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Vous avez le droit de savoir ! (II)
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Vous avez le droit de savoir ! (II)
Le journalisme, disait Georges Orwell, consiste à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publier. Tiens, tiens… comme cela me rappelle les Gagging Orders d’Ivan Collendavelloo (il y a plusieurs années de cela), de Nandanee Soornack (il y a quelques années de cela) ou de Vishnu Lutchmeenaraidoo (il y a quelque deux jours de cela)…
Dans un journal indépendant comme celui que vous lisez, publier ou ne pas publier des documents d’intérêt public – surtout en l’absence d’un Freedom of Information Act, pourtant tant promis –, se révèle un calcul complexe et quotidien – mais passionnant et souvent déterminant.
C’est notre métier de balancer les risques de publication – soit on les prend, soit on attend (le mûrissement, voire le pourrissement), comme les cambistes calculent les risques d’investir ou pas, comme les zougader aussi d’ailleurs.
Notre raison d’être, c’est de vous informer – souvent en opposant votre droit démocratique de savoir et notre responsabilité journalistique de publier ou de ne pas publier.
C’est ce que nous avons fait dans le cadre de nos papiers sur l’Euroloan de Vishnu Lutchmeenaraidoo (malgré le secret bancaire) ou de notre série de révélations ininterrompues sur Álvaro Sobrinho (malgré les menaces de procès par millions). C’est aussi ce que nous avions fait, sous l’ancien régime, dans le cadre de la publication des photos de l’ancien Premier ministre dansant avec Nandanee Soornack (où le principe d’intérêt public a dominé celui du respect de la vie privée). Nous sommes persuadés que, dans certains cas, l’intérêt public, principe-clé pour toute démocratie qui se respecte, doit prendre le dessus sur les autres droits. L’intérêt général étant, souvent, plus fort que l’intérêt particulier.
Pour nous, c’est ce qui importe. C’est ce qui nous guide.
Tout le reste, en fait, n’est que relation publique, communication ou marketing. Il faut aussi faire la distinction entre relation publique (ce que la MBC fait avec Pravind Jugnauth par exemple) et opinion publique (un terme qui est si difficile à définir même si on l’utilise tout le temps).
Avouons qu’il est hasardeux de tracer des limites entre l’individualité des jugements (ce que je pense personnellement, par exemple, de Vishnu Lutchmeenaraidoo ou d’Axcel Chenney) et leurs composantes collectives – au sein d’une soi-disant «opinion publique» – dont l’existence même est niée par nombre de sociologues, surtout ceux issus de l’école de Pierre Bourdieu.
La fluctuation des opinions (un peu comme celle des devises) qui relève de plusieurs facteurs (dont l’héritage culturel de tout un chacun) complique la donne et rend impossible cette tâche de comprimer cette «opinion publique» en une formule mathématique ou électorale. Outre l’«opinion» qui change au gré des situations (seuls les imbéciles ne changent jamais d’avis, dit-on), le terme «public» est également complexe, car pouvant s’employer tantôt comme adjectif par opposition au terme «privé», tantôt comme substantif : le «public» (les gens ou la foule).
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On a pratiquement tous été touché, dans notre chair, par les images terribles de ces enfants gazés en Syrie. Leur mort a été lente, atroce, inhumaine.
Et du coup, le tribunal de l’opinion internationale salue celui qui était honni jusqu’ici : Donald Trump. Sa décision de lancer 59 missiles Tomahawk s’avère un geste politique, médiatique, diplomatique – et humanitaire – fort. Ce n’est pas tant les aspects politiques, médiatiques, diplomatiques qui travaillent l’opinion publique. C’est surtout l’aspect humain, ou humanitaire, bref ce geste qui nous réconforte face à une terrible injustice.
Toutes proportions gardées, l’opinion publique mauricienne (surtout celle émanant de la diaspora) – à en juger par les marques de sympathie et de soutien qui affluent jusqu’à nous – a été choquée par le comportement erratique de Vishnu Lutchmeenaraidoo, lors de sa conférence de presse de jeudi, et, ensuite, par sa malheureuse tentative de nous bâillonner en faisant appel à la Cour suprême. Heureusement que celle-ci, contrairement à la State Bank, agit en toute indépendance et, ainsi, sauvegarde notre liberté de travailler pour vous informer.
Comme Jérôme Cahuzac et François Fillon en France, Vishnu Lutchmeenaraidoo n’accepte pas l’interpellation démocratique/ journalistique. Et quand on ne veut pas jouer le jeu de la transparence, souvent on hausse le ton («ferm ou labous») ou on discrédite : Axcel Chenney devient ainsi Axcel… René.
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Ayant été dans le métier depuis plus de deux décennies, au sein d’une entreprise solide et farouchement indépendante qui existe depuis 1963, nous sommes devenus, par la force des actualités, rompus aux méthodes, utilisées par certains esprits (qui se croient malins), pour décourager les journalistes.
Certains cherchent souvent à nous intimider pour mieux régner. Menaces de toutes sortes, chasses aux sources, boycott publicitaire, écoutes illégales, calomnies, harcèlements policiers… Ces tactiques, on les connaît.
Lutchmeenaraidoo, lui, a fait le choix de jouer la carte de la transparence. Or, il a expulsé notre journaliste car il a osé lui demander la question qui fâche mais qui nous intéresse tous : quels sont les profits engrangés par ses transactions en euros ? Or, nous ne faisions que rebondir sur ce qu’a écrit le bureau du DPP : «The investigation has revealed although Mr Lutchmeenaraidoo intimated to SBM’s CEO that he would invest in gold, the loan money was, in fact, used for foreign currency dealings and he reaped benefits from his foreign currency dealings.»
La révélation de l’Euroloan, un digne scandale politico- financier, vient souligner le rôle important d’aiguilleur de conscience de la presse quand elle arrive à mettre en lumière certaines opacités de notre sphère politique. Et les conflits d’intérêts potentiels : les liens entre, d’une part, le ministère des Finances et le Monetary Policy Committee, et, d’autre part, la State Bank of Mauritius.
La conférence de presse du leader du PMSD, qui avait perdu son cool contre le même Axcel Chenney, et celle de Lutchmeenaraidoo illustrent aussi que les médias mauriciens traversent eux aussi les mêmes jalousies, hostilités et luttes de concurrence que le monde politique. La solidarité d’antan a bel et bien disparu en raison des intérêts divergents. On l’a vu : personne n’a soutenu Axcel Chenney jeudi. Au Parlement, en revanche, même le PMSD a suivi le MMM. Mais avouons que c’est un progrès, dans la conférence de Xavier Duval, certains journalistes avaient même éclaté de rire quand leur confrère se faisait insulter par le leader du PMSD… «Na pa krwar mo tro zanti !», avait menacé Duval, avant de débiter des insanités sur l’auteur de ces lignes…
Quoi qu’il arrive, l’express continuera sur sa voie. Nous allons continuer notre campagne en faveur d’un Freedom of Information Act, car nous voulons que, dans la conduite des affaires publiques, la transparence devienne enfin la règle et le secret l’exception…
A lire aussi l’édito : Vous avez le droit de savoir
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