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Drogues, mondialisation et colonisateurs

14 janvier 2017, 07:34

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Sonnons l’alarme ! Nous publions aujourd’hui un cahier spécial sur le trafic de drogues dures et ses ravages à Maurice. L’heure est grave. Les divers témoignages devant la Commission de la drogue, ces derniers mois, indiquent que nos institutions ne sont guère à l’abri des trafiquants et de l’argent sale qui circule et qui infiltre nos prisons, postes de police et le barreau. Tenez-vous bien : il y aurait une trentaine d’avocats et d’avoués dont les fréquentations assidues (du moins jusqu’à novembre 2016) aux prisons (de Beau-Bassin et de Melrose) soulèvent plusieurs interrogations légitimes. Pourquoi tous ces avocats (dont quelques avocats-politiciens) allaient pratiquement tous rendre visite au dénommé James Mukusa Kanamwanje, cet ex-prisonnier ougandais, condamné à perpétuité, mais qui a bénéficié d’une remise de peine ? La fréquence des visites et le grand nombre d’avocats qui se bousculent à la portière de la cellule intriguent, de même que les voyages de certains à Kampala, pour aller «rendre visite» aux parents de ce dernier…

À la suite des articles de presse sur leurs visites aux prisonniers-barons, les avocats ont soudain arrêté de s’y rendre, et se font désormais tout petits, discrets – leurs téléphones sont désormais en «off mode». Si l’on reconnaît aux hommes de loi le droit de défendre des barons de la drogue, force est de constater que plusieurs d’entre eux opéraient en dehors des «court proceedings», faisant du code de déontologie de la profession une triste farce…

Outre des hommes de loi, il y a aussi des policiers, jugés discrets, comme Hureechurn et Joly, qui se seraient laissé tenter par l’appât du gain facile et malsain, tout comme le «State Witness» Ashish Dayal, qui a profité de l’immunité, accordée par l’État, pour continuer, voire intensifier, le trafic d’héroïne. Sa récente arrestation prouve aujourd’hui que «Gro Derek» n’était, en fait, qu’un «petit poisson» par rapport au baron qui emploie Ashish Dayal, notamment le dénommé «Very Good», qui festoie, à la prison centrale, en compagnie d’autres barons de la drogue, qui travaillent dans l’ombre, alors que leurs comptes bancaires offshore continuent à grossir…

Il y a quelques semaines, des diplomates et des représentants des gouvernements du monde entier se sont réunis à New York pour débattre sur le problème mondial de la drogue. Le «texte final» adopté lors de cette Session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU exhorte les pays à «prévenir et combattre» la criminalité liée aux drogues et à «empêcher la culture, la production, la fabrication et le trafic illicites» de la cocaïne, de l’héroïne, de la méthamphétamine et des autres substances interdites. Pour cela, il faudrait une stratégie.

Cependant, la réalité est implacable. Selon les données de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), l’approche actuelle, axée sur la diminution de l’offre et la répression, est totalement inefficace. Dans son rapport annuel mondial sur les drogues, publié en mai 2015, l’UNODC démontre que, malgré les millions de dollars alloués à l’éradication des cultures illicites et à l’arrestation des trafiquants, «de plus en plus de personnes dans le monde se défoncent !» (Sic). C’est le propre de la mondialisation. C’est ce que les Américains appellent «the dark side of globalisation». Ainsi les avancées de la technologie, du transit et du transport ont amélioré la vitesse et l’efficacité de l’économie mondiale. Elles amènent également la même efficacité au commerce des réseaux de trafiquants.

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La suite des auditions de la Commission Lam Shang Leen risque d’être épique pour le MSM. Nombre d’hommes de loi qui seront convoqués (dans une quinzaine de jours) sont proches ou se disent proches de sir Anerood Jugnauth ou du Sun Trust. Dans le cas d’au moins trois d’entre eux, cela risque d’éclabousser le gouvernement. Un gouvernement déjà miné par les secousses post-PMSD et la guéguerre de fauteuils et de colliers au sein des municipalités ou des ambassades. Où l’exit forcé des Bleus des mairies contraste singulièrement avec la sortie auto-qualifiée de démocratique et effectuée, supposément, en raison du Prosecution Commission Bill. Au lieu de s’agripper aux maigres pouvoirs locaux, le PMSD gagnerait à s’inspirer de la vitesse d’exécution du leader du MMM pour libérer les fauteuils mairaux – puisque cela relève de la même logique du nombre. Ou peut-être que ce n’est pas qu’une logique mathématique immuable, mais davantage, pour le PMSD, une appréciation de la démocratie à géométrie variable…

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À l’heure où notre pays semble subir les contrecoups du Foreign Office britannique, il est à souhaiter que ceux qui nous gouvernent se mettent, enfin, au diapason des changements politiques déjà en cours en France (où le Front national est déterminé à ne pas lâcher Tromelin), en Grande-Bretagne (avec le positionnement ferme de Theresa May), dans le reste de l’Europe (avec la poussée de l’ultranationalisme), et surtout aux États- Unis (eh oui ! Trump est désormais une réalité avec laquelle il nous faudra conjuguer)…

Face aux Goliaths qui nous encerclent, notre pays doit avoir une politique étrangère remise au goût du jour et rendue plus cohérente. Pour cela, il faudrait savoir où commence et où s’arrête notre politique étrangère, à l’heure de la diplomatie commerciale et économique, de la diplomatie des droits de l’homme, de la diplomatie de l’environnement, etc. Quelles contraintes pèsent sur les décideurs locaux par rapport aux décisions prises en Europe, par exemple à l’expiration du Protocole Sucre ? A-t-on les ressources non seulement matérielles mais aussi morales qui nous permettent de discuter sur un pied d’égalité avec une «grande nation» ?

Il faut se rendre à l’évidence : de moins en moins de décisions se prennent à l’aune de l’intérêt national (quel est sur tel ou tel dossier l’intérêt de notre pays ?). Le concept d’intérêt national est devenu flou, évanescent. On sera mieux avisé d’évoquer les «valeurs» qui fonderaient la politique étrangère de Maurice que ses «intérêts». La référence souvent faite aux «Droits de l’Homme», abstraitement définis, a quelque peu relégué à l’arrière-plan l’intérêt du pays. «Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités.»

Un dernier mot, il faut sérieusement suivre le scrutin rodriguais. L’opposition réunifiée, avec le tandem Von-Mally–Roussety, viendra-t-elle à bout de Serge Clair ? Si oui, aussitôt cet objectif atteint, vont-ils pouvoir gouverner ensemble ? Au-delà du contexte politicien, il importe pour Maurice de comprendre pourquoi certains Rodriguais nous reprochent toujours notre ton de colonisateur ! Cela peut aider pour riposter, à notre tour, contre nos anciens colons, les Français et les Britanniques…