Publicité
Obrigado, Sobrinho !
Paradoxalement, il nous faut remercier Álvaro Sobrinho. Avec son sourire charmeur, derrière ses lunettes de chercheur, l’Angolais, au physique carré de militaire, a mis à nu nos vulnérabilités institutionnelles. Elles sont à plusieurs niveaux et pour n’importe quel bandit de grand chemin, un tel paysage est un terrain fertile pour s’implanter et faire la lessive de l’argent sale – provenant des commerces de la guerre, des hydrocarbures et des pierres précieuses.
D’abord, nous avons une présidente qui veut bien faire – n’oublions pas qu’elle est la première femme à accéder à ce poste. Elle aime voyager, mais n’aime pas que l’État paie pour tous ses frais de déplacement. En revanche, elle dit (fièrement) ramener des millions de dollars dans ses valises pour le pays, n’hésitant pas à se comparer à des ministres. C’est vrai qu’en raison de son envergure scientifique, elle ne nous fait pas honte sur le plan international, contrairement à la plupart de nos ministres qui sont incapables de tenir un discours articulé, mais son flagrant manque d’expérience en politique fait qu’Ameenah Gurib-Fakim baisse trop souvent la garde. Et se laisse, ainsi, aborder par des opportunistes de tout acabit, qui profite de son Réduit. Sobrinho a compris qu’avec elle, il pouvait infiltrer le système, de l’intérieur, par la grande porte. Le cheval de Troie était entré dans l’écurie.
Ensuite, le gouvernement hétéroclite, en transition quasipermanente, pris par une succession de scandales (NTA, MedPoint, valse de transferts aux Finances, réforme électorale et Rodrigues, exit du PMSD et de Bhadain, biscuits Hanoomanjee, etc.). Réalisant qu’il ne pourra pas convaincre la Banque centrale de lui donner une licence bancaire – malgré tous ses projets philanthropiques et son soutien présidentiel – Sobrinho est passé à la vitesse supérieure et a activé ses puissants leviers pour contourner le gouverneur. À cet effet, il a utilisé à fond les divergences entre la Banque centrale, l’ancien ministre des Services financiers, le chairman de la Financial Services Commission (FSC) qui se trouve aussi être le Financial Secretary, le nouveau ministre des Finances, Pravind Jugnauth, qui voulait faire mieux que Lutchmeenaraidoo en termes de croissance économique et d’apports en investissements directs étrangers.
Sobrinho a agi vite, comme un stratège militaire sur un théâtre d’opérations. Aussitôt le projet de la licence refusé par la Banque centrale, celui-ci, par des raccourcis innommables, s’est retrouvé dans le discours de Budget et dans les amendements subséquents du Finance Bill de 2016 – proposés par Pravind Jugnauth (sur les conseils de Manraj ?) avant qu’il n’obtienne sa licence, en bonne et due forme, en septembre 2016. La FSC du tandem Bhadain-Manraj a ainsi fait un doigt d’honneur à la Banque de Maurice. Tout cela, in extremis, juste avant le clash entre Pravind Jugnauth et Roshi Bhadain… De quoi laisser perplexe, une telle vitesse d’exécution.
Et puis, il y a certains politiciens et leurs proches qui sont venus se remplir les poches et qui sont devenus des porteurs d’affaire à tout faire. Entre un contrat pour des biscuits, des bouteilles de whisky ou une signature pour faire avancer un dossier plus rapidement que les autres.
Sobrinho, qui pratique les gouvernements africains, savait qu’au sein de Lepep beaucoup ont compris que c’est «their time to eat». Alors, il a arrosé, à coups de millions et de voitures. Des hauts fonctionnaires ont aussi été choyés. Sobrinho a soudoyé les cercles du pouvoir, comme de l’opposition.
Au final, l’on ne devrait pas tarder à savoir si Sobrinho a de bonnes intentions ou pas. Va-t-il revenir se battre pour son honneur, pour son amie Ameenah, pour les étudiants mauriciens ? Ou va-t-il choisir, comme Dawood Rawat, l’exil ?
P.-S. : Il y a un proverbe angolais qui dit : «Les mouches ont peut-être changé, mais les ordures restent les mêmes !»
Publicité
Les plus récents