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Le phare Paul Vergès…

18 novembre 2016, 07:17

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…s’est éteint samedi dernier à La Réunion, mais toute l’île sœur pleure encore, mesurant, sans doute, de plus en plus le vide que laisse ce géant de la politique. Son nom, son histoire rocambolesque, ses idées visionnaires, sa fougue anticolonialiste, son combat pour émanciper l’humain et sa longévité en politique – à 91 ans, le sénateur Vergès était le doyen des élus français ! – ont influencé les grandes mutations qu’a connues l’île sœur depuis les années 50 – et, par ricochet, les autres États insulaires du sud-ouest de l’océan Indien et d’ailleurs.

Plus que n’importe qui, Vergès avait réalisé que son île était un laboratoire qui concentrait, à son échelle et avec ses caractéristiques propres, des phénomènes mondiaux : démographiques, économiques, environnementaux, et «où se retrouvent, toutes les contradictions possibles, celles de la société capitaliste et celles du tiers-monde». Cet engagement politique il l’a mené jusqu’au bout, jusqu’au dernier souffle, contre vents et marées. Un témoignage provenant de France raconte, dans la presse réunionnaise, que «quand il parlait de son île à Paris, il avait les yeux qui s’illuminaient…» Comme un phare dans la mer démontée de la mondialisation.

Et c’est donc naturellement que par milliers les Réunionnais ont salué, ce mardi 15 novembre, le cortège funèbre de l’homme politique : de Ste-Suzanne au Port, en passant par Ste-Marie et St-Denis, des hommes et femmes, en rouge, chantaient l’Internationale, l’hymne des communistes. C’est la première fois de tout temps, ici à La Réunion, qu’on a vu une telle communion entre un peuple et un dirigeant politique. Ce qui contraste avec le désintéressement ambiant et la distance grandissante qu’on peut noter, çà et là, (à Maurice très certainement), entre un peuple et ses représentants politiques.

Pourtant Paul Vergès, comme son frère le célèbre avocat Jacques Vergès, décédé, lui, en 2013, n’était pas un saint. En mai 1947, un politicien, Alexis de Villeneuve, est blessé mortellement par balle dans une réunion électorale à St-Denis, lors d’affrontements avec des contre-manifestants communistes. Paul Vergès, qui se trouvait sur place, est accusé du meurtre : le revolver utilisé appartenait à son père. Le jeune Vergès est alors transféré en France où une cour d’assises le reconnaît coupable de «coups et blessures sans intention de tuer», écartant l’accusation initiale de meurtre avec préméditation. Condamné à une peine de prison avec sursis, il sera gracié en 1953 par une loi d’amnistie. Cependant la confusion entourant son rôle continue de défrayer la chronique. Cela aura suffi pour l’ériger en mythe.

À l’opposé de Trump qui ne croit pas au changement climatique, Vergès était le président, depuis plus de dix ans de l’Observatoire national sur les effets du changement climatique. Cette institution est une création issue de la loi proposée par Vergès lui-même.

***

Dans la foule de personnes venues rendre un dernier hommage à Paul Vergès, il y avait Olivier Bancoult. «Vergès a beaucoup soutenu le peuple chagossien.» Pour revenir à l’indigne décision de Londres par rapport au retour interdit sur les Chagos, qui provoque une colère légitime à tous les niveaux chez nous, l’on ne peut que crier, nous aussi, notre révolte face à cette façon illégale de faire des Britanniques. La souveraineté de Maurice est non-négociable – et n’est, certainement, plus à prouver. Des erreurs stratégiques ont pu être commises dans le passé, mais aujourd’hui la donne a changé. Tout un pays fait bloc pour cette cause...

*Nad Sivaramen de la Réunion