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Vos soutiens démocratiques
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Vos soutiens démocratiques
À sa sortie de la Cour suprême, Patrick Hofman, un pur Mauricien de coeur, qui a échappé à une déportation manu militari, a été applaudi en héros. Le vaillant pilote, les mains jointes, les yeux qu’on imaginait émus derrière des lunettes noires, n’en revenait pas de voir une telle manifestation de soutien à son encontre. Des centaines de citoyens, ses collègues par dizaines, touchés dans leur chair par la politique d’intimidation dont le pilote d’Air Mauritius a fait l’objet, ont tenu à être présents sur l’asphalte durant ces moments difficiles. Le message de soutien était clair et sans équivoque : afin qu’il sache que ce qu’il vit, ainsi que les discours xénophobes de certains ministres et leurs relais complices à son égard, est contraire à l’esprit et l’hospitalité mauriciens. Une présence policière, dans des voitures banalisées, devant le domicile de n’importe qui aux petites heures du matin, qui relève d’une tactique mesquine et inhumaine, digne d’un État policier, n’est ni normale ni acceptable.
Face aux dérives du pouvoir en place, les soutiens ponctuels et spontanés des citoyens d’ici et d’ailleurs sont vitaux pour notre démocratie qui se cherche toujours, un demi-siècle après notre indépendance. Les soutiens citoyens s’intercalent entre les actions policières intempestives et le traumatisme personnel que vivent les persécutés du système lorsque le sort et l’appareil d’État s’acharnent.
Aux Casernes centrales, récemment, mes collègues Axcel Chenney, Yasin Denmamode et moi-même avons été touchés par les marques de sympathie qui affluaient de partout, aussi bien sur les visages des proches que sur les réseaux sociaux. Face aux hommes de Mario Nobin et aux discours pathétiques de certains qui rivalisaient avec l’ineffable inspecteur Shiva Coothen, les messages de sympathie effaçaient la méchanceté démontrée et distillée sans pudeur. Du coup, alors que les masques tombent un par un, on ne se sent plus seuls, mais bien plus forts…
***
En tant que journalistes, nous regrettons cependant que, hormis bien sûr les journalistes de notre groupe et quelques autres confrères libres et indépendants, ce sont surtout des confrères étrangers, dont ceux de La Réunion, qui ont pris conscience des dangers qu’encourt notre société à ne pas assurer la protection des sources journalistiques. Il ne faudrait pas ici faire de faux amalgames. Il ne s’agit PAS de corporatisme journalistique ou de caprices de journalistes aux ego surdimensionnés.
L’express le répète depuis 1963. La liberté d’expression s’exerce dans les deux sens : la liberté de diffuser et celle de recevoir de l’information. L’information étant un bien public dans toute démocratie qui veut progresser. Nous avons mis au jour le «Yerrigadoogate» que certains ont essayé, en vain, et sans connaître le fond de l’affaire, de détourner en «l’expressgate», dans un but de nous démonétiser. Pourtant, cette mission de service public ne peut se faire, d’une part, sans les soutiens démocratiques et, d’autre part, sans les sources journalistiques auxquelles la police souhaite avoir accès…
Comment les journalistes procèdent-ils pour leurs enquêtes ? Qui les informent ? Qui acceptent de vérifier et de contre-vérifier des informations ? C’est cela que les Casernes tentent de savoir. Si la police veut utiliser des journalistes pour mener ses propres enquêtes (pour plaire aux politiciens au pouvoir), si elle veut forcer la divulgation des noms de leurs informateurs, qui prendra alors le risque de parler encore aux journalistes ? Qui seront les perdants ? La Cour européenne stipule que : «La protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse [...]. L’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public des questions d’intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de “chien de garde” et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie [...].» L’enjeu autour de la protection des sources journalistiques dépasse donc largement les seuls journalistes.
Thomas Jefferson préférait une presse sans gouvernement à un gouvernement sans presse. On peut le comprendre. Pour Alexis de Tocqueville, l’un va de pair avec l’autre : «La souveraineté du peuple et la liberté de la presse sont […] deux choses entièrement corrélatives.» Si la démocratie suppose de conférer le droit de vote aux citoyens, la «raison d’être» de notre journal est de favoriser le contexte politique leur permettant d’exercer, au moment du vote, leur jugement politique de manière éclairée. Il nous faut aussi assurer l’existence et l’indépendance d’une institution dont la tâche première est de rendre publics pour tous faits et opinions : la presse.
PS : Au nom de l’express, je tiens à remercier tous ceux, nombreux, qui, de manière publique ou anonyme, nous ont témoigné de leurs soutiens et encouragements. Pour vous, on ne laissera jamais tomber le combat quotidien.
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