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Interrogations …

14 juin 2017, 13:07

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Interrogations …

Présenté dans l’indifférence populaire générale, le second Budget de Pravind Jugnauth sous l’alliance Lepep n’a visiblement suscité aucune excitation particulière. À bien y voir, cet exercice aura été pour le moins risqué pour le locataire du bâtiment du Trésor. Et, pour preuve, le ministre des Finances n’a pris aucune mesure économique forte, donc aucun risque, qui aurait pu compromettre sa candidature et ses chances de réélection en 2019. Du coup, le Budget 2017-18, aux accents populaires, pose plus d’interrogations qu’il ne propose de solutions. Les interrogations portent en particulier sur la dette publique, qui avait causé, depuis plusieurs semaines, des appréhensions aux spécialistes de la finance et à d’autres observateurs économiques. La cause d’inquiétude étant plus particulièrement l’emprunt indien de 500 millions de dollars (Rs 18 milliards) contracté une semaine avant la présentation du Budget.

Alors que Pravind Jugnauth clamait sur tous les toits que cet emprunt n’aurait aucune incidence sur la dette publique, le Budget est venu démontrer le contraire. Même s’il a su habilement gérer l’opinion publique, en rappelant à la page 3 du Budget que «theline of credit of USD 500 million, bearing an annual interest rate of 1.8 per cent, will be made available to the SBM (Mauritius) Infrastructure Development Company Ltd for investment in redeemable preference shares», donc non comptabilisé comme une dette publique, la vérité est que ces explications ne relèvent ni plus ni moins que d’un jeu d’écriture.

Anthony Leung Shing, Partner chez PwC, a eu le courage d’affirmer que la dette publique ne serait pas ramenée à 63 % du PIB en juin 2018 (contre 66,1 % du PIB pour le mois courant), tel qu’annoncé par le ministre des Finances. «Notre point de vue est que, si ce montant doit être remboursé, il doit être considéré comme un emprunt, quel que soit son nom. Nous estimons donc que le ratio de dette publique par rapport au PIB s’élève à 66,8 %». Si ce n’est pas une claque, ça y ressemble étrangement. Visiblement , «the devil is in the detail», comme dirait un certain économiste…

Des interrogations ont également été soulevées sur la fiscalité. Sans doute, le Grand argentier aura-t-il souhaité secouer le cocotier après la grande réforme de Sithanen de 2007 prônant le concept d’une fiscalité légère autour d’un taux d’imposition unique de 15 % pour les particuliers et les entreprises. Même si ce n’est pas totalement la progressivité qu’il a introduite dans le système, il a néanmoins remis en question le concept d’une taxe unique «across the board» .

En imposant une Solidarity Levy, qui n’est autre qu’une taxe sur les gros contribuables de ce pays (plus de Rs 3,5 millions de revenus annuels, salaires et dividendes combinés), Pravind Jugnauth se transforme en Robin des Bois ; même si, à la fin de la journée, il n’espère pas engranger de gros revenus. Car le nombre de cadres et entrepreneurs à gros revenus sont limités à quelques milliers, nombre non-extensible, ce qui impose une limite aux recettes possibles de cette taxe. Mais cette mesure tient lieu de symbole qui, espère Pravind Jugnauth, rapportera des dividendes politiques en 2019. Il espère le même impact que celui qu’a obtenu le ciblage des subventions sociales en 2004, décrié par la suite par le Parti travailliste durant la campagne électorale de 2005 pour des raisons politiquement démagogiques.

Si le ministre a fait preuve de courage politique en s’attaquant aux fondements de la fiscalité légère, on peut s’interroger sur la raison pour laquelle il n’a pas taxé les transactions immobilières, ce qui lui aurait ouvert un boulevard en termes de recettes fiscales avec des milliards ramassés à la pelle. En revanche, chaque année, son gouvernement ne fait que réduire les droits et autres frais d’enregistrement, attirant du coup des promoteurs à s’engager et développer un secteur non-productif et peu générateur d’emplois.

Une occasion ratée pour doper les revenus fiscaux et qui aurait épargné à Pravind Jugnauth d’aller frapper à la porte de Narendra Modi à chaque échéance budgétaire pour obtenir quelques milliards de roupies assorties de conditions souvent opaques et discutables…