé dans le temps par Huma Abedin – qui n’avait pas de «security clearance» approprié pour ce genre de données) ont relancé l’intérêt du FBI – et déchaîné les passions.

Du coup, les voix de la raison s’embrouillent dans le fracas médiatique de la campagne. Le directeur du FBI, James Comey, est accusé, par des sénateurs, démocrates et républicains (dont on dit qu’ils sont traditionnellement proches des Clinton), d’avoir, à une semaine de l’élection, enfreint la Hatch Act ! C’est quoi la Hatch Act ? Une loi qui empêche les hauts fonctionnaires d’influencer une élection par le biais de leur position dans le gouvernement...

«On Saturday, I filed a complaint against the FBI. I spent much of my career working on government and lawyers’ ethics, including as the chief White House ethics lawyer for George W. Bush. I never thought that the FBI could be dragged into a political circus surrounding one of its investigations. Until this week...», écrit, dans le Washington Post d’hier matin, un ancien conseiller de George W. Bush. Plus loin, un lecteur défend le FBI. «Ce n’est pas un coup d’État, ni un coup d’éclat.»

Dans la rue près du Mall, un groupe musulman condamne le terrorisme d’Israël et réclame qu’on rappelle la Russie à l’ordre par rapport à la Syrie. Plus loin, des disciples du Dalai Lama expliquent les dérives du gouvernement chinois. Des jeunes déguisés en Captain America ou WonderWoman font du «trick or treating»...

L’affaire des emails et le rôle ambigu du FBI redonnent des couleurs festives au camp Trump qui jubile - et qui croit plus fort que jamais à la victoire finale.

Dans le camp démocrate, on sait que l’avance accentuée dans le sillage des débats télévisés est en train de fondre. Cette longue semaine, qui commence, et qui clôt une campagne, électrisée un peu plus par chaque scandale qui éclate, sera surtout périlleuse pour Clinton, toujours favorite, si l’on se fie aux principaux sondages qui démontrent néanmoins un resserrement dans les écarts.

Trump a clairement refait son avance en Floride (tout un état-symbole) et y est, selon Real Clear Politics, même donné comme vainqueur à 46 % contre 42 % (NewYork Times Upshot/ Siena College).

Au niveau national, l’avance de Hillary Clinton descend à 48 % des intentions de vote – contre 46 % pour un Donald Trump en hausse, selon la moyenne des derniers sondages qui, pratiquement tous, ont relevé l’impact de l’ouverture d’une nouvelle enquête du FBI sur Clinton, alors que la conversation de vestiaires (locker room talks!) n’a pas eu d’effet, même sur les femmes qui affirment comprendre, sans cautionner toutefois, ce genre de remarques sexistes, machistes.

Dans la télé-arena, FoxTV (de Murdoch, pro-républicain) exploite à fond les mails de Hillary, où l’on voit souvent, depuis samedi, Donald Trump dénoncer le «plus grand scandale politique depuis Watergate». Sur CNN, on ne voit pas beaucoup Hillary Clinton répondre aux questions de la chaîne anti-Trump et pro-démocrate – la candidate se fait discrète et préfère se montrer davantage dans les talk shows que sur les news shows – histoire de ne plus commettre de faux pas ? Les animateurs comme Ellen DeGeneres sont plus gentils que les journalistes : sans dents, ils ne mordent pas; un peu comme Michel Drucker en France, ou les présentateurs de la MBC à Maurice...

Nous sommes aux États-Unis, un pays qui transforme, souvent, l’impossible en possible, la «virtual reality» en «reality» non seulement à Hollywood ou dans la SiliconValley. Ici à Washington, DC, il y a un engouement pour cette élection, même s’il n’y a pas de culte de personnalité comme chez nous ! La majorité des personnes que nous rencontrons (journalistes, diplomates, Mauriciens, étudiants, ONG) ne sont ni pour Clinton, encore moins pour Trump ! Deux personnages qui «n’inspirent pas vraiment confiance». Cela saute aux yeux que leur part d’ombre prend le dessus sur celle qu’ils présentent à la lumière des projecteurs.

Pas d’engouement, certes, mais tout le monde retient quand même son souffle. L’heure se veut grave. Cela se lit sur les visages dans le métro, dans les cafés, dans le nouveau black-american museum. On a bien compris ici (plus qu’ailleurs?) que les enjeux et implications internationaux (politiques, économiques, financiers, sécuritaires, diplomatiques, environnementaux, entre autres) découlant de l’élection sont énormes et, peut-être, sans précédent...Est-ce pour cela que la Chine, la Russie, l’Inde, l’Europe, la Grande Bretagne, la Syrie et toutes les multinationales suivent de près le match Clinton-Trump ?

Par Nad Sivaramen (de Washington, DC)