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Au nom du père et du fils
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Au nom du père et du fils
D’abord, dans ce fracas d’actualités politiques et de micro-actualités politiciennes, où tout un chacun tend à dire tout et son contraire, précisons notre position par rapport à l’accession, hier, du cinquième Premier ministre de notre histoire. Légalement ou constitutionnellement parlant, le leader du MSM aurait le droit de s’installer au poste suprême. À nos yeux de profanes, la Constitution n’est pas claire dessus et les interprétations divergent. Ceux qui contestent cette transition, ou qui persistent à dire que la Constitution ne prévoit pas ce deal «papa-piti», feraient mieux de saisir la justice, et réclamer un «early trial», afin de dissiper le flou.
Un flou qui ne peut que compliquer le Prime Ministership de Pravind Jugnauth et, partant, maintenir ce climat d’instabilité politique qui n’est guère propice à notre développement économique. Notre propos n’est, donc, pas d’ordre juridique. Il s’insère davantage dans un registre éthique (pourquoi l’électorat n’avait pas été prévenu de cette transition entre les Jugnauth avant de voter en décembre 2014 ?), dynastique (pourquoi après deux Ramgoolam au PMO, nous avons un deuxième Jugnauth cette fois-ci ?), voire démocratique (dans un système politique où les patronymes de quelques-uns ont plus de poids que le mérite des individus, peut-on vraiment parler d’égalité des chances ?).
Nos nombreuses questions restent sans réponse jusqu’ici. D’autres s’ajoutent à la liste : pourquoi sir Anerood Jugnauth s’en va du PMO tout en restant au Cabinet ? S’il est en mauvaise santé, comme le veut la rumeur, comment pourra-t-il faire du «mentoring» tout en s’occupant des dossiers «Défense» et «Rodrigues» ? Comment peut-il plaider la carte du rajeunissement alors que l’âge moyen du Conseil des ministres passe de 55 ans (en décembre 2014) à… 58 ans (sous Pravind Jugnauth) ?
En tout cas, l’humeur massacrante de notre «Minister Mentor», quand l’express lui a posé des questions hier, ne rend service ni à son fils ni au Cabinet. Quand il insulte les journalistes de la presse libre et refuse de répondre aux questions basiques – en répliquant, aujourd’hui, «ou avocat ou ?» –, comme hier, il répondait «ou dokter ou ?», quand on l’interrogeait, durant la campagne électorale de novembre 2014, sur sa capacité à tenir, à son grand âge, la distance d’une législature de cinq ans… Manifestement pas. Ou peut-être était-ce, tout simplement, une ruse électorale, couplée à un héritage familial ?
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Cela se voyait depuis mai 2016. Pravind Jugnauth n’avait que faire de l’affection de Roshi Bhadain et de sa conception de «gouvernance». Alors que Pravind Jugnauth marquait son retour au Cabinet, en tant que ministre des Finances, Roshi Bhadain, qui, entre-temps, s’était rapproché (un peu trop ?) de SAJ, à qui il avait promis une Heritage City en moins de trois ans, a posé, de manière ostentatoire, un gros baiser sur le poignet du leader du MSM. Mais la main de Pravind Jugnauth était restée affligée, comme un refus de l’allégeance ainsi exprimée. Dès lors, l’on savait que les carottes de Bhadain étaient cuites, malgré sa campagne d’autopromotion sur Facebook et ses démentis. Comme membre du gouvernement, Bhadain avait, d’une part, une ambition démesurée (par rapport au reste du troupeau docile) qui ne pouvait que faire de l’ombre à Pravind Jugnauth et, de l’autre, il s’était fait beaucoup d’ennemis parmi ses propres camarades de parti ou d’alliance. Surtout après son attaque, dans l’affaire «Euro-Loan», contre Vishnu Lutchmeenaraidoo (récompensé aujourd’hui par une promotion d’une place dans la hiérarchie gouvernementale) et, plus récemment, après sa sortie pro-Megh Pillay à la suite du licenciement de ce dernier d’Air Mauritius par des Pravinistes, et, enfin, sa risible description d’Ivan Collendavelloo, qualifié de «sleeping Chihuahua». Au-delà de l’homme politique, qui risque de provoquer une partielle au no 18, ce départ de Roshi Bhadain rime-t-il avec la disparition de la «bonne gouvernance» au sein de Lepep ?
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Après l’exit du PMSD et de Bhadain, l’on se demande qui d’autre va quitter le navire Lepep ? Ce gouvernement finalement peu remanié sera soumis à de nombreuses pressions, sources d’instabilité, malgré le changement à la tête. C’est évident que le PTr, le MMM, le PMSD et le MP vont désormais tout faire pour renverser le gouvernement de Pravind Jugnauth. Si l’expérience parlementaire des Bérenger, Ganoo et Mohamed sera utile dès la rentrée de mars, les dossiers que Duval et Bhadain ont dû conserver de leur passage au gouvernement constituent des munitions de choix pour déstabiliser le pouvoir. Il faudrait, dans les prochains jours, s’attendre non pas à une accalmie, mais à une intensification des manœuvres politiques. Pravind Jugnauth a-t-il la poigne pour faire face à ses nombreux adversaires, ligués au sein d’une alliance objective ? Entouré d’une garde rapprochée au Conseil des ministres (Lutchmeenaraidoo, Sawmynaden, DookunLuchoomun, Seeruttun, Bholah et Jhugroo), il doit rassurer et convaincre qu’il n’a pas usurpé sa place. Il sera jugé à l’aune du nombre d’investisseurs, locaux et étrangers, qui prendraient le risque d’injecter leurs capitaux dans notre économie… afin de réaliser ce «second miracle» tant promis.
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