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Franco(caco)phonie
Malgré le ou en raison du forcing du Canada, il y avait un certain froid et pas mal d’incertitudes dans l’air à Madagascar. Ce n’était pas nécessairement en raison du décès de Fidel Castro si le XVIe sommet des chefs d’États de la Francophonie n’a pas connu le même rayonnement que le sommet de Dakar en 2014 (qui avait une autre ampleur et une autre dynamique, grandement en raison de l’élection controversée du secrétaire général). C’est, en fait, le mood général qui prévaut sur le continent africain et le monde plus largement. Un monde aujourd’hui en rupture.
Cela proviendrait des changements de régime politique aux États-Unis, en Europe, et en France (que François Fillon, qui a écrasé Alain Juppé lors de la primaire de la droite, veut redéfinir avec des valeurs ultra-libérales), en plus de l’alternance de pouvoir dans pas mal de pays en Afrique et la tentative de quelques dirigeants de rester au pouvoir en contournant la Constitution, des questions sécuritaires comme les crises au Burundi, au Gabon ou au Congo, et la rumeur persistante selon laquelle plusieurs chefs d’État auraient décidé de boycotter purement et simplement ce sommet. «Afin de ne pas recevoir de leçons de démocratie, notamment sur la Cour pénale internationale, ou les droits de LGBT», laisse-t-on comprendre dans certains milieux diplomatiques africains.
Ils n’étaient que 12 chefs d’États sur la terre rouge de Madagascar (contre 19 à Dakar). Près d’une dizaine de présidents pourtant annoncés ne se sont pas présentés. Notamment le Guinéen Alpha Condé, le Malien Ibrahim Boubacar Kéita et l’Ivoirien Alassane Ouatera sans oublier Paul Biya du Cameroun et Joseph Kabila de la République démocratique du Congo.
Il se chuchote que Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville a voulu éviter revivre l’épisode de 2014 à Dakar où le président français François Hollande s’était laissé aller à une leçon de démocratie aux présidents africains qui «voudraient violer leurs Constitutions pour convenances personnelles». Le Pacte Brisé, ouvrage de Jean Claude de l’Estrac, retrace précisément les manœuvres «hollandaises» pour tuer la candidature d’Henri Lopez au poste de secrétaire général de l’OIF, cette année-là, au profit de la Canadienne Michelle Jean.
Autre absence remarquée, celle de Mohamed VI. Bien que présent à Madagascar dans le cadre de sa tournée de lobbying pour réintégrer l’Union africaine, le souverain marocain ne s’est pas présenté au sommet. Prévu parmi les orateurs, le roi du Maroc s’est fait attendre.
Compte tenu de ces absences africaines, malgré la présence remarquée du Canada, dont la jeunesse de son dirigeant contrastait avec l’âge des autres, notamment avec SAJ, l’on pouvait ne pas s’attendre à grand-chose de la Déclaration de Tana.
Sous le thème principal «La Croissance partagée et le développement responsable», le sommet a débouché sur un appel en faveur d’une meilleure coopération, notamment contre le terrorisme. Les résolutions finales encouragent «le partage ou la diffusion des programmes de déradicalisation» dans les pays de la Francophonie. Le terrorisme est lié, a-t-on observé, aux vagues migratoires (dont les causes profondes doivent être solutionnées) et à la nécessité d’une justice internationale. Pas uniquement au profit du Nord au détriment du Sud.
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C’est précisément sur la Cour pénale internationale (CPI) que s’est appesanti le président du Sénégal Macky Sall, qui a regretté le retrait de l’Afrique du Sud de la CPI le 20 octobre 2016, celui du Burundi le 27 octobre et de la Gambie. La voix raisonnée de Sall, devenu pour beaucoup le nouveau phare de l’Afrique de l’Ouest, a exhorté l’Union africaine et les autres pays africains à ne pas quitter la CPI, un organe essentiel pour l’Afrique : «Je suis un afro-optimiste. Et je souhaite aussi que l’Afrique soit respectée dans ce qu’elle est. C’est-à-dire que, aujourd’hui, l’Afrique a fait un effort dans la démocratisation, il ne faut pas qu’il y ait une perception d’acharnement contre nous, notamment de la part de la CPI…» Ce phénomène qui s’apparente à un Brexit africain ou «Afrexit», est sans précédent dans l’histoire de la justice pénale internationale.
La CPI demeure la première et la seule juridiction permanente et universelle, soit la pièce maîtresse de la justice pénale internationale. Établie en 1998 par le Statut de Rome (en vigueur en 2002), la CPI a pour mandat de poursuivre les personnes accusées des crimes internationaux les plus graves : génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, comme ce qui se passe au Burundi. Mais l’Afrique ne doit pas être l’unique continent dans son viseur !
La francophonie, même si elle est en perte de vitesse et de repères, demeure un outil international intéressant et alternatif qui veut «être aux côtés des peuples qui se battent pour leurs aspirations à des élections libres et transparentes». Mais est-ce que le roi du Maroc, Ali Bongo, SAJ, et autres consorts entendent cela …
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