Publicité

De Donald à Pravind

1 février 2017, 09:41

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

 

Loin de nous l’idée de dresser un parallèle entre l’investiture de Donald Trump à la Maison Blanche et celle de Pravind Jugnauth au Bâtiment du Trésor. Toutes proportions gardées, l’accession de ces deux dirigeants a quand même un point commun : la contestation populaire qui a marqué leur investiture.

De mémoire collective, c’est la première fois qu’une passation de pouvoir, marquée par un exercice d’alternance politique aux États-Unis et un changement de locataire premier-ministériel à Maurice, se fait carrément dans la rue. À Maurice, certains osent parler de printemps mauricien. Certes, on est loin du printemps arabe et des séquelles politiques, avec son lot de morts, qui a fait fuir certains dictateurs. Mais la marche, qui se voulait noire, de vendredi dernier a eu le mérite de cristalliser un semblant de réveil de la conscience citoyenne dans le pays.

Exercice souvent associé à la sobriété depuis l’Indépendance, la consécration du fils de sir Anerood Jugnauth (SAJ) au poste suprême de l’État ne constituera pas, hélas, un moment charnière de la démocratie.

La population, admirative du charisme et du franc-parler de SAJ depuis les élections de 1982, saura faire la différence quant à l’action, le bilan gouvernemental et la poigne de Pravind Jugnauth le moment venu.

Avoir de l’ambition politique est certes un droit légitime, mais être à la hauteur pour imprimer son propre style et refuser d’être le fils de son père pour réclamer une accession au pouvoir est une autre paire de manche, voire un challenge redoutable.

Le challenge, parlons-en !

Après Vishnu Lutchmeenaraidoo, dont le miracle économique tant vanté pour faire «virer mam» en décembre 2014 n’aura été qu’un mirage, après SAJ et sa vision 2030, chaudement applaudie par les capitaines de l’industrie à BPML Tower, Jugnauth fils saura-t-il convaincre au poste de ministre des Finances ?

On a plutôt noté que, depuis le 29 juillet dernier, à l’exception de la mise en place d’une série de comités pour assurer le suivi des mesures budgétaires, Pravind Jugnauth n’aura été qu’un ministre des Finances en transition. Il avait les yeux plutôt rivés sur les marches qui mènent au Bâtiment du Trésor que sur les chiffres de la croissance qui, d’une année à l’autre, arrivent difficilement à franchir la barre psychologique de 4 %. D’autres indicateurs sont toujours à la traîne : taux d’investissement bas, exportations en baisse, chômage des jeunes en hausse et faible croissance de la consommation.

En deux ans de l’alliance Lepep, le pays aura connu trois ministres des Finances et se prépare allègrement à connaître un quatrième. Car on voit difficilement Pravind Jugnauth partageant ses deux lourdes responsabilités, alors qu’il aura prioritairement à prouver que le nouveau costume qu’il endosse n’est pas lié à son patronyme. Déjà, ses premiers pas au Government House soulèvent de grandes inquiétudes. L’histoire retiendra que c’est sous l’ère Pravind Jugnauth que le parti au pouvoir a tenu une réunion de son Politburo à l’hôtel du gouvernement. Comme dirait l’autre, «gouvernman dan nou lamé…»

Par ailleurs, gouverner un pays avec 71% de la population (sondage Synthèses/Sentinelle) contre vous, relèvera d’une véritable gageure. Et c’est là où on verra si l’homme a vraiment du cran.

En outre, d’importants défis se dressent sur la voie de Maurice avec le Brexit, la nouvelle politique protectionniste de Trump et les enjeux géopolitiques de la région avec la Chine et l’Inde entrant dans une logique de confrontation.

Jugnauth fils et son équipe économique seront- ils à la hauteur pour cerner ces problématiques de l’heure et donner l’impulsion nécessaire au développement du pays, tout en encaissant des coups d’une mobilisation populaire grandissante ?

Les prochains mois seront déterminants.