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Ce bipartisme mauricien

13 juillet 2017, 07:24

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«Mille fois Ramgoolam ?», le titre, davantage provocateur qu’interrogateur de notre dernier édito, a généré, comme attendu, des commentaires enflammés sur lexpress.mu. 

En gros, la plupart des lecteurs-commentateurs ont mis en avant ce besoin, presque sanitaire, de sortir du bipartisme mauricien afin de favoriser des jeunes énergies.

Notre bipartisme, on est bien d’accord, n’est pas un clivage entre une gauche et une droite, encore moins entre une politique ouverte sur le monde (pro-mondialisation) et une politique qui se replie sur le pré-carré national (antimondialisation). À Maurice, depuis près d’un demi-siècle, la transition démocratique se joue entre deux dynasties qui ont produit chacune deux Premiers ministres. Seul Paul Bérenger a pu vaincre le signe indien pendant deux ans (2003-2005) à la suite d’un arrangement électoral (à l’israélienne) avec les Jugnauth. Mais il n’a pas pu, par la suite, continuer sur cette lancée, entre autres, en raison d’une malsaine campagne communale contre sa personne. Aux prochaines législatives, le MMM maintient qu’il ira seul. On verra bien…

Car la transition entre les deux dynasties premier ministérielles dépend toujours, du moins jusqu’ici, des alliances ou mésalliances avec une troisième force nationale, le MMM, et/ou avec des groupuscules comme le PMSD ou le ML, ou les ex-MMSM, RMM, MTD, Hizbullah, Tamil Council, PPM, etc. Ceux qui ont bravement essayé de jouer une autre partition électorale ont tous mordu la poussière, malgré tous leurs idéaux, efforts et patriotisme, comme Lalit, Rezistans ek Alternativ et, plus récemment, Ansam Nu Kapav. Et ce, malgré le soutien des esprits indépendants, de la classe ouvrière ou d’un réservoir de quelque 37 % d’indécis. 

Le manque de ressources financières est souvent brandi comme la principale cause de leur échec sur le terrain – comme si tous les votants mauriciens, nourris au briani, étaient, dans leur majorité, corruptibles, ou sensibles à l’argument met for, gagn for. On le constate à chaque scrutin : les dépenses électorales dépassent tous les plafonds du permissible en l’absence d’une loi moderne sur le financement politique, une loi qui ne verra sans doute jamais le jour avec l’écosystème actuel, qui ne légiférera malheureusement jamais contre ses intérêts les plus précieux…

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Après avoir laborieusement passé le cap du mi-mandat et surfé sur les scandales qui le secouent au jour le jour, il devient évident que le régime des Jugnauth, surtout depuis la transition père-fils, prend eau de partout et que la comparaison avec le régime ramgoolamien, que le peuple avait chassé du pouvoir en décembre 2014, s’impose, qu’on le veuille ou non.

Posons la question autrement : si demain Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam descendaient dans la rue, disons un midi sur La Chaussée, à Port-Louis, en prenant le temps de saluer les Mauriciens lambda, qui, des deux, selon vous, recevra le meilleur (ou le pire) accueil, si les effets de la mémoire sont, pour peu, oubliés ? Ce serait un exercice intéressant si, d’aventure, ils peuvent toujours se permettre de se promener sans leurs gardes du corps officiels et privés. Un peu comme jadis Ameenah Gurib-Fakim faisait ses courses au bazar comme Mme-tout-lemonde, son panier ménager accroché au bras. Ça, c’était avant, quand elle n’avait pas besoin d’une armée de gorilles pour repousser les journalistes qui posent trop de questions sur Sieur Álvaro Sobrinho. 

Les écrits des internautes sous nos textes politiques nous prouvent, de plus en plus, que le système démocratique en vigueur depuis l’Indépendance est plus que jamais contesté. Notre démocratie représentative est mise à mal. Nos internautes, dont la majeure partie semble faire partie des 37 % d’indécis, réclament de nouvelles idées, un nouveau personnel et ne veulent plus du strict clivage Ramgoolam-Jugnauth – un bipartisme qui fait le jeu, dans une logique similaire, d’autres dynasties ou clans politiques et économiques.

Autre constat : les questions sociales s’imposent de plus en plus, de la vie réelle des gens à l’environnement :sécurité/ordre public, aquaculture, usage abusif des pesticides, prolifération de la drogue, corruption qui gangrène nos institutions, moralisation de la vie politique. 

Souvent, c’est quand on n’a plus confiance dans le gouvernement et qu’on a peur de voir la crise s’aggraver et le destin du pays devenir incontrôlable qu’on se donne le temps de considérer les alternatives. Et ce, dans l’espoir que se dégage une succession qui ne soit pas improvisée et chaotique, quand viendra l’heure de tourner véritablement la page sur les Jugnauth et les Ramgoolam et leurs gardes rapprochées…

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Ce n’est pas forcément mieux ailleurs. Le clanisme ou le népotisme a investi les States. Il n’a pas fallu longtemps, contrairement aux discrètes filles Obama, pour que les enfants de Donald Trump deviennent des sources d’embarras pour la première puissance économique mondiale, sauf, peut-être, pour le président qui les défend bec et ongles.

Après Ivanka Trump qui a eu son bureau de conseiller spécial à la Maison-Blanche et qui est de tous les voyages de son père, c’est au tour de Donald Trump Jr. de faire parler de lui. Le New York Times a révélé cette semaine que Trump Jr. avait accepté, en pleine campagne présidentielle, de rencontrer une avocate russe qui détenait des informations compromettantes venant de Moscou sur Hillary Clinton. Cette affaire défraie la chronique et la tempête médiatique n’est pas près de s’estomper.

Oui, là-bas, la liberté de la presse est protégée par le premier amendement de la Constitution. Ici, la presse libre et indépendante milite en vain pour une Freedom of Information Act. Entre-temps, elle reçoit régulièrement du papier-timbré et des réclamations de plusieurs dizaines de millions de roupies des proches du pouvoir politique, dans leurs tentatives désespérées de nous asphyxier…