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Les trumpettes de l’anxiété
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Les trumpettes de l’anxiété
Qu’est-ce qui fait que, de temps en temps, dans les grandes démocraties, l’électorat semble prendre un pari «fou» ? Comme en 1932- 1933 en Allemagne. Comme avec le choix du Brexit il y a peu. Comme avec Donald J. Trump, ce mardi 8 novembre 2016 ?
Les réponses sont multiples et complexes. Mais l’élection de Trump est loin d’être un parallèle, comme certains le suggèrent, avec l’élection de l’ancien acteur-cowboy Reagan en 1980, tellement le choix de Trump promet des incertitudes majeures.
Il y a bien un certain parallèle (et une certaine logique) à ce que Reagan gagne face à un Jimmy Carter sans relief et sans charisme, et Trump possède, de loin, plus de «star value», que Clinton, notamment grâce au «reality show» The Apprentice qui le consacrait comme celui qui assenait le verdict final : «You’re fired !» Autre parallèle : la présence de l’Iran ! En 1980, on libère, le jour même du discours d’investiture de Reagan et après 444 jours d’emprisonnement, les 52 otages américains qui avaient empoisonné la présidence Carter. Finalement, Reagan était le plus vieux président jamais élu à la présidence en 1980. Il avait 69 ans. Trump en a 70. Record battu !
Mais là s’arrêtent les parallèles ! Trump est narcissique, outrancier, menteur patenté, mauvais perdant, n’a aucune expérience de gouvernement (Reagan avait quand même été gouverneur de Californie) et a passé sa vie à s’enrichir aux dépens des autres – allant parfois jusqu’à plomber ceux qu’il employait ou ceux auprès de qui il achetait des marchandises.
Comment font les Américains pour justifier leur choix ?
D’abord, reconnaissons, malgré le cycle de changement – qui est en moyenne de deux mandats consécutifs – entre démocrates et républicains, que c’est Clinton qui a obtenu (par 240 000 voix environ) la majorité du vote populaire et que ce sont les «grands électeurs» des États, donc, qui porteront la responsabilité d’une présidence Trump. Ce qui n’est pas sans rappeler la victoire controversée de Bush Jr. sur Al Gore en 2000. Mais peu importe ! On ne peut aucunement disculper les électeurs américains. Trop d’entre eux ont, diversement, répondu à leurs plus bas instincts (contre les immigrés et les minorités), avalé les rêves multiples et loufoques vendus par un populiste très efficace et succombé à la nostalgie irréaliste de «make America great again» alors que l’Amérique l’est déjà assez comme ça. La majorité blanche (70 %), principalement les moins bien éduqués (67 %), mais pas seulement (55 % des diplômés blancs ont aussi voté Trump), s’est apparemment sentie de plus en plus à l’étroit dans un creuset hétérogène où «les autres» semblaient souvent progresser plus rapidement qu’eux-mêmes.
Prenons ici la seule question de l’économie. Trump va «ramener» les industries qui se sont expatriées au Mexique, en Chine et ailleurs pour créer du travail aux États-Unis, notamment en taxant ceux qui s’activent à l’étranger. Mais la réalité est loin d’être aussi simple. Le taux de chômage aux États-Unis en octobre 2016 est à… 4,9 % et est déjà constamment à la baisse depuis la pointe de 10,1 % de 2010. C’est normal, puisque Obama, à qui Bush avait pourtant laissé une économie en perdition après la crise de 2008-2009, a créé 15 millions d’emplois entre 2010 et 2016.
Si le chômage est à ce niveau presque incompressible, et que Trump ramène les usines tout en renvoyant 11 millions d’immigrés sans papiers (nombre d’entre eux sont bien en train de travailler, n’est-ce pas ?! Les USA, ce n’est pas l’Union européenne…), un électeur éclairé ne doit-il pas se poser la question de savoir QUI DONC va travailler dans ces usines rapatriées ? Ou sur tous les grands chantiers d’infrastructure qu’il a aussi promis ? Et nous n’avons pas même commencé à évoquer la menace d’annulation des traités commerciaux apparemment jugés «catastrophiques» par Trump, car quand les usines seront ramenées aux États-Unis, vers qui vontelles alors pouvoir exporter ? Promet-il l’autarcie ? Mentionnons aussi l’attaque de Trump contre l’indépendance de la Réserve fédérale (FED) et la politique menée par Madame Yellen en particulier, qui n’augure rien de bon et sa promesse de réduction de taxes, notamment en faveur des entreprises et des plus riches, alors que l’écart entre riches et pauvres se détériore depuis des années déjà…**
“He is NOT my president”
Évoquons, de plus, et aussi peu sérieusement que lui, la question de l’immigration et en particulier celle du mur. Au lendemain de son élection, devraiton conclure que les manifestations de citoyens américains disant “He is NOT my president”, indiquent qu’il faudrait plutôt construire un mur sur la frontière… Nord des États-Unis ? Pour tenter d’empêcher que trop de citoyens déçus (ou craintifs) ne la traversent vers le Canada ?! Quant au mur sur la frontière mexicaine, si l’on peut estimer que le Mexique n’en paiera pas le coût, du moins directement, on peut au moins suggérer à Trump un «deal» qui devrait lui plaire, puisqu’il fera l’économie de ses milices de déportation. Il lui suffira, pour cela, d’employer les Mexicains arrivés illégalement en Amérique pour construire ledit mur, puis les faire passer à travers les quelques portes laissées ouvertes, pour aller compléter le crépissage de l’autre côté… Quelques bons cadenas feraient alors l’affaire ! Trump sait déjà comment ne pas payer des ouvriers dont le salaire est trop encombrant, n’est-ce pas ?
Il a promis tellement de choses outrancières, mais de manière généralement floue, que tout est possible : le retrait de l’OTAN, des Nations unies, de la Banque mondiale, de la COP 21 ? La fin de la couverture Obamacare pour 20 millions d’Américains ? La rupture du traité sur l’arrêt des recherches nucléaires en Iran ? Quelle va donc être la «leçon» que Trump va faire à Kim Jong-un ? Comment va-t-il répondre au désir de Duterte de voir les troupes américaines quitter les Philippines ? Quelle va être la réaction de la Chine aux attaques commerciales promises ? Surtout s’il y a un réchauffement de l’axe Trump-Poutine ? Pire ! Imaginez que ces deux grands machos ne s’entendent pas, un jour, comme par hasard ! Que vont faire les États-Unis en Mer de Chine face aux prétentions hégémoniques des Chinois ? Comment va-t-il mieux s’y prendre pour éliminer Daech, sans répéter ce qu’il dit avoir été les «erreurs» d’Obama-Clinton, en Irak, en Libye, en Syrie ? Il a beau répéter qu’il ne faut pas dévoiler ses plans à l’ennemi, mais il a aussi promis une action décisive «from day one» ! On l’attend donc le 21 janvier prochain… Son discours de victoire, construit avec des mots de conciliation et d’unité, est à l’opposé de son discours agressif depuis le premier soir des primaires. Mais est-il tombé, pour encore un jour, dans le «politiquement correct» de sa directrice de campagne Kelly Ann ou est-ce que «the job maketh the man» ?
Nous ne le saurons qu’au cours des prochains jours, mais je ne suis pas optimiste : soit Trump est un «con man» qui a cyniquement mené la campagne qui ressemblait le plus aux aspirations d’«authenticité» qu’il avait décelées chez les Américains pour être au pouvoir et agir au mieux (et que, ni sondeurs, ni médias n’avaient totalement cernées), soit il a été sincère dans ce qu’il promettait, dans lequel cas les États-Unis et le monde vont vraiment en baver. J’espère que Trump a été un «con man», mais je crains qu’il n’ait été… Trump lui-même !
Je commence à regretter Obama ! Mais Daech ne s’y trompe pas : ils se frottent déjà les mains !
Point final : le cycle de l’histoire nous rapprocherait-il inexorablement de l’environnement effrayant du début des années ’30 : UKIP, Trump, Le Pen, M5S, PIS, Orban, Lega Nord, Sweden Democrats, Danish People’s Party, Jobbik et Freedom Party seraient il les arrièrepetits enfants de Mussolini, Mosley, Hitler, Quisling, Salazar, Malan, Franco… ? J’espère vraiment avoir tort !
** Les Américains ne s’y trompent pas : selon les «exit polls» cités par le Guardian, 52 % des électeurs faisant partie des 36 % des nationaux gagnant moins de $50 000 par an ont voté Clinton. Par contre, chez les 64 % gagnant plus que $50 000, 49 % votaient Trump et 47 % Clinton. $50 000 par an, c’est, soulignons-le, l’équivalent de Rs 150 000 par mois…
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