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2017
2 Il y a un fauteuil et deux Jugnauth. Le père, octogénaire, s’est dit trop vieux pour continuer la route jusqu’au bout (même s’il souhaite que – ce qu’il reste de – l’alliance Lepep aille jusqu’au bout). Le fils, malgré ses cheveux blancs, est trop novice pour accéder à la fonction suprême du pays, surtout sans la validation de l’électorat. S’il persiste dans cette voie monarchique, son avenir politique pourrait être compromis par la suite. Qu’on soit fan des Jugnauth ou pas, qu’on travaille sous eux ou pas, ce tandem «papa-piti» demeure, pour l’heure, le power couple de la politique locale. D’aucuns ont essayé et essaieront de semer la zizanie entre les deux Jugnauth – on parle même des clans «SAJistes» et des «Pravinistes» – mais force est de constater que personne, au fond, ne peut vraiment connaître l’arrangement convenu entre eux deux, par exemple lors d’un dîner familial de réveillon, à l’heure du toast. C’est pour cela que, malgré les vociférations des oppositions désunies, malgré la façade d’un regroupement des forces éparpillées, les Jugnauth demeureront, en 2017, les maîtres de l’échiquier, ayant tous les leviers du pouvoir en main, même s’ils ont perdu, pour l’heure, la majorité des trois quarts. Il reste encore environ trois ans pour cette présente législature – et les Jugnauth ne sont manifestement pas prêts à perdre le pouvoir, certainement pas au profit de Ramgoolam. Depuis 2014, c’est devenu une guerre sans merci entre ces deux dynasties qui nous gouvernent, à tour de rôle, depuis notre indépendance. Et les deux camps n’ont pas vraiment le choix : ils doivent se présenter comme des hommes de dialogue et de raison. Des démocrates quoi !, qui se sacrifient pour notre démocratie, dont ils disent tous être les sauveurs patentés !
0 Freedom of Information Act, 0 réforme électorale, 0 loi sur le financement des partis politiques, 0 eau 24/7, 0 MBC moderne et indépendante. Les promesses de Lepep pour changer la démocratie et démocratiser le jeu électoral sont comme celles du régime Ramgoolam : des tables rondes, que le peuple emprunte comme les ronds-points qui jalonnent nos autoroutes, en tournant en rond. Gageons que Navin Ramgoolam, dont le message de fin d’année 2016, sur fond de musique douce, et ponctué d’un touchant «Veena et moi, on vous souhaite…», va tout faire, cette année, pour réécrire son histoire personnelle, pour démontrer qu’il n’est pas pire que les Jugnauth. Les charges contre lui qui tombent, entre autres, en raison de l’incompétence des enquêteurs, de l’empressement avec lequel les dossiers ont été montés, et d’agendas politiques apparemment, réhabilitent son image, petit à petit. Le leader du PTr laisse aux vestiaires les reproches adressés à son Prime Ministership (2005-2014), et reprend son manteau de rassembleur de loups et de moutons. C’est son secret : «Nuvin» a conservé un humanisme et une urbanité qui continuent à désarmer bon nombre de nos citoyens. Il sait mettre en avant sa longue expérience – longue comparée au novice Pravind, son challenger direct – et la variété de ses contacts personnels qui lui donnent un rayon d’action qui peut être, en effet, utile au pays. Mais est-ce que le peuple peut/veut vraiment oublier sa fin de parcours désastreuse (ce qui a porté Lepep au pouvoir) ? Un homme qui a tenté d’asphyxier la presse libre et indépendante peut-il redevenir un démocrate ?
1 projet de loi – en l’occurrence le Prosecution Commission Bill – va encore occuper l’actualité cette année. SAJ maintient que le DPP ne fait pas partie du judiciaire mais de l’exécutif et, de ce fait, comme chef de l’exécutif, il n’entrave aucun principe de séparation des pouvoirs. D’autres estiment que le DPP est devenu une cible parce qu’il est considéré comme un proche de l’ancien régime. D’autres encore avancent qu’il a prêté le flanc. Le tug of war entre les deux camps risque, ni plus ni moins, de couper le pays en deux– tellement l’enjeu est grand, politiquement. Il concerne, dans une large mesure, l’avenir politique de Pravind Jugnauth (le case devant le Privy Council) et les affaires relatives à Navin Ramgoolam (durant les 36 derniers mois, pour reprendre la for- mule de rétroactivité proposée par Xavier Duval, responsable du comité ministériel s’étant penché sur le projet de loi controversé et controversable).
7 Outre les Jugnauth, qui sont bien installés au sommet de notre microcosme politique, il y a pas moins de sept leaders politiques à suivre cette année, même si leur parti ne pèse pas bien lourd. 1) D’abord le nouveau leader de l’opposition, qui a été au pouvoir, sous Ramgoolam puis sous Jugnauth, consécutivement durant ces 11 dernières années. Ses zigzags vont se poursuivre. 2) Il y a l’ancien leader de l’opposition - qui, lui, ne veut ni de Ramgoolam ni de Jugnauth, et qui, du coup, se prépare pour aller seul contre tous. 3) Navin Ramgoolam (qui rêve de prendre sa revanche sur l’histoire et sur les Jugnauth). 4) Ivan Collendavelloo qui doit sérieusement repenser son désir de réunifier la famille militante, puisqu’en cas d’alliance MSM-MMM, il risque d’avoir à mettre de l’eau dans son vin vitriolique – car son parti n’a pas de poids électoral pour dire le moins. 5) Alan Ganoo, avec son MP, qui pourrait rééditer son exploit de devenir un «ministre indépendant». 6) Un éventuel leader parmi les cinq indépendants du Parlement. Et 7) une personne ou groupe qui pourrait cristalliser la formidable force électorale que constituent les indécis (37 % de l’électorat !) depuis plusieurs années déjà.
À mi-mandat électoral, 2017 sera donc une année cruciale à bien des égards. Aujourd’hui, demain et jusqu’à ce que ça change là où ça doit changer, le véritable enjeu politique demeure la méritocratie et le véritable enjeu économique est l’impartialité. Alors, ne perdons pas des yeux l’essentiel, à cause des zigzags des uns et des autres, surtout les plus opportunistes d’entre eux. Ils se reconnaîtront sûrement.
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