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CITOYENNETÉ EN PERSPECTIVE

19 février 2017, 07:31

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Dimanche dernier, sous le titre «CHECKS and BALANCES» nous avons souligné le rôle clé des institutions qui doivent être libres dans une démocratie qui se respecte, du devoir d’indépendance d’esprit de ceux à qui ces institutions sont confiées et, ayant proposé que le citoyen était le «check ultime», posions, à la fin, la question suivante : «Le citoyen ! 

Saura-t-il assumer ses responsabilités, celui-là ?» C’est, en effet, une question clé en démocratie et les avis sont partagés quant à la réponse.

 

D’aucuns pensent que la société civile est assez engagée comme cela, que son acceptation de l’invitation de Xavier-Luc Duval et de Navin Ramgoolam, un 

27 janvier à Port-Louis, pour protester contre papa-piti, que sa présence sonore dans les meetings du 1er-Mai, que les conversations libres (enfin ! certainement plus libres qu’à Pyongyang…) qui se tiennent dans les salons ou sous les varangues de boutiques, que les commentaires parfois impertinents, parfois vitrioliques que l’on retrouve sur Facebook ou sur «lexpress.mu», qu’une presse incisive, que des radios libres sont des preuves de démocratie vivante, d’un dynamisme certain, d’une prise de responsabilité adéquate.

 

D’autres pensent le contraire. Ils soulignent, notamment, que les adhésions de partis politiques sont faibles au point d’être pitoyables, ce qui facilite la mainmise des hiérarchies dynastiques, que le rassemblement, extrêmement rare, de même 25 000 personnes ne représente, après tout, que moins de 3 % du corps électoral, que les commentaires de blogueurs sur divers sites web sont encore moins nombreux et le seraient encore moins si les commentaires n’étaient pas anonymes, que les Phone-ins dans les radios sont passablement plus limités (parfois à certains !), que la MBC est une caisse de résonance, qu’il est plus facile de like que de s’exprimer de manière ouverte et structurée… Quand c’était la dernière fois que l’on a vu, à Maurice, une manifestation soutenue en faveur d’un principe ou en protestation d’un abus inacceptable, du style des manifestations qui ont fait chuter Nicolae Ceausescu en 1989 en Roumanie, où, 28 ans plus tard, en 2017, on peut encore mobiliser 500 000 citoyens dans tout le pays pour protester contre une loi qui va assouplir les peines contre la corruption ? Quel équivalent, chez nous, de la Révolution de la Rose, en Géorgie, en 2003, qui déloge Chevardnadze, ou avec la révolution du jasmin en Tunisie, en 2010-2011, qui fait fuir Ben Ali, ou avec le soulèvement du Burkina Faso en 2014 contre le projet de modification de la Constitution qui ambitionnait de prolonger le règne de Blaise Compaoré ? Aucun ! 

 

 

De mémoire d’homme, la plus grosse manifestation dans ce pays date de juin 1982, et rassemblait alors 200 000 personnes au Champ-de-Mars lors d’un meeting de remerciements du MMM-PSM qui venait de remporter, pour la première fois, 100 % des sièges aux élections. Les citoyens avaient alors volé au secours… de la victoire ! Les soulèvements pour Kaya (1999) et les grèves estudiantines (1975) doivent être vus avec d’autres lunettes. Il semblerait que les rassemblements demandant un peu plus de courage et d’abnégation sont plus difficiles à mobiliser. Qui se souvient de Kersley Augustin, 2 ans et demi, mort noyé dans une fosse septique mal sécurisée au Dockers Flats ? Un éditorial du Dr Forget s’insurgeait alors contre la négligence criminelle qui en était responsable et invita 10 000 personnes à se montrer le lendemain matin devant les bureaux du ministre responsable. Le rassemblement en regroupait peut-être dix fois moins, toujours les mêmes, de Henri Souchon à Freddy Appassamy. La messe était dite. Le citoyen mauricien s’engager pour une cause ? Peuchère…

Entendons-nous ! Les grandes causes de l’humanité, y compris celles qui, par la suite, paraissent «évidentes» n’ont jamais été, au départ, défendues ou promues par des majorités. L’abolition de l’esclavage ou le vote des femmes ont été, dans leur phase germinale, ridiculisés en leur temps ! C’est comme si l’humanité laisse d’abord, par défaut (sic !) flotter ses plus bas instincts (ou les intérêts des puissants du moment!) et qu’il est laissé aux minorités agissantes de démontrer que la civilisation peut et doit mieux faire. 

 

Mais nous ne parlons même pas, ici, de causes nouvelles, style LGBT ou drogues douces, mais de causes consacrées et établies, dont il s’agit de s’occuper, qu’il faut seulement soigner, afin de les conforter et/ou de les solidifier. La démocratie fait partie de ces causes-là et il faut espérer, malgré ses défauts et ses insuffisances, que l’ensemble de la citoyenneté soit déjà suffisamment convaincu de sa supériorité par rapport à toute forme de potentat, pour y apporter une attention au moins occasionnelle ?

 

Plusieurs courants suggèrent que même ce privilège démocratique si évident de la parole libre est négligée par trop de compatriotes, englués dans leurs problèmes personnels et tirant le diable par la queue ou, au contraire, obnubilés par l’ogre consumériste et la fascination du dieu Mammon. Et que l’on s’en fout… royalement, en fin de compte! Ce qui serait dramatique si c’était le cas ! Car on ne pourrait prendre alors la mesure de la valeur d’une démocratie vivante que quand elle aurait disparu ? 

Il faut se réveiller, pardi ! Car une démocratie, comme un mariage, un principe, un patrimoine artistique ou même une activité économique, cela peut aussi se perdre par négligence, qu’on se le dise !

 

***

Le monde est compliqué !

 

J’écoutais, dans la semaine, la conférence de presse de Netanyahu rendant visite à Trump à Washington. Pour tenter de justifier, par rapport aux Palestiniens, la revendication «préalable» des Juifs sur les terres d’Israël, il déclamait: «There are Japanese, because there is Japan. There are Chinese, because China exists. Similarly there are Jews where Judea stands». Il prononçait ces paroles aux états-Unis, dont les «first people» ne peuvent pas, que l’on sache, construire des colonies peaux rouges en territoire «occupé»… à Manhattan. Pourquoi donc? Parce que, tout Sioux qu’ils soient, ils ne peuvent imposer la loi du plus fort à l’état de «droit» qui a suivi… C’est ce que les Juifs conservateurs ont, par contre, pu imposer à l’état de droit, 2000 ans après les 12… tribus d’Israël !

 

Autre visiteur, autres considérations. Le Canadien Trudeau, grand libéral, sans complexe vis-à-vis du libre-échange, tant des marchandises que d’immigrants, dans un délicieux et habile babillage 

d’ironie face à son hôte Trump évoquait, quant à lui, les liens qui unissaient les deux pays, et se permettait même de souligner, en regardant du côté de Trump, les «ponts» qu’il fallait renforcer avec son grand «voisin du Sud»

Toujours des questions de perspective en effet !

Y compris pour la citoyenneté !