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Rodrigues : clash générationnel

12 février 2017, 07:34

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ÎLE SUFFOQUÉE. L’air chaud vous agresse dès votre descente d’avion, à Plaine-Corail. Il fait bien plus chaud qu’à l’île Maurice. La terre brûlée et sèche irradie cette chaleur insupportable. Quelques touristes, venant d’Afrique du Sud, abrutis par la chaleur, puis par les conversations animées des douaniers et policiers par rapport au scrutin de demain (NdlR, aujourd’hui) ne comprennent pas pourquoi des draps en satin bleu recouvrent les bouteilles dans la boutique hors taxes. Ils ne sont pas intéressés par les biscuits de Hanoomanjee, encore moins par les élections régionales, ils voulaient juste acheter du Rum, pas des bouts de Sugar… Quelques drapeaux verts, d’autres blancs, se balancent sur les toits des maisons en pente. Des bêtes, attachées à des arbres dégarnis, recherchent, en vain, un peu de verdure. Elles restent impassibles devant les voitures qui défilent en klaxonnant, en remontant la rue de l’Autonomie. L’ambiance reste bon enfant, même si les gens paraissent anormalement pressés, presque préoccupés. Ça sent l’expectative.

AUTOSUFFISANCE OU OUVERTURE. La lutte est manifestement serrée entre le gardien de l’autonomie et de l’autosuffisance rodriguaises, Serge Clair, et l’équipe de l’alliance Von-Mally– Roussety, la nouvelle garde politique qui veut tourner la page sur les 40 ans de règne de l’OPR, et ainsi accélérer l’ouverture et la connexion de l’île au reste du monde. Ces trois leaders, aux styles et perspectives différents, n’ont pas de velléités indépendantistes – certes ils brandissent, de temps en temps, la menace, mais cela n’est pas dans leur programme, ni dans leurs discours. En revanche, un troisième bloc naissant, le MIR (Mouvement indépendantiste Rodrigues), souffle sur les braises de 1968, allumées par le PMSD d’alors… Ceux-là risquent d’adopter une position de repli ou de confrontation permanente. Comme ceux qui ne voulaient pas voir flotter le quadricolore à Port-Mathurin en 1968 et 1969. En raison des intérêts de certains politiciens qui prenaient le peuple pour des bêtes de pâturage…

EAU-TONOMIE. En raison de sa topographie, l’eau a toujours été et reste un problème aigu à Rodrigues. Sur la route, on voit des jeunes avec des seaux vides sur leur tête, à la recherche d’un des quatre camions-citernes de l’île. Pendant longtemps, les Rodriguais ont blâmé Port-Louis pour le manque de réservoirs et de camions-citernes, ou de projets d’envergure. Puis il y a eu l’avènement de l’autonomie en 2001. Et les Rodriguais ont cru en des lendemains meilleurs. Mais 16 ans après, le problème reste entier. Nous sommes en 2017, et dans un district de notre République, à cause d’une gestion catastrophique de l’eau, des enfants ne vont pas à l’école, des animaux meurent de soif, des légumes ne sortent pas de terre… Durant la campagne, des politiciens ont, à nouveau, évoqué des projets de captage ou de dessalement, qui sont, selon eux, des solutions toutes trouvées. Quel que soit le camp victorieux, la priorité des priorités devrait être l’eau. Sans elle, pas de développement économique, pas de vie, tout simplement.

RELANCER L’INVESTISSEMENT ET L’EMPLOI. À Rodrigues, beaucoup sont restés éleveurs et agriculteurs – une politique prônée par Serge Clair. Hormis certains qui ont trouvé une place dans les quelques hôtels, beaucoup ont choisi l’exode vers Maurice, faute de débouchés professionnels. Il existe plusieurs rapports qui évoquent l’inexistence d’un climat d’affaires et d’opportunités de retour sur investissement. Cela provoque d’autres problèmes à la chaîne : les jeunes désoeuvrés s’en vont, le système de formation professionnelle n’est pas développé, car il n’y aucun agenda développement durable.

CLASH DE GÉNÉRATIONS ET NÉCESSAIRE COHABITATION. Pour inverser la donne sur le plan démographique et culturel, il faut que le jeune Rodriguais ait enfin accès à l’Internet rapide, aux cours de formation pointus, des possibilités d’emploi autres que les métiers traditionnels qui ont atteint leurs limites. Il faudrait repenser Rodrigues et ses relations avec Maurice. L’heure n’est pas à cette réflexion. Pour l’heure, l’île est coupée en deux : OPR versus MR. Les frères ennemis vont s’affronter jusqu’au bout. Après les résultats, quels que soient les gagnants, l’idéal pour Rodrigues serait d’avoir une alliance de bonnes volontés. Cette alliance aurait dû réunir l’expérience d’un Serge Clair, le calme d’un Von-Mally et la fougue d’un Roussety. Les trois sont des patriotes incontestables. Est-ce trop leur demander d’oeuvrer ensemble pour les générations futures et pour le bien commun de notre République, au lieu de se donner des coups de sabre ?

Par Nad Sivaramen (de Rodrigues)