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Alerte ! Complots !
Dans la Criminal Code (supplementary) Act, on retrouve la clause 109 qui dit ceci :
(1) Any person who agrees with one or more other persons to do an act which is unlawful, wrongful or harmful to another person, or to use unlawful means in the carrying out of an object not otherwise unlawful, shall commit an offence and shall, on conviction, be liable to penal servitude for a term not exceeding 10 years and to a fine not exceeding 100,000 rupees.
Je ne peux prétendre savoir ce que le législateur avait en tête quand cette clause a été inscrite dans les textes, mais je note cependant que cette thèse de complot semble être devenue beaucoup plus populaire récemment comme méthode de défense par ceux qui, au départ, sont accusés d’une incartade quelconque.
La dernière personne en date à sortir ce moyen de défense est M. Tarolah, de son état secrétaire parlementaire privé aux salaires mensuels de Rs 246 000 et député dans la circonscription n° 10. Plutôt effacé au Parlement, il est présenté comme un député de «proximité» par ses partisans qui, aux Casernes cette semaine, demandaient qu’on ne le «touche pas». Rappelons, cependant, que ce qui l’avait traîné dans l’actualité, au départ, c’était des photos suggestives de lui soulignant, justement, sa non-proximité de celle qui faisait l’objet de son attention, mais, par ailleurs, son désir tactile évident ! Ayant été interrogé pour infraction à l’Information and Communication Technologies Act, M. Tarolah déclarait une «conspiration» ayant mené à cet état de choses et suggérait qu’un renversement de situation en sa faveur suivrait probablement. On se demande bien ce qui a bien pu l’inspirer vers ces conclusions…
L’accusation de «complot» faite contre des pilotes d’Air Mauritius par leur employeur ? Celle alignée par Hussein Abdool Rahim (HAR) qui, s’étant senti lâché par ses hommes de loi et les journalistes auxquels il s’était, au départ, volontairement confié ; oubliait du coup la peur qui l’avait mené à l’express et retournait sa veste, sauf pour l’essentiel, c.-à-d. les documents plutôt têtus ?
Quoi qu’il en soit, les accusations de «conspiracy» semblent être dans l’air du temps ! Voyez vous-mêmes ! Jim Seetaram est accusé de «complot» pour déstabiliser le gouvernement. HAR accuse les journalistes de l’express de complot avec Roshi Bhadain. Me Yousuf Mohamed pense, lui, au contraire, qu’un complot existe pour faire que HAR retourne sa veste. Plus loin dans le temps, l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, a été provisoirement accusé de conspiration pour obtenir un prêt de Rs 40 M à la Bramer Bank, pour avoir favorisé Veekram Bhunjun dans le contrat Betamax et pour avoir blanchi Rs 100 M, avec Nandanee Soornack dans l’affaire Dufry. Ces trois accusations provisoires ont été, cependant, toutes rayées. Par contre, l’accusation de «complot», avec des officiers de police, Gooljaury et autres pour masquer la vérité dans le cas de Roches-Noires, tient toujours. Le 25 mars 2016, Raj Dayal accusait son accusateur, M. Soobhany, de «complot» contre lui dans l’affaire «bal kouler». Les accusations de complot pleuvent aussi dans le domaine du commerce de la drogue, où on retrouve pourtant des noms charmants comme Gro Veeren, Ti Ner et Very Good. En octobre 2016, l’ancien directeur de la MPCB, Rajiv Beeharry-Panray, voit une accusation provisoire de «complot» contre lui être rayée. On a parlé de «complot» contre l’assistant surintendant de police Tuyau en juin 2017 et de «complot» aussi pour le démantèlement de la BAI en février 2015 – c’est du moins, alors, la thèse de Me Shakeel Mohamed. Le mot «complot» est par ailleurs revenu, entre autres, dans les cas d’Ajay Gunness, Nelly Jirari, Alvaro Sobrinho, Thierry Henry et Siddick Chady – qui visait, dans sa situation particulière, les témoins néerlandais dans l’affaire Boskalis. Le ministre Lutchmeenaraidoo pense, lui, qu’il y a complot contre sa personne dans le dossier Euro loan. Un complot qui rime, dit-il, avec Gestapo !
Qu’est-ce qui nous vaut une telle épidémie de «complots» ?
Difficile à dire avec certitude, mais suggérons au moins, outre être devenu presque un automatisme pour ceux qui sont au pouvoir quand ils sont accusés de quelque infraction, que c’est une accusation facile à faire – même si substantiellement plus difficile à prouver ! En effet, nonobstant les mots «unlawful» et «wrongful», il suffirait vraiment que deux personnes prennent quelque initiative qui soit «harmful» pour tiers ? Or, la grande majorité des décisions prises, même si elles sont favorables à certains, sont certainement «harmful» aux intérêts… d’autres. Réfléchissons. Si, comme chef d’entreprise, vous augmentez les salaires des employés, on pourrait arguer que c’est «harmful» aux intérêts des actionnaires ? Si, comme gouvernement, vous avez le geste louable de vous attaquer à la grande pauvreté, est-ce «harmful» pour ceux qui passeront à la caisse, c.-à-d. les contribuables ? A contrario, ce qui est «harmful» pour Yerrigadoo ou Dayal, peut-il être au bénéfice de l’éthique politicienne ? Quel était le but visé par le législateur ?
Par ailleurs, je ne crois pas avoir jamais vu une accusation de «complot» contre quelqu’un qui est au pouvoir. Est-ce une coïncidence ? On peut supposer qu’il n’y a pas de «complot» dans la campagne d’affichage accusant l’express et le mauricien de «hindu-bashing» ? Ni de «complot» dans le lynchage, sur Facebook de la réputation de Mlle Latchmee Devi Adheen, celle qui dénonçait, au départ, M. Tarolah ? Ni de complot dans la décision d’arrêter le Directeur des poursuites publiques dans le froid du petit matin en juillet 2015 ? Ni de «complot» pour licencier Megh Pillay d'Air Mauritius l’an dernier ou encore trois pilotes cette année ? Ni de «complot» dans la décision du ministre Soodhun d’annuler les baux consentis à Veekram Bhunjun pour un développement immobilier à Rivière-Noire ? Ni de «complot»… ?
Je ne suis pas légiste et j’ai peut-être tort, mais il me semble que le mot «harmful» comme compris par cette clause 109 permet autant de marge de manoeuvre et de flou aux enquêteurs de la police que les charges provisoires elles-mêmes. Le législateur aurait, dans ce cas, intérêt à resserrer sa voile et à préciser sa pensée ? En parlant de quoi : c’est pour quand le grand oral parlementaire sur le Police and Criminal Evidence ( PACE) Bill pour solder les bavures des «provisional charges» ?
Ça arrive vraiment cette loi ou il y a un complot «contre», quelque part ? Comme le «complot» qui a fait qu’on nous a promis une «Freedom of Information Act», deux fois déjà (en 2005 et 2014), mais qu’on a depuis «comploté» pour ne pas la concrétiser !
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