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Le prix de l’ingérence
C’est une véritable partie de roulette russe pour le secteur des services financiers. Pris en tenaille entre carences institutionnelles et ingérences politiques, ce moteur de croissance économique (5,7 % en 2016) retient son souffle à chaque fois qu’un scandale éclate.
L’affaire Sobrinho est venue mettre en exergue d’importantes failles dans notre dispositif de supervision et l’absence de coordination entre régulateurs. En clair, aucune leçon n’a été tirée de l’effondrement du groupe BAI. Pire, à voir le profil des principaux protagonistes dans le cas qui nous occupe actuellement, il ne fait aucun doute que l’histoire est en train de se répéter.
Il en sera ainsi aussi longtemps que les politiques continueront à interférer avec les institutions dirigées par des nominés à l’échine souple. Du coup, les régulateurs sont fragilisés et ils n’arrivent pas à exercer pleinement et efficacement leur mandat de garant de la stabilité financière. Ce qui ne manque pas de créer des cacophonies, pour ne pas dire des situations burlesques. En témoignent les procédures entourant l’octroi de permis à l’homme d’affaires angolais.
D’ailleurs, c’est le ministre de la Bonne gouvernance et des Services financiers lui-même qui avait questionné la décision de la Financial Services Commission (FSC) d’octroyer une licence à Álvaro Sobrinho alors que «la Banque de Maurice lui avait refusé» le fameux sésame. Or, quelques jours plus tard, soit après avoir laissé se répandre la perception, la Banque de Maurice est montée au créneau pour affirmer qu’elle ne s’est pas retrouvée en présence d’une demande formelle pour une licence bancaire.
Comme attendu, cette mise au point quoique tardive de la Banque centrale a été suivie d’une nouvelle déclaration du ministre des Services financiers. Non seulement il se rétracte, mais encore Sudhir Sesungkur estime désormais «qu’il est possible que la FSC fasse un due diligence en dix jours. Surtout si elle a tous les éléments en main, et si c’est un cas simple». évidemment, dans ce genre de situation, le bouc émissaire est tout trouvé : «C’est la presse qui a tout inventé».
Pour éviter de telles contorsions ministérielles, il est temps de poser le débat sur la structure régulatrice des services financiers. Y a-t-il trop de régulateurs pour une petite juridiction comme Maurice ? L’on se souvient que dans un récent passé, le Fonds monétaire international avait constaté une marge considérable pour améliorer la coopération entre la Financial Services Commission et la Banque de Maurice. Selon les experts de l’institution de Bretton Woods, une coopération active est primordiale entre les deux organismes. D’autant plus qu’ils ont la lourde responsabilité de veiller en permanence sur la crédibilité du centre financier mauricien. Il ne sert donc à rien de signer des protocoles d’accord s’ils ne sont pas appliqués.
Au vu des risques systémiques majeurs qui ont fait surface ces dernières années, la Banque de Maurice et la FSC gagneraient à faire cause commune et s’engager dans des «joint war games» à travers des exercices de simulation. Le but est de se tenir prêt à toute éventualité. Car il suffit d’une étincelle pour embraser tout ce qu’on a bâti depuis plusieurs décennies.
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