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Arrêtez ce massacre portlouisien !

6 juillet 2017, 07:25

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«Le présent, nous y sommes attachés. L’avenir, nous le fabriquons dans notre imagination. Seul le passé, quand nous ne le refabriquons pas, est réalité pure.»       -Simone Veil, femme politique inhumée hier.

Ces jours-ci, à grand renfort de marteaux et de coupe-coupe, sous les yeux stupéfaits d’une poignée d’indignés, on a détruit, sans pudeur, le plus vieux bâtiment de Port-Louis. C’était, peut-être, le plus vieil édifice du pays qui était encore debout. On s’en fout...

C’est à pleurer ! Notre destin est tragique. Nous sommes sur un navire sans gouvernail. Nous sommes un peuple sans culture, à la merci de dirigeants sans âme. Nous allons, donc, tout droit à notre perte. Perte de repères, de mémoire, du patrimoine. Perte de notre identité nationale. Et dire que, dans quelques mois, nous allons célébrer nos 50 ans d’Indépendance, sans réaliser que nous n’avons pas su sauvegarder notre patrimoine, célébrer notre histoire commune, ou préserver notre véritable richesse.

Le drame de notre pays, c’est notre ignorance collective. C’est un patrimoine historique datant du 18e siècle, un témoin privilégié de notre histoire, qu’on a décimé. Alors qu’il a traversé tant de cyclones et d’épreuves, la main inculte de l’homme l’a achevé ; il a été réduit en un triste amas de souvenirs disparus à jamais. Surtout ne venez pas nous dire que c’est pour construire du neuf, du plus utile, du ultra-moderne, ou que le bâtiment n’était pas classé, comme l’a bêtement ressassé le lord-maire criminel. Surtout pas.

Nous sommes, concédons-le, un peuple ignare, qui décime chaque parcelle de son histoire, bardeau par bardeau, planche par planche, pierre par pierre pour planter du béton, avec l’aide des bailleurs de fonds qui nous imposent alors leurs constructeurs. Nous sommes un peuple qui efface les traces de nos aînés sans nous émouvoir. Au nom d’un progrès qui risque d’uniformiser tous les bâtiments des pays du Sud. Comme le siège de l’Union africaine à Addis, construit par les Chinois, avec des sous chinois. Du coup, le QG n’a aucune âme africaine. Tout le symbole d’une Afrique incapable de se tenir sur ses propres jambes, plus d’un demi-siècle après les indépendances africaines… Pathétique !

Certes, chez nous, il y a quelques voix éclairées qui lancent des SOS Patrimoine, comme les amoureux d’architecture et d’histoire, mais on les entend à peine, dans le brouhaha du Parlement, où des hommes grossiers montrent leurs parties intimes au public pour défendre leur patrimoine… familial et leurs petits intérêts claniques.

De l’espoir ? Il y a, depuis peu, la Port-Louis Development Initiative (PLDI), fièrement lancée par le privé pour revaloriser notre capitale dans le sillage du décès (tant salutaire !) du grotesque projet Heritage City (que Roshi Bhadain a essayé de nous imposer). Force ou triste de constater que la PLDI n’a RIEN pu faire pour sauver LA School. Le tandem De l’Estrac-Siew a beau s’égosiller ou choisir ses mots les plus percutants tout en restant diplomatique dans son communiqué, mais les services publics, ministères et mairie confondus, sont sourds, aveugles et, surtout, sans cœur, car les esprits qui les peuplent sont incultes. C’est notre drame – et nous le répétons depuis le début de cet éditorial.

Ce sera d’ailleurs le principal défi de Port-Louis : comment lui donner un semblant de cohérence entre son riche passé, son bouillant présent et son développement à définir si chacun tire dans sa direction ?

* * *

Rêvons. Imaginons un peu l’effet esthétique (et touristique) de nos routes et avenues toutes bordées de fleurs. Comme au pays du sourire…

Bien sûr, on aura besoin d’un budget initial public et privé pour éliminer les grands arbres et planter les espèces naines florifères appropriées. Que les autorités ne se cassent pas la tête : elles recycleront leurs bûcherons en pépiniéristes et mini-horticulteurs.

 Il n’y a pas que Port-Louis. Si la synergie de la capitale marche, on pourra aller bien plus loin dans la planification. Pensons à l’amélioration globale du look de notre pays, des aires de récréation et de la salubrité. Rappelons-nous que, depuis le jardin Balfour dans les années 50, Maurice, en 50 ans, n’a pas aménagé un seul parc, un seul jardin ou un seul verger public digne de ce nom, à part un petit espace vert par-ci par-là, comme au pied de la colline Candos ; l’écologie mauricienne est en béton, et érige des blocs, encore des blocs, toujours des blocs…