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A Frenchman in Accra

30 novembre 2017, 07:29

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Repenser l’Afrique en Afrique. Aujourd’hui, Emmanuel Macron devient le premier président français à se rendre au Ghana, un pays anglophone qui a prospéré hors de la terrible sphère d’influence de la Françafrique. Mis en oeuvre par de Gaulle dans le sillage des indépendances africaines, le puissant réseau Françafrique, particulièrement actif en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, se révèle un instrument incontournable de la politique hégémonique de la France. L’exfiltration, malgré la révolte du peuple burkinabé, de Blaise Compaoré vers la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara nous l’a encore prouvé en 2014. La semaine dernière, nous étions au Gabon et nous avons vite réalisé que la Françafrique fonctionne bel et bien.

Comme l’Afrique change, et que le panafricanisme rêvé par Kwame Nkrumah et Thomas Sankara (entre nombreux autres) s’impose lentement en raison des enjeux transnationaux, des puissances comme La Chine, l’Inde, les États-Unis, le bloc européen (et particulièrement la France) tentent d’étendre leurs influences au-delà de leur partenariat traditionnel. Macron, qui est bien plus jeune que nos pays indépendants, veut réinventer la Françafrique – en s’adressant aux jeunes, tout en misant sur une nouvelle vision de la Francophonie comme un double levier d’intégration et de mondialisation.

«Le choix du Ghana illustre notre approche continentale et notre ambition de nouer des liens avec l’Afrique anglophone», communique l’Élysée. L’intérêt suscité par et pour les économies anglophones est flagrant. D’ailleurs, Macron, dès son installation à l’Élysée, s’est entouré, au sein de son conseil présidentiel pour l’Afrique, de deux jeunes anglophones, en l’occurrence la Kenyane Yvonne Mburu et la Sud-Africaine Nomaza Nongqunga Coupez.

Pays phare de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, le Ghana (où Maurice dispose depuis 2015 de deux baux pour développer des Technology Parks – qui restent pour l’heure virtuels !) se situe dans une position géographique unique, au beau milieu des pays africains francophones. L’ancienne colonie britannique, contrairement au Nigeria ou au Zimbabwe par exemple, reste relativement stable et peut se permettre de nourrir ses ambitions d’avoir l’énergie nucléaire, – le Ghana a déjà obtenu le feu vert de l’Agence internationale de l’énergie atomique pour la mise en place d’une centrale. Et face aux appels de pied des groupes chinois et russes, la France de Macron se doit de séduire le Ghana pour se frayer une place dans ce projet. D’où son approche anglophone.

De Ouagadougou à Accra en passant par Abidjan, Macron, dans cette présente tournée africaine, choisit ses mots et veut éviter tout faux pas ou clichés réducteurs ou moralisateurs. Les Africains sont à fleur de peau sur les questions identitaires. Non, il n’y aura pas de discours à la Sarkozy, selon lequel l’Africain n’est pas suffisamment rentré dans l’histoire (ah bon, laquelle ?), ou des leçons d’ordre civilisationnel à administrer, «au coeur des ténèbres». Macron est neuf et il cible les jeunes. Il leur cite les défis transnationaux que le contient doit relever : terrorisme, changement climatique, démographie, urbanisation et démocratie. On ne maltraite plus l’Afrique, où l’on se demande, de plus en plus, pourquoi le franc CFA reste subordonné à l’euro ?!

Dans trois décennies, nous, Africains, représenterons un quart de l’humanité (2,4 milliards d’âmes). Avec la plus jeune population du monde (60 % des Africains ont moins de 30 ans), Macron a compris le besoin de fédérer les jeunes anglophones aux jeunes francophones, car l’Afrique d’hier, avec ses frontières artificielles, n’existera plus.

En attendant, il ne faudrait pas, non plus, voir l’Afrique uniquement avec des lunettes roses : certes, l’Afrique, c’est un quart de l’humanité, en termes strictement démographiques ; mais le produit national brut (PNB) de l’Afrique représente, à ce jour, à peine le tiers de la seule économie américaine ! (soit seulement 2,9 % du PNB mondial, selon le Fonds monétaire international-2016).

Encore heureux que The Economist (02/03/2013) prédise un taux de croissance africain de 6 % par an entre 2013 et 2023 !