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Forum à discours ou partenariat concret ?
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Forum à discours ou partenariat concret ?
En cette fin de mois, plus précisément les 29 et 30 novembre, le sommet de l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) se tiendra à Abidjan, Côte d’Ivoire. Ce sera la cinquième version de ce «partenariat».
L’on se souviendra que le premier sommet EUAfrique (l’UE avait insisté que cette rencontre soit ainsi libellée pour permettre la participation du Maroc, qui n’était plus membre de l’Or- ganisation de l’union africaine (OUA), s’étant retiré de celle-ci en 1984 après la reconnaissance par cette instance de la République arabe sahraouie démocratique) avait eu lieu au Caire en l’an 2000, après de très âpres négociations entre les délégations de l’OUA et de l’UE.
La responsabilité de diriger la délégation de l’OUA m’incombait en ma qualité de secrétaire général adjoint, chargé des questions économiques, du développement et de la coopération. L’UE ne voulait que d’une rencontre symbolique en ce début du nouveau millénaire pour bonne conscience et marquer le coup. Au nom de l’OUA, je m’étais farouchement opposé à ce que cette rencontre ne soit qu’une simple séance de photos, en insistant qu’elle soit le début d’une nouvelle ère de partenariat entre l’Europe et l’Afrique.
C’est ainsi qu’après plusieurs séances de négociations alternant entre capitales européennes et africaines, ce premier sommet adopta deux documents qui devaient jeter les bases de ce partenariat : la Déclaration du Caire et le Plan d’action du Caire. L’UE avait aussi finalement agréé que de telles rencontres se tiennent chaque trois ans pour approfondir ce partenariat et faire le bilan de la mise en œuvre des décisions prises et paraphées antérieurement.
Toutefois, la prochaine rencontre n’eut lieu qu’en 2007 à Lisbonne. Le processus avait été bloqué jusque-là par le refus de l’UE, menée par la GrandeBretagne, d’une participation du Zimbabwe, pays déclaré paria. Mais à la reprise du dialogue, les documents du Caire furent convenablement archivés et envoyés aux oubliettes. Et on recommença à discuter à zéro.
Pourtant, le Plan du Caire contenait des balises solides et concrètes. Entre autres, il y était prévu un mécanisme pour la restitution des biens culturels se trouvant dans divers pays européens à leurs pays d’origine en Afrique. Et aussi bien que le retour dans les trésoreries africaines des monnaies illégalement entassées en Europe.
Force est de constater que, mise à part le retour de l’obélisque d’Axum en Éthiopie qui, des années durant, était majestueusement érigé devant le quartier général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture à Rome, il n’y a pas eu de grand progrès enregistré.
Les relations qui lient le continent africain à l’UE remontent à l’ère coloniale. Mais elles devinrent structurées après la vague d’indépendance avec la mise en place des différentes conventions de Yaoundé, de Lomé et de Cotonou.
La préservation et la sécurisation des marchés motivaient largement ces relations. Les États africains y trouvèrent leur compte. Car leur survie politique et économique dépendait de cette corde ombilicale qui les liait toujours aux métropoles européennes.
Nouveau départ
Au fil des années, cette relation donateur-récipiendaire se consolidait davantage. L’UE était devenue la source incontournable de fonds de roulement et accessoirement de développement.
Les États africains, eux, étaient devenus pourvoyeurs de matières premières essentielles à l’économie européenne. Les rencontres collectives se faisaient principalement au niveau de l’UE–Afrique– Caraïbes–Pacifique, en se servant des instruments prévus dans les conventions successives.
La fin de la Guerre froide, la mondialisation, l’internationalisation de l’économie mondiale, l’avènement de l’Organisation mondiale du commerce et les nouvelles stratégies de l’ensemble africain pour faire face aux nouveaux défis mondiaux accélèrent de façon tangible les interactions entre l’Afrique et l’UE. Le fil conducteur pour les États africains était l’intégration du continent, objectif majeur du Traité d’Abuja.
Toutefois, les dialogues périodiques entre l’OUA et la Commission de l’UE jusqu’au sommet du Caire tournaient essentiellement autour des questions de conflits armés en Afrique. Les questions économiques et de développement n’étaient abordées que de façon superflue. Malgré la Joint Africa Europe Strategy adoptée au sommet de 2007, qui se voulait un nouveau départ dans les relations entre les deux continents et une cassure de la notion de donateur-récipiendaire, il est évident que les progrès enregistrés depuis lors se sont presque limités aux domaines de paix et de sécurité.
L’UE a fait des questions de démocratie, gouvernance, droits humains, paix et sécurité son cheval de bataille. Cependant, l’objectif primordial africain, l’intégration, continuait à être bafoué par son partenaire. L’exemple par excellence qui vient à l’esprit est l’imposition des Accords de partenariat économique sur une Afrique balkanisée à nouveau pour ce besoin.
Le sommet d’Abidjan devrait être saisi par les deux camps pour étaler leurs intérêts sans état d’âme. De façon honnête comme de vrais partenaires.
Les questions d’intégration régionale et continentale, de migration (voire la tragédie du trafic humain), de développement, de financement, de restitution des biens et capitaux, de démocratie, de gouvernance, d’échanges commerciaux, devraient faire l’objet de décisions dont la mise en œuvre serait sujette à un mécanisme de suivi conjoint et léger, avec pouvoir d’enlever les obstacles chemin faisant. Le secteur privé et la société civile devraient avoir voix au chapitre.
Il faut que ceux qui se retrouveront à Abidjan aient le courage de convenir que les fruits découlant des quatre précédents sommets n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Un nouveau départ est impératif pour que ce partenariat puisse se défaire de son manteau de forum à discours !
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