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Vouloir vivre ensemble

23 juillet 2017, 09:08

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 Vouloir vivre ensemble

 L’express du 18 juillet nous raconte les problèmes existentiels de certains habitants de la route Bassin. Ils se sont mobilisés contre la construction de maisons de la NHDC, pancartes à la main, banderoles au vent, leurs «drwa» érigés en étendard.

  De quoi s’agit-il ? 

     

En fait, de préjugés vieux comme le monde ! Ce n’est pas du tout que ces habitants de Bassin sont contre des individus particuliers, ou qui ont un parcours avéré de citoyen-filou. Non ! Ils ne connaissent même pas l’identité des nouveaux voisins qu’on leur annonce… Ils ne connaissent que quatre lettres : NHDC, qui leur semble rimer avec : bandits, voleurs, misérables, vauriens… Ils ne cachent pas leur subjectivité et leurs idées préconçues : «Clash de culture», disent-ils, «Partout les logements de la NHDC posent problème», «(Nous) sommes issus d’une classe sociale plus élevée», affirment-ils, «les nouveaux logements créeront des problèmes d’insécurité», «Nous sommes déjà entourés des résidences Kennedy et Bassin. Nous ne voulons pas que notre quartier devienne un ghetto». A titre de renfort, M. Seewa Jankoo, porte-parole des habitants appréhensifs, obtient le soutien de planteurs qui disent qu’ils seront, désormais, «obligés de surveiller leurs plantations».

Essayons de tordre le cou à quelques idées arrêtées.

    

D’abord, il y a, malheureusement, dans toutes les sociétés connues dans ce monde, des citoyens qui sont à divers degrés de développement socio-économiques. Cela est invariable. Certains se retrouveront dans des maisonnettes NHDC pour ne pas rester dans ce qui est encore pire : quelques feuilles de tôle qui coulent, par exemple. Mais ceux qui sont moins fortunés ne sont pas, a priori, des diables et le penser systématiquement relèverait de la bêtise démoniaque ! En fait, les trafiquants, les voleurs, les personnes sans éthique se retrouvent dans toutes les couches de la population. Parfois (Souvent ?) les «bandits» s’affichent, d’ailleurs, dans leurs grandes maisons et leurs grosses cylindrées, grâce au produit de leurs rapines. Il y a beaucoup plus de gens simples et bons qu’il n’y a de riches et bons. Sinon, on ne pourrait marcher dans les rues ou dans les arcades commerçantes, en plein jour, sans se faire égorger ! La diversité ne s’arrête pas avec les sous et se prolonge en termes de religion, de préférences culinaires, de mœurs personnelles, de choix de musique. Une société adulte et mûre permet à ses citoyens de vivre ensemble, les uns à côté des autres, en bonne harmonie, les uns et les autres étant conscients que dans leur nécessité de vivre ensemble, il y a des concessions à faire, des efforts d’ouverture à prolonger. Mon voisin, pourtant bourgeois, Audi pour le prouver, a un chien qui aboie en permanence et est apparemment incapable de regarder sa télé ou d’écouter Shakira sans me partager sa bande sono. J’aurais peut-être plus de chance avec une maison NHDC ? Le ghetto, c’est en fait, des regroupements de personnes aux mœurs semblables, complètement coupés des autres. Les Amish, par exemple. Se pourrait-il que l’on veuille ne plus vivre ensemble, à l’instar des habitants de Bassin, et que le nouveau mode de société privilégié soit, selon leur logique, celui de ghettos regroupant non plus les juifs de Varsovie, mais cette fois, séparément, les pauvres, les riches, les diverses couches de bourgeoisie intermédiaire, les religions, les communautés, les amateurs de bomli, les propriétaires de molosses nerveux, les couples où l’on bat sa femme, les dévots de subwoofer qui pestent les tympans et qui font le désespoir de la police de l’environnement… ? La logique de Bassin nous fera toucher… le fond !

 Quant aux peurs des planteurs de Bassin, faut-il leur rappeler que dans 720 miles carrés, les voleurs peuvent se déplacer sans peine à moto ou en voiture ? Et rappeler à M. Jankoo que les meurtriers de Janice Farman ont été décrits comme «bon garçon», «respectueux» et «trankil» et qu’ils n’habitaient pas des maisons NHDC, à Albion ? L’un d’eux venait de Palma. C’est juste à côté… 

Comment peut-on vivre ensemble si l’on n’est pas tous soumis aux mêmes règlements ?

On va aux élections. On choisit des parlementaires. Ils font voter des lois. Mais l’express nous rappelle cette semaine que la loi ne s’applique pas à tous de la même manière.

D’abord, à la suite de la question parlementaire de Xavier Luc Duval qui a beaucoup gêné le ministre Mahen Jugroo, on apprend que 1 314 des bâtiments commerciaux de l’île n’ont pas de fire certificate. Comme si cela ne suffisait pas, on apprend maintenant que la grande majorité des 1 000 bâtiments du secteur public n’ont pas de fire certificate non plus ! Sur 178 centres de santé, par exemple, hôpitaux compris, seuls trois sont «conformes» ! Aucune école publique (primaire ou secondaire) ne dispose dudit certificat ! Seules deux casernes de pompiers sur dix sont détentrices d’un fire certificate ! Comment est-ce que cela serait acceptable ?

   

Ce modèle très local qui surfe sur le «Fais ce que je te dis, pas ce que je fais !» est connu : les voitures de police qui peuvent se garer n’importe comment, des routes publiques à peine carrossables – alors que l’on impose des normes sévères aux développements privés, par exemple. Par extrapolation, on peut sans doute craindre le pire pour les cuisines des hôpitaux ou des prisons, alors que les officiers de la santé interviennent (à raison !) sur les restaurants privés et les marchands de kebab. Les mêmes inspecteurs qui ferment un hôtel, comme le RIU en octobre 2016 à cause de rats, semblent ne pas les voir au bazar de Port Louis ou de Curepipe ?

On vit dans un état de droit et d’Egalite devant la loi. Il ne suffit pas de le dire, il faut le pratiquer. Les exceptions et les accommodements assassinent la discipline, affaiblissent le corps social et égorgent la raison. Il faut que cela cesse si l’on aspire à progresser !

On connaissait la tentative de  justification qui consistait à dire : « Nous le faisons, parce que les autres le faisaient déjà «. Comme si l’on ne pourra jamais corriger le mal par le bien …ou du moins, le mieux et que le mal, une fois chatouillé, est enraciné a jamais ….

   

Plus rare est la tentative d’apologie qui consiste à illustrer que son cas à soi n’est pas aussi important ou conséquent que celui d’un autre. Ainsi la tentative de Mr Sadaven Chocken, agent du MSM dans la circonscription No 8 qui, au lieu de se contenter d’expliquer qu’il a suivi «toutes les procédures» - ce qui reste d’ailleurs à démontrer – se lance dans la relativisation de son contrat «D’autres personnes ont décrochés des contrats plus importants que moi de MT. Pourquoi ce n’est que moi qui suis visé ? » grince-t-il, ce qui  ne nous renseigne nullement sur les bénéficiaires des plus gros contrats qu’il vise, mais qui ne nous dispense pas de nous souvenir qu’une entorse est une entorse, quelle qu’en puisse être la taille et qu’un vol est un vol, que l’on soit Madoff ou voleur a la tire …  Cette vérité aussi fait partie du contrat social de notre « vivre ensemble » !