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Emplois

15 janvier 2017, 09:50

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Décidément, M. Donald J. Trump aime bien le sensationnel et le fait d’avoir été élu et de devenir, dans seulement cinq jours, l’homme le plus important du pays le plus puissant de la planète ne semble ni l’assagir, ni le bonifier ! Ça promet ! 

À titre d’exemple, lors de sa première conférence de presse depuis des mois, M. Trump s’avance pour affirmer que le VRAI chiffre de ceux qui veulent un emploi aux États-Unis n’est pas de 5,5 millions (taux de chômage d’environ 4,6 %), mais de… 96 millions ! Ce faisant, il jette le doute sur les statistiques nationales et, en passant, sur le bilan de création d’emplois d’Obama de 14 millions d’emplois, pourtant réalisé à la sortie de la grave crise de 2008-2009. Textuellement, il disait ceci : “There are 96 millions wanting a job and they cannot get one… That’s the real number!” 

C’est faux et il n’a rien compris ! En fait, il y a 96 millions d’Américains de plus de 16 ans qui ne font pas partie de ceux qui travaillent, ce qui n’est pas du tout la même chose puisqu’ils ne veulent pas, tous, travailler. En effet, de ces 96 millions, un peu plus de 90 millions de citoyens américains sont soit retraités, soit à l’école , soit à l’université, soit malades à long terme, soit gèrent leur foyer… En d’autres termes, ils ne font pas partie du marché du travail et s’il est vrai que le taux de participation de la main-d’œuvre a baissé de 2,5 % (ce qui aide le taux de chômage), cette tendance baissière date, selon CNBC, du mandat de Bush et est largement réelle, notamment avec les «baby-boomers» retraités qui quittent, plus rapidement que les nouveaux entrants n’entrent, sur le marché du travail.

La volonté de peindre la situation actuelle en noir, afin de mieux se présenter comme le Zorro de la création d’emploi, pourrait, en outre, lui coûter cher. En effet, s’il réussit, à travers sa politique fiscale et ses menaces faites aux compagnies qui veulent s’installer à l’étranger, à faire ouvrir plus d’usines aux États-Unis, il faudra bien trouver des ouvriers pour y travailler ! Or, les demandeurs d’emploi ne sont qu’à 4,6 %, ce qui est faible, n’ont pas toujours les aptitudes recherchées par l’employeur (qui peut aussi souvent choisir, à la place, un robot !) et M. Trump veut, en même temps, renvoyer les émigrés illégaux chez eux ! Son seul espoir dans cet exercice de quadrature de cercle ? Augmenter le taux de participation de la main-d’œuvre et ramener le goût de l’emploi… chez jusqu’à 96 millions d’Américains !

Pendant ce temps-là était publié chez nous un communiqué édifiant de la Public Service Commission et de la Disciplined Forces Service Commission qui donnait froid dans le dos, sachant que notre taux de chômage a officiellement baissé de 7,9 % à 7,5 % en 2016, entre autres, parce que, comme aux États-Unis semble-t-il, ceux qui se déclarent économiquement actifs (combien abandonnent au bout d’un certain temps ?) sont moins nombreux.

 En effet, ce communiqué établissait le détail de 1 100 postes vacants dûment remplis entre octobre et décembre 2016, ainsi que le nombre effrayant de postulants pour ces postes, soit 59 443, un chiffre qui est largement au-dessus du nombre de chômeurs à l’officiel, soit 43 100 à mi-2016 !

 Comment est-ce possible ? Il est évidemment faisable que quelques milliers parmi les plus désespérés de ces postulants aient brigué plusieurs emplois à la fois pour mettre toutes les chances de leur côté. Il est aussi possible que d’autres postulants aient déjà un emploi et postulent parce qu’ils veulent d’un travail mieux payé, exigeant moins d’eux ou plus dans leurs cordes. Car, une des réalités de cette dernière décade est, qu’à la faveur de divers Pay Research Bureau, beaucoup d’emplois du gouvernement paient maintenant mieux que le privé, surtout au bas de l’échelle salariale, ce qui, ajouté au minimum, à une perception que le travail de l’employé public est moins exigeant, mène beaucoup d’employés du privé à migrer vers les services publics. Un des résultats de cette tendance ? Le secteur privé ne peut plus trouver de main-d’œuvre appropriée et doit en importer ! On parle surtout de la zone franche et de la construction, mais on trouve aussi de plus en plus de serveurs ou de cuisiniers, de vendeurs en magasin ou de gardiens étrangers dans notre île et ce phénomène ne saurait diminuer si les grands chantiers arrivent vraiment en 2017 et que le taux de croissance dépasse effectivement les 3,7 % de 2016 ! Ceci étant, il est peut-être, désormais, nécessaire de bien établir le profil de celui qui se déclare chômeur et de voir s’il peut effectivement aspirer au type de postes requis par les employeurs ou s’il y a un «mismatch» grandissant à combler entre l’offre et la demande… Avis donc au ministre du Travail, M. Soodesh Callichurn ! 

 

Une analyse plus poussée du communiqué révèle par ailleurs des épiphénomènes troublants. Qu’est-ce qui explique, par exemple, qu’il y ait 2  503 postulants pour un seul poste de «flight data officer» à l’aviation civile et 2 503 autres postulants (oui, le nombre est bien identique …) pour un seul poste aussi de «Statistical Officer» à l’Office national des statistiques, alors que ces deux postes ont l’air d’être plutôt spécialisés ? On peut mieux comprendre la logique des 1 414 postulants pour un seul poste de «female prison officer» (le taux de chômage féminin est plus fort que celui des hommes et le poste moins pointu) ou les 191 postulants pour trois postes d’«assistant operations officer – broadcast» au Parlement puisque, bien évidemment, ça doit être un «job» plutôt «pop» quand le Parlement ne siège pas, n’est-ce pas ! Mais comment ne pas s’inquiéter qu’il y ait 1 373 postulants pour deux postes d’huissier à la cour, 8 259 aspirants aux six postes de «management support officers» au ministère du service civil et 10 882 candidats désireux d’être retenus pour 272 postes de «trainee» en éducation holistique ? 

 Devrait-on, par ailleurs, être rassuré que nous ayons désormais 61 «nurses» de plus, spécialisées dans le traitement du diabète, et qu’il y ait 1 423 personnes désirant occuper six postes d’enseignants de mathématiques alors qu’ils ne sont que 28 postulants pour les cinq postes de professeur de tabla en lice ? Difficile de répondre ! Ce que l’on sait, par contre, c’est qu’avec notre taux de participation au marché du travail (58,6 % d’économiquement actifs, en 2014, selon la Banque mondiale) et la logique de Trump, nous aurions un problème bien plus conséquent, non pas de 43 100, mais bien… de 389 000 chercheurs d’emplois ! 

Raison de plus pour ne pas faire crédit au Donald.