Publicité

L’Economie ou la mort

13 août 2017, 09:59

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

L’Economie ou la mort

000 jours depuis que l’Alliance Lepep est au pouvoir et toujours pas de Freedom of Information Act.

À mi-mandat, le gouvernement ne peut que constater que son bilan pour la prochaine échéance électorale n’est pas très ragoûtant. Les conclusions de la commission d’enquête sur la drogue peuvent être positives… ou pas. Pas grand-chose sur le plan législatif – à part les initiatives sur l'unexplained wealth, ce qui fut, par ailleurs, complètement défait par la tentative de contourner le DPP avec le Prosecution Commission Bill et la démission de XLD, puis de Bhadain. Pour le miracle économique de Lutchmeenaraidoo, il faudra repasser. Quant aux enquêtes sur le régime précédent, puisqu’ils finissent, jusqu’ici, en eau de boudin, y compris pour le rapatriement apparemment «simple» de Mme Soornack, le capital politique que l’on pourra en tirer paraît, à ce stade, plutôt problématique. Il ne reste que les coffres-forts et Roches-Noires ! Si on y ajoute les promesses non tenues (méritocratie, Freedom of Information Act, productivité du port, etc.), les 5 milliards à payer à Betamax, les sommes folles déboursées pour le SCBG (qui va, enfin, publier les comptes actualisés qui sont dus aux contribuables ? M. Sesungkur ?), la flambée de la dette nationale, une balance des paiements troublante et les «affaires» Sobrinho, Omega Ark, Heritage City, Britam, bal kouler ou… le bilan fait vraiment moche. Il ne reste, à première vue, plus que l’économie pour revigorer les résultats à temps pour 2019. 

C’est ce qui nous fait dire que pour Lepep, c’est l’économie ou la mort !

C’est ce qui explique aussi, sans doute, l’empressement avec lequel il fallait absolument ouvrir le chantier du Metro Express ! Les projets, dans le passé, il n’y en a jamais manqué, y compris celui du métro, mentionné depuis1987 – nous dit-on. Le problème n’a jamais été d’évoquer des projets, mais a toujours été, surtout, de les concrétiser : ainsi le taux de réalisation des projets au budget capital de l’état a atteint entre seulement 60 et 70 % des estimations espérées ces dernières années – ce qui est évidemment pratique pour ne pas trop dépasser le déficit budgétaire, mais invariablement nocif pour la croissance et l’emploi. Le Road Decongestion Program est annoncé depuis 2015, le port devait être transformé, selon une vision grandiloquente de Lutchmeenaraidoo, de Pointe-aux-Sables jusqu’à Baie-du-Tombeau ; les smart cities devaient s’assurer du reste. Quand les discussions avec DP World foiraient, que l’on réalisait que les projets de smart cities ne pouvaient commencer sur simple claquement de doigt, que Heritage City s’enlisait dans son marécage de contradictions, hop ! on ressortait le projet de métro léger. D’autant qu’il y avait la possibilité de profiter du travail de pioche déjà entamé précédemment… Ne pas le commencer aussi vite que possible, c’était la certitude d’une économie fadasse.

Des trous et des tranchées sur l’axe Curepipe–Port-Louis, pense-t-on, créeront 7 000 emplois directs (tous mauriciens ?) et le sentiment d’un pays qui bouge enfin, «miraculeusement», comme promis. On pense même pouvoir, j’imagine, inaugurer le tronçon Rose-Hill–Port- Louis, en grande pompe avant les prochaines élections. Espérons-le, pour eux, mais n’y comptons pas trop, dans un pays pas très habitué à respecter ni l’heure des rendez-vous, ni celle des échéances. D’autant que ces grands travaux, sur des axes très peuplés, vont certainement «découvrir» (ou détruire…) de la tuyauterie ou des câbles dont on ne connaissait plus très bien (ou pas du tout) l’existence. On a déjà vu cela dans le passé, n’est-ce pas ?

Qu’il nous faille revoir la question de transport public ne fait plus aucun doute depuis un moment. Je ne sais pas comment on arrive à avancer quand la congestion routière coûte au pays Rs 5 milliards par an – puisque le pouvoir semble ne pas croire qu’il faut être transparent et partager ses hypothèses de travail avec les citoyens –, mais la congestion routière est un fait et s’aggrave. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi, puisque même quand l’on accélère la construction des routes – comme par exemple ces cinq dernières années – on augmente le parc automobile plus rapidement encore ! Ainsi, pendant que la densité des routes est passée à 1,30 kilomètre par km2, le nombre de véhicules par kilomètre de route s'est, quant à lui, détérioré, en cinq ans, jusqu’en 2015, de 190 à 200 ! Ce chiffre était à… 39 en 1980 et 92 en 1993!* Si l’on veut seulement retrouver la fluidité du trafic de 2011, comme mesuré par une densité de véhicule de 190 par km de route, un simple calcul suggère qu’il aurait fallu, pour les 516 000 véhicules estimés en 2017, avoir déjà construit 2,715 km de route, tout en y ajoutant 110 nouveaux kilomètres de routes chaque année ! Or, nous en étions a seulement 2,428 km au début de 2016… ça ne tiendra évidemment pas la route !

Véhicules par kilomètre de route

Capture d'écran du site : http://www.nationmaster.com/country-info/stats/Transport/Vehicles/Per-km-of-road

Le constat est donc qu’il faut absolument faire quelque chose. Et si c’est le cas, pourquoi le gouvernement ne traite-t-il pas son peuple en adulte et ne lui communique-t-il pas tous les arguments et les faits qui l’auront convaincu, lui ? Y a-t-il une raison pour laquelle on ne peut pas officiellement et explicitement aligner les raisons qui mènent à ne pas choisir le Bus Lane ? Après nous avoir plusieurs fois promis la Cost & Benefit Analysis détaillée des Singapouriens, pourquoi est-ce qu’on nous la cache ? Lundi dernier, lors de la signature du contrat (pourquoi un autre secret ?), on distribuait un fascicule avec un plan financier des plus positifs, mais on ne révélait pas les hypothèses de travail… sauf pour le nombre de passagers quotidiens (53 800 pour la première année), chiffre que Roshi Badhain s’empressait de démonter, sans être contredit jusqu’ici ! Croit-on que c’est comme cela que l’on va créer la confiance et convaincre les dubitatifs, invétérés compris?

    

Vue aérienne de Port-Louis

Le gouvernement espère-t-il aussi que le lancement du chantier du métro va entraîner, dans son sillage, les gros investissements qui s’étudient depuis un certain temps dans le privé ? (smart cities diverses, aquarium, réhabilitation de Port-Louis, développements majeurs autour des stations de métro, Les Salines, etc.) Sûrement ! C’est ce qui rend la dernière initiative de la MRA plutôt incongrue, «timing-wise». En effet, la Finance Act de l’année dernière prévoyait pour tous ceux ayant un patrimoine de plus de Rs 50 millions (ou des revenus de plus de Rs 15 millions) d’avoir à soumettre un constat détaillé de leur «assets and liabilities» à partir du 1er juillet 2017. Personne n’en a beaucoup parlé jusqu’ici, mais les circonstances ont voulu que cette obligation soit actionnée maintenant, au moment où l’économie doit redémarrer avec les grands chantiers. Gageons que les capitaines d’industrie et les professionnels qui ont réussi ne seront pas très amusés d’avoir à satisfaire le voyeurisme de la MRA, y compris à déclarer et faire évaluer les bijoux de leurs épouses… Je parle de voyeurisme parce que la MRA devrait s’occuper, comme son nom l’indique, de taxer les revenus, mais pas de faire des constats sur les actifs. Des questions se posent donc : si un contribuable a menti sur ses revenus, quelles sont les chances qu’il sera transparent sur ses actifs ? Quelle est la motivation de la MRA de faire un tel relevé ? Préparer subrepticement une Wealth Tax ? Si ceux qui ont de l'«unexplained wealth» sont déjà canalisés vers l'Integrity Reporting Agency de Paul Keyton, pourquoi exaspérer les autres ? Je sais bien que les «riches» ne sont pas un lobby électoral intéressant – mieux, qu’ils sont souvent présentés comme l’ultime bouc émissaire, responsable de tout ce qui va mal. Cependant, il y a une raison à l’existence des légitimement «riches» et elle coïncide assez souvent avec vision, efficacité, investissement. Ne pas le comprendre mène à les jalouser, les cataloguer, pour finalement trop les taxer – ce qui ne saurait, d’ailleurs, jamais résorber le déficit budgétaire causé… par d’autres !

*Les chiffres comparatifs mondiaux ne comptent que les 4 roues (pas de motos). A ce tableau (source : Nationmaster), l’ile Maurice était, en 2007, déjà a la 6eme place mondiale avec 93.4 véhicules/km- après Monaco, Singapour, le Koweït …. On peut faire pire : Mumbai était, en 2016 a 430/km…