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Boskalis: qui a le droit ?
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Boskalis: qui a le droit ?
Ainsi, selon la défense dans la nébuleuse affaire Boskalis, l’express et Weekly pourraient être inquiétés par la justice. Pourquoi ? Parce que nous avons critiqué les delaying tactics des avocats de la défense et remis en cause l’administration de la justice dans ce procès qui perdure depuis 2008 avec des rebondissements les uns plus incroyables que les autres…
Il serait intéressant de savoir, précisément dans l’affaire Boskalis (qui entraîne la réputation de notre démocratie sur le plan du Rule of law), jusqu’où, en effet, on peut critiquer le fonctionnement de la justice dans les médias. S’il est entendu que des dispositions légales encadrent la liberté d’expression dans quelques cas, entre autres afin de protéger l’indépendance de l’autorité judiciaire et de ne pas mettre à mal la confiance des justiciables en cette institution, il y a aussi des procédés, notamment ici ceux des avocats Hawoldar et Toorbuth, sur lesquels nous ne pouvons pas – et nous n’allons pas – nous taire comme journalistes.
D’ailleurs la joute verbale de mercredi entre le bureau du DPP et les avocats de la défense autour de la liberté d’expression relance la question : la justice serait-elle intouchable ? C’était peut-être le cas auparavant, mais plus aujourd’hui… En 2014, la décision du Privy Council dans l’affaire Dharmanand Dhooharika a sensiblement changé la donne. Ce jugement avait du reste été brandi par la Commonwealth Law Association pour décrire, «comme archaic offense», l’article du Code pénal mauricien sous lequel avait été condamné notre confrère Dhooharika par la Cour suprême (trois mois de prison pour outrage à la cour). Son blanchiment par la plus haute juridiction du pays était une importante avancée pour la liberté d’expression et il est de notre devoir, aujourd’hui, de le rappeler. Soulignons que l’Angleterre et le pays de Galles ont aboli, en 2013, le terme de loi «scandalising the court», qui permettait la poursuite de personnes faisant des allégations mensongères ou infondées contre le système judiciaire.
Si jusque dans les années 40, les condamnations pour outrage à magistrat étaient fréquentes, de nos jours, le discrédit jeté sur une décision de justice tombe en désuétude. Dans ce genre d’affaire, les magistrats doivent soupeser, d’une part, les principes protégeant une personne et une institution et, de l’autre, ceux garants de la liberté d’expression. Selon la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, qui traite souvent des appels des journalistes, pour qu’il y ait outrage à la cour, il faut que les paroles du journaliste soient «de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance». En 2008, la Cour européenne des droits humains a déclaré excessive la condamnation du journal Libération, qui avait relaté les critiques de la veuve du juge Borrel contre les magistrats chargés de l’enquête.
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Retour à Maurice. Pour l’avocat de Siddick Chady, on aurait mieux fait de ne pas évoquer, dans notre éditorial, les manoeuvres déployées par les avocats afin que la Cour de Rotterdam perde confiance en notre justice et cesse sa collaboration avec Maurice. On l’a dit et on le répète : sur le plan de l’administration de la justice, il importe de tirer les leçons du procès Boskalis, comme l’a du reste fait ressortir Me Rashid Ahmine en cour cette semaine. Il y va de notre réputation sur le plan mondial, il y va de cet État de droit que nous vendons chèrement aux investisseurs, et qui nous permet de nous classer dans le peloton de tête de plusieurs indices. D’autant plus que le bureau du DPP, sur la base de «some very strong evidence» contre Prakash Maunthrooa et Siddick Chady, a réussi à convaincre, une énième fois, les autorités néerlandaises.
Au-delà du rôle des avocats de la défense, qui sont payés pour faire ce qu’ils font, il importe de s’interroger sur les points de droit qu’ils soulèvent qui sont vides de substance, outre d’être «irrelevant and vexatious». La cour leur a donné toute la latitude pour étaler ces points – ce qui nous a fait perdre beaucoup de temps, avec le risque que le procès soit rayé face au désistement (heureusement avorté) des Néerlandais. Il y a aussi les problèmes techniques survenus durant les visioconférences qui ne font pas honneur au rôle que nous prétendons jouer dans le secteur des TIC…
Enfin, relevons, une fois encore, qu’il n’existe pas une action de la cour qui ne s’inscrive au coeur de considérations relatives à la bonne administration de la justice. Le principe de l’administration de la justice donne à la cour un pouvoir d’agir ou de veiller au respect d’un procès satisfaisant. Ni plus ni moins, Me Toorbuth.
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