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Des punaises «now», du gros gibier «later»

3 décembre 2017, 13:17

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Des punaises «now», du gros gibier «later»
Des policiers, regroupés en syndicat, ont manifesté pacifiquement dans les rues de Port-Louis, mercredi 29 novembre.

Incident typique d’une République bananière africaine. Un ministre extrêmement riche et se vantant d’être particulièrement doué sur le plan intellectuel demande à un policier, qui et à la fois son chauffeur et son garde du corps, de lui procurer un burger et une boisson gazeuse alors qu’ils se déplaçaient en voiture.

Le chauffeur s’arrêta auprès d’un fast-food, acheta de ses propres sous (le ministre étant super-pingre) le burger et la boisson. Et la limousine officielle reprit son chemin. À un certain moment, il y eut un échange de mots entre le ministre et son chauffeur.

Le patron, contrôlant mal sa colère, utilisa sa bouteille de boisson gazeuse – heureusement en plastique – pour assener un coup sur la tête de ce dernier. Sur ce, l’homme agressé freina brusquement, tira le frein à main et descendit de la voiture pour disparaître à grands pas des lieux.

Le policier, faisant partie du corps d’élite assurant la sécurité des Very Important Personalities, fut évidemment rétrogradé. Il a retrouvé son uniforme de simple gabelou.

Évidemment, s’il existait un syndicat pour défendre la cause des policiers, cet incident aurait été porté sur la place publique, incitant même le leader de l’opposition à interroger le Premier ministre lors d’une Private Notice Question. Il n’en fut rien.

Au contraire, d’autres policiers, des secrétaires et des attendants durent subir les sautes d’humeur du grossier et violent personnage. Au point où son patron, le Premier ministre, le débarqua à l’occasion d’un remaniement ministériel.

Si on revient à la République de Maurice, des policiers maintenant regroupés en syndicat ont voulu se livrer à une démonstration de force en ce jour historique du mercredi 29 novembre 2017. Pour la première fois dans l’histoire du pays, des policiers ont manifesté publiquement pour revendiquer leurs droits, dont la protection contre la morsure de punaises dans l’exercice de leurs fonctions.

Plus chanceux que leurs collègues étrangers, nos policiers ne sont heureusement pas menacés par des bombes à retardement ou des attaques menées par des terroristes suicidaires armés de lance-roquettes ou de kalachnikov. N’est-on pas, après tout, Paradise Island ?

Cette manifestation historique du 29 novembre 2017 qui a été revigorée par la présence du «docteur» Rajah Madhewoo et du pugnace et infatigable Georges Ahyan – deux têtes d’affiche des «forces vives» de la nation – a vu la participation de 40 personnes. Y compris des enfants de policiers, de quelques curieux et évidemment (encore ce terme !) des agents du National Security Service.

Le pays compte 13 000 policiers. Mais la manifestation du 29 novembre, loin d’être un fiasco comme l’allèguent les méchants, n’est qu’un commencement. Mao Zedong ne nous avait-il pas enseigné qu’il suffit d’une étincelle pour allumer un feu de prairie ?

Pour sa part, le plus grand révolutionnaire de tous les temps, Vladimir Ilitch Oulianov, plus connu comme Lénine, prouva qu’il n’est point nécessaire de réunir une foule pour commencer une révolution. Il suffit d’engager un petit groupe bien déterminé.

Dans un contexte où Maurice fait face à une détérioration sans précédent au chapitre du law and order, la syndicalisation de nos policiers représente une nouvelle donne dans l’équation politico-sociale. En toile de fond, un constat nullement rassurant : les policiers sont de moins en moins craints et respectés des Mauriciens.

La semaine dernière, des hommes violents ont agressé un représentant de l’ordre à l’intérieur même d’un poste de police. Pour mieux souligner l’humiliation que les agresseurs ont fait subir au policier, ils se sont permis de partir avec son… portable. Qui assurera la sécurité des citoyens, surtout des femmes sur la voie publique, si un policier est incapable de se protéger lui-même ?

La syndicalisation aidera sans doute les policiers à mieux revendiquer leurs droits bien qu’au niveau des punaises, ils auraient pu faire un tout petit effort pour assurer la salubrité de leurs lieux de travail. Qui ne souhaiterait pas que les membres de la force policière deviennent plus performants en assurant la sécurité des citoyens ?

Mais l’envers du décor, qui n’est pas consterné d’apprendre chaque semaine que des policiers sont eux-mêmes arrêtés pour trafic ou possession de drogue ou autre délit ? Tout comme le syndicat doit être parfaitement armé pour défendre ses membres, la direction de la police devrait trouver des moyens de se faire limoger au plus vite des éléments qui font honte à l’institution.

En attendant que leur cas ne soit décidé dans une cour de justice bien des années plus tard, ces policiers pourris touchent l’intégralité de leurs salaires de base. Leurs avocats vont tout faire pour retarder au maximum le procès.

Le syndicat est tenu à prendre position sur les brebis galeuses pour asseoir sa crédibilité. Le jour où le syndicat des policiers deviendrait vraiment puissant, les punaises ne seraient que du menu fretin. Car tout ministre, même extrêmement riche, même bardé de diplômes en double ou en triple, qui oserait «cogner» sur la tête de son garde du corps, risquerait d’aller solliciter à son tour l’expertise d’un chirurgien esthétique pour réparer son visage.

Le policier agressé en premier bénéficierait alors du service d’un avocat payé par le syndicat. L’homme de loi prouverait que le policier avait agi en légitime défense. Et bien sûr, le policier deviendrait la coqueluche des Mauriciens.