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Son honneur le metro,Un malheur ?
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Son honneur le metro,Un malheur ?
Mercredi 15 mars. Il est 10 h 20 quand, sur la nationale, à la hauteur de Sorèze, j’arrive dans un bouchon monstre, sur les trois voies menant vers Port-Louis. Ce n’est pas l’heure de pointe et ce bouchon est peu ordinaire. À 10 h50, quand on en sort, à l’autre bout, devant l’Aapravasi Ghat, nous n’avons croisé ni accident, ni berlines de ministres demandant droit de passage privilégié, ni même une manifestation quelconque.
Le lendemain, ça roulait venant du sud, mais le «bouchon» était, cette fois, sur l’entrée Nord, refoulant le trafic jusqu’au rond-point de Terre-Rouge !
C’est peut-être du marketing indirect pour justifier le Metro Express ? Le projet de travaux publics le plus important jamais considéré par le pays a été lancé, en grande pompe, le 10 mars. Ce qui est surprenant, c’est que les commanditaires d’un projet de Rs 17 milliards – qui peut bien dépasser ce budget par des sommes importantes, nous rappelle l’excellente série d’articles de Rama Sithanen dans «l’express», cette semaine – avec des coûts annuels qui pourraient ne pas être négligeables non plus en termes de remboursements de prêts, de coûts d’opération ou de subvention, sont à ce point avares de détails !
Il n’y a, pour cela qu’à lire les discours de Bodha (en très mauvais anglais !) et celui du PM (bien mieux !) le 10 mars, pour s’en convaincre Que sait-on à ce stade ?
Le projet est estimé à Rs 17 milliards. L’Inde nous a fait don de presque Rs 10 milliards. Il y aura 19 stations, 26 kilomètres de rail à plat et une trentaine de trains sur les rails à tout moment. On prédit un train chaque trois minutes. Pour le reste, il semble que l’on spécule beaucoup ou que l’on pioche, via l’Internet, les faits sur d’autres métros à l’étranger ou que l’on ne sait tout simplement pas. Le deuxième rapport singapourien commandité par le gouvernement (le premier a été déposé au Parlement le 14 août 2014) n’a pas été rendu public et fait, en quelque sorte, office de balise QS face aux deux firmes indiennes qui vont faire des offres, Afcons et Larsen & Toubro. La position officielle est qu’il faut attendre la soumission des propositions de ces deux firmes au 14 avril afin de ficeler le dossier, notamment sur le plan coût, montage financier et gestion. On comprend ! Il y a bien trop de volatiles en liberté à ce stade pour parler de projet maîtrisé…-- En l’absence d’un projet quantifié et détaillé, par rapport à ce que nous promet le ministre Bodha, il faut quand même à ce stade mentionner les paramètres suivants :
D’abord, c’est potentiellement plus dangereux de considérer des offres soumises par seulement deux firmes du même pays plutôt qu’un appel d’offres international, les risques oligopolistiques étant plus évidents. Remarquons cependant que la balise de Rs 17 milliards (des consultants singapouriens ?) permettra au gouvernement de tout saborder si les soumissions ne sont pas «dans les clous».
Deuxièmement, il est clair, comme rappelé par Sithanen, que la rentabilité financière de ce genre de projet est négative et qu’il faudra donc s’accrocher à des facteurs moins tangibles (écologie, impact sur le trafic routier, effets induits sur le développement, etc.) pour tenter de justifier le projet économiquement, en mode «Cost/Benefit». Le choix des facteurs retenus sera alors capital.
Troisièmement, il est en partie faux de dire, ayant reçu 9,9 milliards de roupies en don du gouvernement indien, que nous n’aurons pas au moins ce «coût» à supporter. Car il faut, en effet, aussi évoquer l’«opportunity cost» de ce montant, le point étant que ce don aurait pu être utilisé (Inde consentante…) pour un projet alternatif plus raisonnable et générant plus de «valeur ajoutée» nationale, ce qui aurait alors enlevé aux contribuables la charge de ce meilleur projet. Pour faire simple : on a reçu un don de 10 milliards, mais s’il est indéniablement mieux de l’utiliser pour le Metro Express que pour Heritage City, il eut peut-être été mieux encore de l’utiliser pour concrétiser la prochaine génération de soins médicaux et d’hôpitaux ou de développer le port !
Quatrièmement, il semble quelque peu aberrant de dépenser, à la fois, Rs 15,5 milliards dans un vaste programme de décongestion routière qui va favoriser les véhicules (bus, voitures, camions, motos) ET Rs 17 milliards dans le métro qui aura besoin de diminuer le trafic routier pour survivre. Ces deux options sont, au départ, contradictoires ! Pour tenter de rendre le métro plus attractif au public et donc plus viable, il faudrait rendre les routes plus inconfortables, les voitures et l’essence plus chères, le parking plus onéreux…
Cinquièmement, si le projet du métro est convainquant, au vu de toutes les remarques et considérations ci-dessus, il faut sûrement se dire que l’on ne pourra, en même temps, accommoder TOUS les «intérêts» actuels de l’industrie du transport par autobus, ne serait-ce que parce que ce faisant, on en rajouterait encore aux coûts d’exploitation du métro! On ne peut faire d’omelette sans casser quelques œufs ! Ainsi va la vie. La voiture a, en son temps, tué la calèche et détruit l’emploi de ceux qui ramassaient le crottin de cheval en ville. Le vrac et le container ont pris le relais du docker avec son sac sur le dos. Le Metro Express ne peut être sans conséquence pour l’autobus et la voiture.
On ne peut pas arrêter le progrès, ni protéger les taxis face à Uber, les journaux face à l’Internet ou les vidéos clubs face à Netflix.
Finalement, nous n’avons, à ce stade, aucune idée des arguments et des considérations soupesés jusqu’ici (et par qui ?) pour arriver au stade d’appel d’offres pour un chantier de Rs 17 milliards au départ. Ce chantier va, de plus, en coûter au contribuable pendant de très longues années en termes de subventions, de pertes financières et peut-être de dettes à financer. Éric Ng souligne, par ailleurs avec justesse, dans son dernier livre, «Economic Sense», que le Metro Express “is a creature of government, not of private markets. It is a political, not an economic choice. It makes politicians look good as they can praise a sort of grand achievement. It is an opportunity that bears no cost to them.”
Il aurait aussi pu souligner que si le choix que nous allons faire en avril prochain n’est pas le bon, ceux qui auront pris la décision– bureaucrates, conseillers divers ou politiciens – seront peut- être, un jour, tenus pour «responsables», mais ne paieront certainement pas de leur poche le prix qu’ils auront unilatéralement imposé au pays et à ses citoyens !
Voilà pourquoi ce projet mirifique mérite une totale limpidité et des débats détaillés et prolongés avant qu’une décision ne soit prise ! Il ne faut pas préjuger du métro. C’est une belle idée moderne. Reste à en prouver la justesse! De manière transparente et rationnelle. Afin que le pays ne reste pas en gare, la main tendue, le bébé sur les genoux…
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