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Les vraies questions, le dérisoire et le sordide

8 octobre 2017, 08:29

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Les vraies questions, le dérisoire et le sordide

La guerre nucléire est peut-être à nos portes. Grâce aux bons offices du Donald et de Kim. Mais entre 1950 et 2010, même si la population mondiale a triplé, le PNB international réel a été multiplié par un facteur de sept. En parallèle, la consommation d’eau triplait, la consommation d’énergie quadruplait et celle des fertilisants se trouvait multipliée par dix ! 

Il y a eu des avancées spectaculaires durant ces 60 dernières années, correspondant à peu près à l’après-guerre. Un enfant né en 1950 pouvait espérer vivre jusqu’à 48 ans en moyenne, alors qu’aujourd’hui il peut espérer atteindre l’âge vénérable de 71 ans. Depuis 1990 seulement, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté extrême (moins de 1,90 dollar par jour) a été réduit de moitié. Plus de 2 milliards de citoyens de la planète ont, sur la même période, eu accès, pour la toute première fois, à l’eau potable et aux toilettes – alors même que la population mondiale croissait de 40 % !

Photo de gauche: Porto Rico après l'ouragan Maria, 2 octobre 2017 (AFP). Les réfugiés musulmans de Rohingya cherchent tous les moyens pour se mettre à l'abri de la pluie au Bangladesh, le 7 octobre 2017, (AFP). Les résidents de la Nouvelle-Orléans remplissent des sacs de sable en prévision de la tempête tropicale Nate le 6 octobre 2017.

Cependant, il n’y avait pas que de bonnes nouvelles. Mondialement, un homme sur neuf ne mange toujours pas à sa faim. En 2015, 6 millions d’enfants de moins de 5 ans meurent toujours, la moitié d’entre eux avec des maladies pourtant faciles à contrer, comme la diarrhée ou la malaria. Deux milliards d’humains vivent avec moins de 3 dollars par jour et 70 millions de jeunes ne trouvent aucun travail. Parvenu en 2015, il faut confronter l’aberration que le 1 % de personnes les plus riches de la planète possèdent autant de richesse que les 99 % restants, tous ensemble !

La planète va mal. Grâce à cette activité économique décuplée, la moyenne de température globale a déjà progressé de 0,8 degré centigrade et l’on projette 4 degrés de plus jusqu’en 2100, ce qui promet des cyclones, des inondations, des sécheresses et une montée des eaux comme l’humanité n’en a jamais connu. À peu près 40 % des terres agricoles sont déjà sérieusement dégradées et, en 2025, deux tiers de l’humanité vivra dans des régions qualifiées de «water stressed». D’autre part, plus de 80 % des espèces marines sont déjà pleinement ou surexploitées, alors que la cadence à laquelle nous ajoutons du plastique à la mer est telle, qu’il est estimé qu’en 2050, on y retrouvera plus de plastique que de poisson… À peine croyable et pourtant vrai !

La population mondiale de 7,3 milliards va encore progresser, vers 10 milliards en 2050, avant de se stabiliser à 11 milliards vers 2100. Les modèles de croissance promettent 3 % par an jusqu’en 2050, ce qui veut dire doubler l’économie mondiale vers 2037 et la tripler vers 2050, ce qui va gonfler la classe moyenne (dépenses entre 10 et 100 dollars quotidiennement) de 2 à 5 milliards d’individus avec ses conséquences dramatiques sur la consommation (¹)

Ce bas-côté de l’ancienne ligne du chemin de fer, à Poste-de-Flacq, est devenu l’endroit tout trouvé pour jeter toutes sortes de détritus. Article paru sur lexpress.mu le 28 septembre 2017.

Pendant ce temps-là, sur un petit îlot de 720 miles carrés en mer indienne, les défis sont nombreux aussi. Faut-il faire plus d’enfants ou accélérer l’immigration pour contrer le vieillissement de la population et la faillite qui nous guette avec le fonds de pension nationale ? Est-ce possible de continuer à creuser le déficit de la balance commerciale et, partant, celui des comptes courants ? Le déficit budgétaire, à presque 65 % du PIB, va-t-il se résorber grâce à une croissance passée à 4, voire 5 % par an ? Que faut-il faire pour cela ? Dépenser ? Consommer ? Vivre au-dessus de ses moyens ? Ou apprendre mieux à l’école, être plus productif et travailler plus dur ? Un îlot très dépendant du commerce extérieur peut-il continuer avec le port qu’il a et son taux d’activités plutôt flemmard (17,3 mouvements de containers par heure – de janvier à mai 2017) ? Le régime démocratique dont nous nous vantons mérite-t-il une réforme des lois électorales ? Des institutions libres d’interférence, menées par des hommes indépendants ? La méritocratie, enfin ? Une Freedom of Information Act, finalement ? Une réforme du financement des partis politiques pour s’éloigner de celui, actuel, qui favorise la corruption ? La limitation des mandats ? Un moyen pour nous sortir du règne de deux familles cinquante ans durant… ?

Voilà une toile de fond de ce qui nous guette sur les prochains 50 ans. Ce ne sont pas les problèmes véritables qui manquent ! Mais de quoi débattons-nous ? Du sordide, du périphérique, de l’éphémère… Non pas, comme certains le proclament, parce que c’est créé par les médias, mais parce que les médias reflètent ce qui se passe et ce qui intéresse la plupart de ses lecteurs.

Photo de haut gauche: Ravi Rutnah, Sudhir Sesungkur, Kalyan Tarolah, Showkutally Soodhun.

Nous sommes donc scotchés à la langue de Tarolah, au vocabulaire de Rutnah, aux hormones amoureuses de Sesungkur, aux dérapages constants de Soodhun, aux «complots» des journalistes, par ailleurs sans diplômes, à la troublante perspective d’un retour de la «peste», aux éternels palabres sur les coalitions possibles, aux enquêtes vengeresses interminables…

Les enfants portent un masque pour se protéger contre une éventuelle infection de la propagation de la peste à Antananarivo le 2 octobre 2017.

Vous croyez en un avenir radieux ?

Vous avez un sacré culot ! Ou bien alors, les contacts de Sobrinho…

(1) Faits cités dans :  ‘Doughnut Economics’ 
de Kate Raworth, Random House Books, 2017.