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Débats et des bas

9 décembre 2017, 07:30

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Recentrons le débat si vous le voulez bien. Le no 18 nous donne une opportunité, entre ces multiples scandales qui ternissent notre pays, de repenser bien des pratiques politiciennes. C’est comme une respiration dans l’espoir d’avoir un nouveau souffle citoyen. Posons-nous alors la question essentielle : c’est quoi la politique si ce n’est le savoir partagé sur la polis, la cité ou ici la ville ? Ce savoir n’est pas entre les mains exclusives de ceux qui veulent nous représenter quel que soit leur motif/agenda ou parti. Ce savoir est en fait aux mains de tous les citoyens, même ceux qui n’habitent pas forcément Belle-Rose-Quatre-Bornes. Une ville, c’est une communauté d’hommes et de femmes qui ont le pouvoir de prendre des décisions au terme d’un débat public – discuter, échanger, comparer, contraster, affiner, réévaluer. C’est l’essence même de la politique, si tant qu’on veuille lui donner toutes ses chances démocratiques.

Nos tentatives de faire débattre (entre eux) les nombreux candidats sur un même plateau sont laborieuses et lassantes. C’est une mission quasi-impossible. Notre confrère Top FM qui a essayé un face-à-face, annoncé comme explosif, entre Boolell et Bhadain, en sait quelque chose. Pour plusieurs organes de presse, qui veulentsincèrement saisir la vague de cette partielle, une fois les difficultés techniquessurmontées (difficultés que la MBC n’a pourtant pas), il faut convaincre les candidats à s’exposer, eux qui sont pourtant si loquaces sur leur page Facebook ou quand ils font du porte-à-porte, c’est-à-dire dans leur zone de confort. Et là, quand on discute avec les candidats, l’on se rend vite compte que chacun veut imposer ses conditions. Du coup,l’échange promis est, dès le départ, hypothéqué.

On a l’impression que chacun a une peur bleue des casseroles qu’il ou elle traîne. Souvent, nous, journalistes, nous entendons : «Oui, mais à condition de ne pas toucher à tel ou tel thème», «Je ne veux pas me mesurer à X, mais plutôt à Y». Et les candidats font aussi tout pour éviter des journalistes jugés trop rigides (c’est-à-dire sans possibilité de leur arracher une quelconque faveur audiovisuelle, que ce soit en temps d’antenne ou en positionnement devant les caméras ou en encore dans l’ordre de passage). À la rigueur, ils vont en général accepter de lire ou réciter leur discours, sans interruption, sans interaction, sans départir du script.

Pour ceux à la recherche d’un duel acharné comme entre Barack Obama et Hilary Clinton ou Emmanuel Macron et Marine Le Pen, il faudra clairement repasser. Dommage, car cela aurait permis à tout un chacun de voir son/sa candidat(e) dans tous ses états.

Il y a le fond aussi. Comment le MMM va se différencier fondamentalement du PTr (surtout d’Arvin Boolell) trois ans après avoir été son allié ? Les mauves aujourd’hui peuvent-ils dire «voter macaroni, c’est voter macarena» ? Comment Roshi Bhadain et le PMSD vont-ils continuer à critiquer Pravind Jugnauth et son métro après avoir flatté ce dernier et le projet de transport alternatif quand ils étaient ensemble au GM Lepep ? Comment les candidats vont-ils expliquer leurs frais alors que tout le monde sait qu’ils violent la loi sur les dépenses électorales ? Comment vont-ils parler du vivre-ensemble et du mauricianisme si tout le monde ou presque pratique le jeu communal (à l’exception notable de Rezistans ek Alternativ et de Jack Bizlall, entre autres).

Et en termes de stratégie pure, à une semaine de la partielle, il y a des risques que certains ne veulent pas prendre. On sent que le PTr évite toute confrontation Boolell-Bhadain. Peut-être parce que Boolell, qui est d’un calme olympien, pourrait laisser des plumes face à la virulence du «debater» Bhadain, qui veut à tout prix en découdre avec Boolell, snobant tous les autres candidats. Et si Boolell est vraiment le favori, pourquoi, selon les rouges, devrait-on donner une chance à Bhadain ? Afin que celui-ci réduise cette avance ? Puis, il y a des jeunes comme Tania Diolle et Kugan Parapen qui veulent débattre sur le plan des idées et non pas sur celui des clichés et slogans propres aux partis traditionnels. Ces jeunes ne comprennent pas forcément pourquoi, si chaque candidat répond, sans interruption, (comme un monologue), pendant trois minutes, il leur faudra poireauter pendant 21 minutes pour pouvoir reparler. Les nouveaux politiciens veulent en découdre du tac-otac alors que les anciens veulent d’un protocole qui ne va rien bousculer en termes d’ordre établi – c’est ce que nous avons ressenti en discutant avec les candidats…

***

 Étant donné la complexité et l’importance de la gestion d’une ville, l’on ne peut pas, comme le Party malin par exemple, s’improviser politicien, sans que cela ne provoque des dommages pour soi-même et pour ceux qu’on est censé représenter au Parlement. Un politicien doit avoir, selon Platon, une connaissance universelle du monde qui l’entoure – et cela suppose de longues et nombreuses étapes de l’apprentissage politique. Cet apprentissage se fait par le truchement de débats au sein de l’espace public – comme avant dans l’agora antique. Où chacun devait pouvoir faire son marketing politique – seul face au peuple, et non pas sur des posters ou des podiums complaisants.

De plus en plus les politologues estiment que la politique est avant tout un style. C’est une affirmation révolutionnaire car les mensonges et les faux-semblants sont vite démasqués sous les projecteurs grossissants. Sous l’œil impitoyable des caméras, le citoyen peut se faire une idée de celui ou celle qui a la capacité de gérer la ville pour nous, et ainsi découvrir si le ou la candidat(e) comprend réellement les enjeux de notre société à la faveur d’un débat où le réel (c’est-à-dire les questionssociétales) est discuté sans filtres idéologiques mais avec sincérité. Sincérité, c’est le mot-clé. Le ou la candidat(e) qui apparaîtra le ou la plus sincère l’emportera cette fois-ci...