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La nouvelle posture du privé

22 février 2017, 10:30

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Loin de nous de faire un procès d’intention au secteur privé, plus particulièrement, à son instance suprême, Business Mauritius (BM) qui a amorcé un nouveau virage dans sa structure de fonctionnement.

Fruit d’une fusion entre le Joint Economic Council et la Mauritius Employers Federation en 2015, Business Mauritius se veut désormais être une force de propositions et agir comme un thinktank auprès du gouvernement.

Il n’a échappé à personne que cette nouvelle posture coïncide étrangement avec le changement de locataire au bâtiment du Trésor et, accessoirement, à la première rencontre officielle de Pravind Jugnauth avec les capitaines de l’industrie du pays.

Simple hasard de calendrier ou démarche calculée ? Le timing est discutable, alors même que la finalité de cette décision interpelle plus d’un. Est-ce vraiment l’expression d’un nouveau départ du partenariat gouvernement/secteur privé ? Les institutions du privé, souffrent, à des degrés divers et depuis plusieurs années, d’une crise de crédibilité. À trop adhérer au politiquement correct, leurs dirigeants sont devenus la caisse de résonance des gouvernements en place. Ils ont fini par développer un réflexe pavlovien : répéter, comme les politiciens, qu’à Maurice «tout va très bien, Madame La Marquise».

Il est d’ailleurs surprenant que, depuis la création du Joint Economic Council, aujourd’hui Business Mauritius, cette institution-phare du secteur privé n’a que très rarement émis de critiques à l’encontre des différents gouvernements en poste. Sauf, peut-être, en 1996 dans le sillage du Budget de Manou Bheenick et en 2007 dans le cadre de la réforme sucrière. On peut aussi mentionner la réplique de Business Mauritius l’année dernière face aux critiques de l’ex-chef de la Fonction publique, Satyaved Seeballuck, qui avait accusé le secteur privé de léthargie face à l’investissement.

Ces trois exemples ne suffisent pas, pour autant, à faire de Business Mauritius l’exemple d’une institution crédible, capable de marquer sa différence sur des sujets d’intérêt national. Cette institution n’est pas encore capable d’agir en contrepoids au pouvoir, de véritablement défendre l’intérêt de ses membres et de promouvoir la transparence dans les affaires et la croissance économique.

Pour preuve, le tandem Dalais/Makoond n’a pas levé le petit doigt pour défendre Megh Pillay quand ce dernier avait été éjecté, en novembre dernier, de son poste de CEO d’Air Mauritius par un Board aux motivations purement politiques. Personne n’a compris jusqu’ici comment, subitement, ceux qui se disent les «movers and shakers du Corporate World» avaient perdu l’usage de la parole quand il s’est agi de dénoncer cette dérive. Heureusement, certains sont montés au créneau, à l’instar d’André Bonieux qui a condamné cette démarche du Board de MK. Si cette posture silencieuse, pour certaines têtes pensantes du privé, n’est pas un comportement politiquement correct, cela y ressemble…

L’histoire retiendra qu’il aura fallu le passage d’un étranger à la tête du défunt JEC, en l’occurrence Jacques de Navacelle, pour que cette institution se fasse entendre, déclarant même la guerre à l’inaction du gouvernement. La suite, on la connaît. Navacelle s’est fait descendre par la garde rapprochée de Navin Ramgoolam. Mais, au moins, avait-il eu le courage de dire ce qu’il fallait.

Peut-on dresser un parallèle avec le MEDEF, l’équivalent de Business Mauritius en France, qui interpelle chaque jour les mesures économiques et sociales du gouvernement et même de l’opposition ; la dernière en date portant sur la dégressivité des allocations chômage du candidat Fillon ? On ne peut que souhaiter que ce nouveau virage de la principale institution privée du pays ne soit pas qu’un mirage. Que son CEO ne se comporte pas comme un fonctionnaire du privé, que les changements annoncés, dont trois commissions instituées, ne relèvent pas que de l’emballage… Car, en 2017, le pays n’a pas besoin d’un secteur privé à la botte du gouvernement.