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État malsain
«Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas.» On connaît cette célèbre phrase de Lao-Tseu, un penseur chinois qui aurait vécu il y a quelque 2 500 ans. À cette époque-là, déjà, bien avant les textes actuels sur le blanchiment d’argent, le trafic d’influence, la lutte anti-corruption et Anne-ma-sœur-Anne… le financement politique, ce penseur s’intéressait à la cupidité de ceux qui gouvernent ou dirigent. Ses écrits restent et resteront d’actualité, aussi longtemps que le pouvoir et l’argent cohabiteront.
Et en ces temps de confusion politique, de décomposition-recomposition des clivages politiciens, et de crise morale quasi généralisée, la philosophie antique de Lao-Tseu pourrait nous donner matière à réfléchir de manière dépassionnée. En particulier ces lignes qu’on pourrait utiliser comme grille pour scruter l’alliance Lepep : «Le meilleur gouvernement est celui dont la présence se fait oublier. Puis vient le gouvernement dont le peuple fait l’éloge. Ensuite celui dont le peuple a peur. Le pire est le gouvernement que le peuple méprise et dont il se défie…»
Cela fait longtemps, trop longtemps, que nous n’avons pas eu, à Maurice, un gouvernement qui reste discret et travailleur – soit le meilleur gouvernement qui soit (selon la catégorisation de Lao-Tseu). Cela fait aussi un bail depuis que l’homme de la rue ne flatte plus ses élus, mais, au contraire, il ne se passe plus un jour sans que le peuple regrette (souvent amèrement) son choix (ou plutôt son manque de choix) de décembre 2014, et ce, même si le précédent pouvoir ramgoolamien (2005-2014) ne satisfaisait pas, tout à fait, non plus, les critères des deux premiers types de gouvernement.
Est-ce que cela veut dire que le peuple a peur ? Craignons-nous ces dirigeants que nous avons portés au pouvoir et qui hier encore quémandaient des votes devant nos portes ? Avons-nous peur qu’ils se retournent contre nous alors que cela aurait dû être le contraire ? Faisonsnous face au pire gouvernement possible, soit une bande d’élus qui ne respectent pas leur parole donnée (un Freedom of Information Act, une MBC qui traite l’information de manière professionnelle, la fin du népotisme, des appels d’offres et de candidatures enfin transparents, l’indépendance des institutions, l’eau 24-7, etc.) ?
À lire les nombreux commentaires sur lexpress.mu et sur les réseaux sociaux, à écouter les plaintes de citoyens sur des radios libres, il est manifeste que le peuple «méprise» de plus en plus ce gouvernement, comme il «méprisait» celui d’avant…
Les consultations pré-budgétaires nous donnent l’impression que le Premier ministre veut paraître et être incontournable. Tout doit passer par lui. Sauf que sa marge de manœuvre s’avère serrée, avec le déficit budgétaire qui se creuse (qui se creusera davantage avec le Metro Express), et qui commence sérieusement à inquiéter le FMI et, partant, l’agence de notation Moody’s. L’affaire BAI et les milliards qui manquent, le besoin de revoir la pension de vieillesse et les grèves de la faim viennent compliquer la donne et plomber le moral du pays.
Tout comme le peuple, un gouvernement aussi a des réactions. Ainsi, il devient manifeste que l’alliance Lepep préfère une MBC-paillasson et ceux qui font du journalisme complaisant – qui est, en fait, une forme déguisée de relations publiques et de marketing. C’est de la communication politique, pas de l’information journalistique.
La critique du gouvernement n’est peut-être pas agréable, mais elle est nécessaire pour notre pays, surtout à un moment historique où l’on aborde les 50 ans de notre histoire commune. Winston Churchill disait, lui, que la critique joue le même rôle que la douleur dans le corps humain : c’est-à-dire qu’elle est là pour attirer l’attention sur un état des choses malsain.
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