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Politiciens déconcertants
Décidemment, je ne comprendrais jamais les politiciens !
Prenez le regroupement Lepep au pouvoir. Ils se mettent en selle de manière inattendue en décembre 2014 sur la base d’une vague d’optimisme, de nouvelles lois progressistes, de promesses de méritocratie, et de «faire autrement», et au lieu de capitaliser totalement sur ce qui a permis de les faire élire et de faire avancer l’économie au tempo miraculeux annoncé par Vishnu Lutchmeenaraidoo dans le 1er discours du budget en mars 2015 ( 5.3 % à 5.7 %), ils s’attellent à «mettre de l’ordre» avec leurs adversaires et a démanteler la BAI. Ce n’est pas que ce n’était pas nécessaire dans les deux cas, mais on théâtralise trop, on exagère, on va même contre l’instinct premier du PM de ne rien promettre aux déposants au-delà de la distribution rapide des réalisations d’actifs. On va à fond pour le cirque populiste, quoi ! Mais si on n’oublie pas quelques biscuits (style pension à Rs 5 000) on néglige le pain. Résultat ? Les chantiers ne démarrent pas, la croissance est plus molle (3.6 % et 3.8 %) et on justifie de plus en plus de ne pas «faire autrement» en disant qu’eux, les prédécesseurs, aussi… faisaient pareil !
Argument circulaire parfait !
Autre conséquence ? Si les chantiers démarrent enfin (Road Decongestion Programme, Metro Express, le port, quelques «smart cities» à Moka, Tamarin et Plaisance, remplacement accéléré des tuyaux de la CWA) c’est donc entre maintenant et les prochaines élections de 2019 que l’on va charcuter les routes, imposer des déviations, générer poussières et boue, barioler le pays de ruban plastique «jaune chantier» et gêner le trafic ! Autrement dit, il y aura pour ce gouvernement relativement peu d’occasions de pavoiser et d’inaugurer avant les prochaines élections, mais au moment de celles-ci, l’énervement découlant des chantiers risque d’être à son apogée ! Pas malin du tout, tout ça !
Prenez ensuite le Parti travailliste qui, malgré l’apport du MMM, est le grand perdant des élections de 2014. Le consensus général de ceux qui ont analysé ces élections est que la défaite est la responsabilité première de Navin Ramgoolam, dont les sulfureuses «affaires» et étourderies diverses alimentaient les chroniques de l’actualité depuis des années et l’auront peu à peu démonétisé. Au point où Jugnauth père et Paul Bérenger s’allient même pour un moment, bouchée de gâteau mutuellement enfoncée entre des lèvres rétives, au motif de «sauver la nation» ! Le coffre-fort saisi chez Ramgoolam, ruisselant de billets, est cependant, le dernier clou dans le cercueil d’un PM dont tant avait espéré un avant-gardisme exemplaire et qui s’est finalement retrouvé prisonnier d’équations pourries et d’automatismes vieillots.
Or, que fait-il à la sortie de sa défaite ? Il ne démissionne pas, éteint rageusement les feux du réformisme et, entouré des vieux enclavés du parti, il se propose d’être… lui-même la saine alternative aux démangeaisons du pouvoir actuel ! Ne voit-il pas que son hypothèse principale de travail pour ce faire est de compter sur la stupidité et/ou la mémoire défaillante de l’électorat qui oublierait ses frasques et ses indécisions pour ne retenir que sa façade de charmeur et ses promesses d’avoir lui-même… réformé sa personne ? Pas vraiment malin, tout ça !
Quoi penser de Duval et de Bérenger ? Systématiquement homme de pouvoir, le premier choisissait en décembre 2016 de tout saborder afin de ne pas donner la majorité des trois quarts à ceux qui souhaitaient voter une loi visiblement scélérate, le fameux Prosecution Commission Act. De prime abord, un acte de panache et de principe. Mais il démissionne en disant le gouvernement «au bord de l’éclatement», un 23 décembre, sous-estimant totalement l’attrait fédérateur du pouvoir et des mangeoires et il perdra même Monty et Wong. Depuis, cet homme du pouvoir se démène comme il peut comme leader de l’opposition s’attaquant autant que faire se peut à tout ce qu’il a pourtant partagé comme décisions gouvernementales depuis 12 ans – à part le court intermède du «cocu» à partir de sa démission de juin 2014. Pour Bérenger c’est la tragédie grecque permanente : sans alliance, il lui manque toujours les cinq sous constituant la roupie et dans une alliance, il effiloche ses principes et son intégrité, c.-à-d. son fonds de commerce principal. Pas facile d’être malin, c’est tout !
Et quoi dire de Roshi Bhadain et de sa partielle au n° 18. Ayant fait corps deux ans durant avec Lepep, avocat personnel de Pravind Jugnauth, protégé du «bonhomme» lui-même, ayant été un de ses tontons flingueurs favoris au gouvernement, Roshi Bhadain n’a jamais pu souffrir la modestie. C’est ce qui le différencie fondamentalement de Jared Kushner qui a pourtant lui aussi été, sans bilan personnel préalable, investi de responsabilités démesurées. Jared Kushner, a été mandaté par son beau-père, Roshi Bhadain par son père «adoptif». Le premier s’est retrouvé aux États-Unis en charge de l’innovation, de la réforme de la bureaucratie d’État, de la réforme de la justice criminelle, de la paix au Moyen-Orient, en sus d’être un des conseillers spéciaux du président, responsable de son propre empire immobilier, point de contact privilégié de deux douzaines de chefs d’État mondiaux (dont le président Xi) et d’être le mari d’Ivanka ! Cependant, il cause peu, n’aurait pu accéder à Harvard si son père n’y avait fait don de 2.5 millions de dollars et a déjà causé la consternation en Amérique en disant vouloir réformer l’État afin qu’il ressemble plus à une compagnie privée dont les clients seraient la population. Ce qui lui valut le rappel cinglant qu’avant toute chose, les propriétaires de «ce business-là», c’était les citoyens et que Kushner travaillait, en fait, pour eux !
Toute proportion gardée, Bhadain était aussi affairé à Maurice, même si beaucoup plus visible et sonore ! Même s’il n’est pas responsable de la décision de fermeture du groupe BAI, il s’établissait rapidement comme le volontaire de service pour gérer, vendre, négocier, promettre à tous vents, y compris l’autogestion à Iframac ! En outre , il prenait l’initiative d’arraisonner les cadres de Dufry, un soir avec Yerrigadoo et Pravind Jugnauth, de tenir le front sur Heritage City, de soi-disant «réformer» la MBC, de négocier le Double Taxation Agreement avec l’Inde ou l’Afrique du Sud, de s’attaquer de face au «monstre constitutionnel», le DPP – essayant même de le faire arrêter un matin chez lui, d’annoncer «vainement» une vague d’investissements dans les services financiers, dont l’assurance captive, de constituer – style KGB disait Vishnu – de multiples dossiers d’enquête aujourd’hui dans le «cloud», de faire voter une loi contre le «unexplained wealth»… Ce n’est pas peu, mais cela n’a jamais été de qualité ou de nécessité égale et quand le soutien de SAJ faiblissait alors que le centre de gravité émigrait vers la cuisine, ses jours étaient comptés.
Démissionner du gouvernement, d’accord. Mais une partielle sur un projet dont on ne connaît presque aucun détail, le métro, cela fait vraiment… léger et sera sûrement risqué. Pressé d’en découdre, d’accord, mais l’adversaire qu’il recherche ne sera sûrement pas dans le ring, à moins que Lepep ne se laisse distraire par l’émotion plutôt que la raison. Clairement, Bhadain avait tout intérêt à rester au Parlement, à aiguillonner son adversaire avec ses «dossiers» et à laisser passer le temps qui l'aurait distancé, tant soit peu, de la mémoire encore trop vive de son temps au gouvernement. Pas de quoi être trop malin, tu vois ?
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