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Éducation : nouveau départ

9 janvier 2017, 07:22

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«L’éducation, c’est la famille qui la donne ; l’instruction, c’est l’État qui la doit», Victor Hugo

Saluons la persévérance et le courage de la ministre Leela Devi Dookun-Luchoomun pour sa réforme de notre système éducatif. Elle aura réussi à relever un défi jusqu’ici insurmontable par d’autres politiciens. Avec le lancement programmé de la “Nine-Year Continuous Basic Education”, la rentrée scolaire d’aujourd’hui marque, ni plus ni moins, un nouveau départ pour le pays et nos enfants.

Jusqu’ici l’État tolérait un système injustement compétitif, essentiellement basé sur le bourrage de crâne qui produisait trop d’écoliers-perroquets, souvent interdits de jeux ou de loisirs, et par conséquent, dépourvus d’esprit critique. Ce calvaire est enfin terminé, après maintes tentatives… Désormais, musique, théâtre, communication et natation feront partie du curriculum national.

Le CPE avait la vie dure. Les tirs groupés des pédagogues n’ont rien pu faire jusqu’ici. Un rapport de l’UNESCO soulignait, en vain, depuis 1991, que “the Masterplan on Education makes provision for a nine-year schooling for all children whether they pass the CPE or not”. Le plan de Kadress Pillay en 1998 ou, plus tard, la réforme avortée “Ending the Rat Race” de Steve Obeegadoo, en 2003, se sont aussi heurtés à des lobbies conservateurs qui encourageaient le statu quo. D’aucuns pensaient que le CPE favorisait certaines élites ou établissements et qu’il ne fallait pas changer la donne…L’éducation était ainsi devenue un outil de “reengineering social” pour une certaine bourgeoisie d’État qui veillait jalousement à ce que l’on ne rompt pas l’équilibre dans les établissements scolaires publics. Les enseignants, eux, ne protestaient pas car ils faisaient, tranquillement, leur beurre avec les leçons particulières qu’ils donnaient, loin des yeux de la MRA, dans leur garage – des fois jusqu’à 20 heures !

 

C’est désormais chose du passé – du moins sur papier. Pour que le changement soit traduit dans la réalité et dans son entièreté, l’esprit de la réforme doit être respecté à la lettre par tous : enseignants, parents et élèves. Souvent le changement de mentalité doit d’abord venir des adultes afin que la réforme puisse impacter sur nos jeunes. À cet égard, les propos de Jivita Bunwaree-Soobagrah, présidente de la Parents’ Teachers Association de l’école Sir Veerasamy Ringadoo (considérée comme une ‘star school’) sont rassurants : «Bien sûr, nous voulons tous que nos enfants réussissent académiquement. Mais on peut le faire en ayant un développement plus complet. C’est la culture des leçons dont il faut se débarrasser…»

Les 12 000 écoliers qui entament aujourd’hui leur Grade I – et non le Standard I – auront un examen au bout du cycle primaire : le Primary School Achievement Certificate (PSAC). Le système doit encore faire ses preuves, mais il est manifeste que la compétition atroce qu’on plaçait sur les épaules des enfants de 10-11 ans va diminuer – même si elle ne va pas disparaître. La bonne nouvelle c’est que le PSAC comprendra une formule d’évaluation continue (qui comptera pour 40 %) – et la compétition sera sur une base régionale. Aussi, l’Early Support Program va permettre de déceler les cas difficiles dès le Grade I, avec cette promesse “no child left behind”.

Comme pour toute réforme de cette envergure, en dépit des campagnes de communication, les questions vont pleuvoir dans les prochains jours et mois. Il y aura du ‘fine-tuning’ à faire, des parents à rassurer.

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Si le challenge politique et celui de la remise à niveau des établissements (et de la construction de salles appropriées afin d’enseigner les nouvelles matières) sont relevés, il restera encore un aspect, peut-être le plus sensible, à régler. Celui des mentalités qui doivent évoluer. Il faut arrêter de penser en petits et grands collèges, et lutter contre les préjugés selon lesquels tout le monde doit suivre une carrière strictement académique pour réussir dans la vie.

Certes, l’école demeure un ascenseur social, mais elle doit se décliner de plusieurs manières, de façon à répondre aux besoins d’une économie en évolution. En parallèle à la reforme éducative – qui était “long overdue” – il nous faut oeuvrer pour une revalorisation des métiers. La formation et l’emploi marchent ensemble. L’inadéquation des profils sortants de l’éducation nationale aux besoins de l’économie est souvent brandie pour expliquer la difficile insertion des jeunes sur le marché du travail. Pour résoudre l’équation, il nous faut une analyse du lien enseignement-emploi, afin de cerner la transformation continue de la structure d’emploi et, partant, tendre vers une relation coordonnée. L’objectif serait de mieux répondre aux besoins de notre économie pour améliorer la compétitivité de celle-ci.