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PROSECUTION COMMISSION: L’EXCÈS DE VITESSE SÈME LE DOUTE

18 décembre 2016, 09:26

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Ma mémoire me joue, peut-être, des tours, mais je ne me souviens pas d’une telle flambée de commentaires sur un projet de loi dont on ne connaissait, à vendredi soir, strictement rien !

Avant vendredi. on pouvait seulement supputer, spéculer. Ainsi, la ‘Prosecution Commission (PC) pouvait alors être une initiative qui ajoute de la valeur, car toute institution et tout fonctionnaire de l’État devraient avoir des comptes à rendre sur les décisions qu’il prend dans l’interêt public. 

Mais cette PC pouvait aussi être un terrible instrument totalitaire visant à contrer le DPP, a émasculer son indépendance décisionnelle et, pire, tenter de soumettre le judiciaire aux influences du politique.

Comment alors savoir ? Tout dépendait des motivations de ceux qui pilotaient ce projet de loi vers le Parlement et les vraies motivations, en l’absence des textes, ne pouvaient alors que faire l’objet de… procès d’intention ! 

Sans avoir vu les textes précis, il nous était impossible de préciser les motivations réelles du gouvernement dans cette initiative, mais trois grandes raisons ont été évoquées jusqu’ici pour expliquer ce projet qui demandera, évidemment, une modification de la Constitution elle-même.

 

 

  1. On a évoqué le principe éminemment raisonnable que tout décisionnaire doit être “accountable” et doit des comptes sur ses décisions. La transparence est à encourager, surtout dans un pays encore dépourvu d’une Freedom of Information Act !
     
  2. On a aussi suggéré que c’était en réaction aux décisions du DPP de ne pas poursuivre Navin Ramgoolam dans 9 des 11 affaires que ses adversaires politiques lui ont reprochées jusqu’ici (il reste bien entendu, l’affaire du coffre-fort et des délits potentiels de ‘Money Laundering’).
     
  3. Finalement, on a aussi proposé que la motivation première du gouvernement était, d’une manière ou d’une autre, d’avoir un outil de plus pour éviter qu’un appel éventuel du DPP au Privy Council ne puisse être mené jusqu’au bout dans l’affaire Medpoint – ce qui gênerait considérablement les aspirations de Pravind Jugnauth sur le plan politique, évidemment, en retardant ou en rendant impossible son accession au poste de PM.

 

Prenons, si vous le voulez bien, ces trois possibles motivations, une à une.

Pour la première, si depuis le jugement Mohit du Privy Council (2006), on peut par « judicial Review”  s’attaquer à  n’importe quelle décision du DPP, on ne peut, semble-t-il, en aucun cas justifier la Prosecution Commission de cette manière-là, sauf que la PC ouvre la voie à bien moins de délais.

Pour la troisième, puisque le DPP a déjà demandé à la Cour suprême la permission (“leave” ) pour faire appel du jugement de cette même Cour suprême au Privy Council dans l’affaire Pravind Jugnauth/Medpoint ; que peut donc considérer une éventuelle Prosecution Commission ? Cette commission pourrait-elle oser questionner et, éventuellement, enlever au DPP le droit de demander l’avis de notre tribunal d’appel final, le Privy Council, sur un sujet aussi fondamental que ce qui constitue un conflit d’intérêts sous la section 13(2) du Prevention of Corruption Act ?  Le “back dating”  de 36 mois indique que c’est légalement faisable, mais est ce que les trois membres de la PC, nommés par la présidente de la République “in accordance with the advice”  de la Legal & Judicial Services Commission pourraient risquer leur réputation sur cette question, en bloquant la demande du DPP  d’être entendu par ….des juges en fonction ? Un tel scénario me paraît bien improbable. Si on en arrive à cela, c’est le judiciaire lui-même (à travers ses anciens) qui aura basculé et il ne sera peut-être plus possible de discuter ….ou d’écrire librement.
 

 

Reste le scénario numéro deux, soit celui relatif aux poursuites contre Navin Ramgoolam. Y a-t-il des possibilités que les dossiers à charge permettaient une poursuite crédible ? Nous n’en savons rien, mais notons cependant que le DPP, qui doit être un homme libre dans ses opinions professionnelles, est sûrement conscient que, portant un patronyme qui est politiquement « mouillé » ,il suscite inévitablement  des commentaires quand il prend des décisions sur des notables politiques . Ayant déjà pris l’initiative d’expliquer certaines de ses décisions, dans des communiqués à vocation pédagogique, alors qu’il n’y était pas obligé (la dernière en date, dans le cas Vicram Bhunjun/Betamax) il aurait clairement eu intérêt à expliquer son raisonnement dans les cas concernant Navin Ramgoolam ! Or, il ne l’a pas fait (même si ses officiers l’ont sommairement dit dans un jargon technique devant les magistrats en Cour) … ce qui n’aide pas. Mais on peut encore croire que les dossiers étaient “vides”  légalement ou très mal ficelés (ce qui arrive souvent !), car dans le cas contraire, quelque homme de loi proche du pouvoir aurait déjà fait cas publiquement du contraire et aurait ainsi au moins suggéré le parti-pris du DPP.  Une telle initiative aurait alors sérieusement décrédibilisé ce dernier et donc évoqué sa démission, car un poste constitutionnel comme celui-ci ne tient que parce son responsable demeure suffisamment crédible aux yeux du public et du judiciaire ! A défaut, le commissaire de police et son avocat du privé aurait déjà demandé une “Judicial Review” dans un cas ou dans l’autre, puisque c’est permis, selon le Privy Council, depuis le cas Mohit ? On n’a rien vu venir à ce niveau-là,…. sauf la Prosecution Commission, à l’évidence.

Alors, pourquoi cette Prosecution Commission, en fin de compte ? 

Pour plus de transparence et pour s’assurer que même le DPP soit redevable d’expliquer ses décisions, sans les lourdeurs d’une « Judicial Review « ? Peut-être bien ?

Cependant la précipitation est mauvaise conseillère dans les circonstances présentes et le gouvernement ne peut pas justifier de voter cet amendement constitutionnel important  lors de la      séance actuelle, en pleine semaine de festivités, alors que les esprits sont souvent ailleurs et en         donnant très peu de temps aux arguments et aux débats, si elle ne veut pas susciter des doutes ….
 

 

 

Le Communiqué du Prime Minister’s Office est public depuis vendredi après-midi seulement. Apres l’amendement du POTA en 4eme vitesse, il revient à nos dirigeants de laisser débattre de la question, avec sérénité et en toute quiétude jusqu’à la séance parlementaire de mars 2017. Un vote précipité plutôt qu’une invitation à l’opinion publique et aux spécialistes à un débat calme et éclairé où le gouvernement, du haut de sa majorité de ¾, pourra expliquer et convaincre, va inévitablement générer des doutes et alimenter les caisses de résonance des oppositions stériles.

 Ce qui ne va pas aider le pays !   

On ne se trompe pas, la ? C’est bien le pays dont on veut le bien, non ?